Selon Hugues Mbadinga Madiya : « La dette publique gabonaise reste soutenable, malgré une tendance à la hausse rapide du taux d’endettement… »

Gouvernance
mercredi, 08 août 2018 11:01
  Selon Hugues Mbadinga Madiya : « La dette publique gabonaise reste soutenable, malgré une tendance à la hausse rapide du taux d’endettement… »

(Le Nouveau Gabon) - Au lendemain de l’accord de décaissement de la deuxième tranche de l’appui budgétaire accordée par le Fonds monétaire international (FMI) au Gabon, soit 100,2 millions de dollars dans le cadre d'un prêt triennal, notre rédaction s’est rapprochée du Directeur général de la dette, Hugues Mbadinga Madiya (photo), pour faire le point sur la situation de la dette du pays. Lecture …

Monsieur le Directeur général, le 8 juin dernier, l’agence de notation Moody’s a baissé la note souveraine du Gabon de B3 à Caa1. Elle justifiait cette notation notamment, par la récurrence des retards de paiement récurrents du pays auprès de ses créanciers et de ses fournisseurs. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Hugues Mbadinga Madiya : Nous devons malheureusement admettre que la crise pétrolière qui frappe le Gabon depuis l’année 2014 a eu des conséquences importantes sur l’économie. L’une des conséquences les plus directes est la survenance de déficits budgétaires et de manière incidente, de difficultés de trésorerie.

Aussi, malgré des progrès importants effectués en 2017 en matière de règlement de la dette, nous avons commencé l’année 2018 avec des difficultés de trésorerie ayant entrainé une nouvelle accumulation d’arriérés. L’agence de Notation Moodys en a tiré les conséquences, même s’il faut relever dans le même communiqué qu’elle affirme que les perspectives de l’économie gabonaise restent positives.

Vous faites bien de soulever cette question de la notation du Gabon car au lendemain de la 2e revue concluante du Plan de Relance de l’Economie par le FMI, l’une des leçons à tirer est que la crédibilité extérieure et intérieure du Gabon doit être au centre de notre stratégie. Nous ferons l’effort dans les prochaines semaines de mettre en œuvre une stratégie plus active de gestion de la notation et même de la perception du Gabon par les investisseurs.

Nous avons fait l’effort à l’occasion de cette revue d’apurement presque totalement le stock des arriérés extérieurs du Gabon. Ces efforts, malgré une conjoncture toujours difficile devront se poursuivre, tout en améliorant la communication avec les bailleurs de fonds, les investisseurs et les agences de notation.

Malgré tous les efforts fournis pour l’apurement de la dette du pays depuis l’année dernière, on a l’impression que la situation de la dette gabonaise a pris des allures du mythe de Sisyphe, difficilement surmontable. Alors, quelle est aujourd’hui le montant réel de la dette du Gabon, notamment au plan intérieur, mais également extérieur ?

Beaucoup de choses sont dites sur la dette du Gabon, mais il est important d’aborder cette question sur un terrain rationnel. Notons dans un premier temps, que la dette représente l’ensemble des engagements pris par l’Etat aux plans intérieur et extérieur, auprès des marchés financiers, du secteur bancaire, des institutions financières bilatérales et multilatérales, des entreprises.

A fin mars 2018, l’encours total de la dette publique s’élevait à 4 772 milliards Fcfa dont 3 318 milliards Fcfa en dette extérieure, soit 69,53% et 1 454 milliards Fcfa pour la dette intérieure, soit 30,47%. Cet encours rapporté au Produit intérieur brut (PIB) projeté pour l’année 2018, donne un taux d’endettement public égal à 52,4% qui demeure en-dessous du seuil communautaire de 70%. Dans nos projections, nous serons à même de parvenir à un niveau d’environ 40% du PIB d’ici trois ans.

Comme vous pouvez le constater, la dette publique gabonaise reste soutenable, malgré une tendance à la hausse rapide du taux d’endettement qui s’explique beaucoup plus par la baisse mécanique du PIB suite à la crise pétrolière. Cependant, la baisse des ressources budgétaires a généré d’importantes difficultés de trésorerie. Il se pose donc depuis quelques années, un problème de liquidité de la dette. Cela se traduit bien souvent par une accumulation des arriérés.

Dans le cadre de la dette intérieure, au mois de février dernier, il était prévu un décaissement de 310 milliards FCFA pour solder les comptes de 177 entreprises gabonaises. Le processus a-t-il démarré ? Si oui, où en sommes-nous ?

Vous voulez certainement parler du Club de Libreville, mis en place au mois de mars 2018 et qui a fait l’objet de la signature d’une convention de consolidation et de règlement de la dette intérieure pour un montant de 310 milliards de francs CFA.

Bien sûr

Permettez-moi d’expliquer dans un premier temps que ce mécanisme est une modalité de rééchelonnement de la dette intérieure dont le règlement était devenu problématique. L’Etat s’engageait conformément à la convention signée avec le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) nommé Club de Libreville, à payer 5 milliards FCFA par mois sur une durée de 6 ans.

Depuis le mois de mai, l’Etat s’acquitte régulièrement du règlement de cette somme et celle-ci est répartie de manière équitable entre les entreprises ayant adhéré au Club. Par ailleurs, les créances admises au club peuvent faire l’objet de rachat par des banques ou par le biais d’instruments du marché financier tels que les bons et obligations du Trésor. A ce jour, plus de 100 milliards FCFA de créances ont fait l’objet de rachat.

Comme vous le voyez, le mécanisme du Club de Libreville se déroule de manière normale. Maintenant, il ne nous appartient pas de donner les informations sur les entreprises ayant adhéré au Club de Libreville. Je vous inviterais à vous retourner vers les groupements patronaux ou le GIE, pour qu’ils vous indiquent ceux de leurs membres ayant fait l’objet de régularisation de leur dette à travers ce mécanisme.

Le fait de s’endetter pour régler ses créances n’entrainerait-il pas le pays vers une spirale d’un interminable d’endettement ?

Vous voulez certainement parler des emprunts d’équilibre qui ont pour vocation à équilibrer un budget déficitaire. C’est une pratique qui n’est en effet pas à encourager.

En réalité, dans le cadre du PRE, il n’y a pas d’emprunts d’équilibre mais plutôt des appuis budgétaires versés par des bailleurs de fonds tels que le FMI, la BAD, la Banque mondiale et l’AFD. Ces appuis ont pour vocation de financer des programmes arrêtés dans la loi de finances. Ils sont également assortis de conditionnalités en termes de réformes.

Pour notre part, l’objectif principal assigné à nos services est de mobiliser les ressources internes et externes pour financer les projets de développement. Il peut arriver au-delà de cet objectif global que nous utilisions certains outils pour refinancer la dette, surtout dans un contexte d’accumulation d’arriérés. Nous avons eu recours à des mécanismes de titrisation par le marché financier, ou de crédits relais pour faire avancer certains projets de développement.

C’est un arbitrage temporaire entre impact économique et logique financière de court terme. Mais je puis vous rassurer que ces modalités ne viennent qu’en complément du mode traditionnel de règlement de la dette car il ne s’agit pas d’entrainer le pays dans une cercle vicieux d’endettement.

Au terme de cet entretien, vous avez certainement un message à l’endroit du peuple gabonais ainsi qu’à la communauté internationale sur la situation de la dette gabonaise qui suscite malgré tout, une certaine préoccupation ?

Je voudrais simplement vous remercier pour l’opportunité que vous me donnez de communiquer sur la situation de la dette publique. Ce qu’il convient de retenir est que la gestion de la dette est dynamique. Une simple baisse du PIB comme nous l’avons connue depuis 2014, peut entrainer mécaniquement une hausse du taux d’endettement.

Il est donc important à partir de ce moment d’avoir une politique prudente d’endettement qui vise la création de richesses, mais qui soit également soutenable à long terme.

C’est pourquoi les objectifs qui nous ont été confiés par les plus hautes autorités sont d’une part, de réduire le rythme de l’endettement de manière à parvenir à un niveau stratégique de 40% du PIB à l’horizon 2021, et d’autre part, d’améliorer la qualité de l’endettement. Cela veut dire qu’il faudra veiller à ce que les sommes mobilisées soient utilisées efficacement.

Comme je l’ai indiqué par ailleurs, nous allons lancer dès le mois de septembre un audit exhaustif de la dette pour faire le point sur la manière avec laquelle, nous avons utilisé par le passé les ressources empruntées. Plus que jamais, la dette doit jouer son rôle qui est celui de servir de levier pour le développement.

 
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