Emmanuel Issoze Ngondet : le Gabon a retrouvé une croissance positive

Gouvernance
jeudi, 31 mai 2018 12:47
Emmanuel Issoze Ngondet : le Gabon a retrouvé une croissance positive

(Le Nouveau Gabon) - Au lendemain de sa reconduction à la tête du gouvernement, le Premier ministre gabonais revient sur la crise qui secoue le pays, les solutions et les réformes engagées pour y faire face, et évoque les perspectives quant à la distribution des dividendes économiques aux populations gabonaises qui se montrent de plus en plus impatientes par rapport aux résultats escomptés.

Dans cet entretien dans une radio locale, Emmanuel Issoze Ngondet (photo) parle aussi de l’insalubrité dans la capitale gabonaise et de l’épineux problème de la collecte des ordures ménagères.  

M. le Premier ministre, comment appréciez-vous votre reconduction au poste de Premier ministre ? Choix politique ou choix stratégique ?

Je ne peux pas me substituer au président de la République parce que c’est lui seul qui connaît les paramètres sur lesquels il s’est basé pour me reconduire. Tout ce que je peux dire à partir de ce choix, c’est que c’est une confiance renouvelée de sa part qui me conforte dans l’idée qu’il faut aller plus loin dans les réformes que nous avons déjà engagées ; et mon gouvernement va s’atteler dans les mois à venir, à accélérer la mise en œuvre de ces réformes, à appliquer la politique que le président impulse au plus haut niveau de l’Etat dans le but d’améliorer le quotidien des Gabonais.

Comment vous sentez-vous après que les gens ont vendu votre peau sur les réseaux sociaux ?

J’ai constaté comme vous, d’abord les jours qui ont précédé la démission du gouvernement, ensuite les jours qui ont suivi sa démission, que le gouvernement et moi à titre personnel, avons fait l’objet d’un tombereau d’injures et de critiques injustifiées.

Mais sachant que je m’étais fait le devoir d’agir en totale conformité avec les instructions du chef de l’Etat, je restais totalement confiant et je considérais que le chef de l’Etat était maître du jeu.

Ne pensez-vous pas que cela ait pu être le fait des frustrations de la population qui estime depuis votre arrivée que vous n’avez pas engagé le pays dans la voie d’un développement social ?

Je pense qu’en toute chose il faut rétablir les faits. Lorsque j’arrive à la tête du gouvernement en septembre 2016, nous travaillons sur un héritage. Et comme tout legs, cet héritage a un passif et un actif. La crise économique qui a frappé la sous-région y compris le Gabon, a fortement impacté cet héritage. Les éléments constitutifs du passif se sont davantage dégradés et certains éléments constitutifs de l’actif ont été négativement impactés. Donc, il fallait que mon gouvernement prenne des mesures pour rétablir les choses. Il fallait sortir de la crise, ce qui n’a pas été facile ; il fallait une stratégie et dans cette perspective, nous avons adopté le plan de relance économique (PRE) qui n’est pas un nouveau programme économique.

Parce que le programme économique sur lequel le gouvernement travaille c’est le PSGE (Plan stratégique Gabon émergent), celui sur lequel le président de la République a été élu en 2009 et qui continue de nourrir l’action du pouvoir exécutif. Alors que le PRE est une stratégie qui vise à mettre en relief un certain nombre d’axes du PSGE, pour accélérer sa mise en œuvre, rétablir rapidement la croissance, rééquilibrer les finances publiques, accélérer les filières de croissance autres que le pétrole, et lutter contre la pauvreté.

Il est évident que dans ce contexte, les attentes des populations s’expriment, mais le gouvernement, étant pris à rétablir les choses, ne pouvait pas dans l’immédiat satisfaire ces attentes légitimes. Nous comprenons l’impatience des populations, mais pour répondre à ces attentes, il fallait d’abord rétablir un certain nombre de paramètres, pour relancer l’économie afin que nous enregistrions une croissance positive à partir de laquelle on peut satisfaire les demandes de la population.

Dans votre déclaration de politique générale au Parlement, vous avez dit qu’on aurait une croissance positive mais en 2017, elle est totalement plombée. Qu’est-ce qui est à l’origine de tout cela ?

Nous partons d’une croissance presque négative qui est de l’ordre de -1% quand je prends le gouvernement ; et aujourd’hui nous avons retrouvé une croissance positive.

Parce que dans l’ensemble de la sous-région, il n’y a pas plus de deux Etats qui ont des croissances positives. Nous avons donc évité la récession. Les chiffres auxquels vous faites allusion et qui ont été annoncés lors de ma déclaration de politique générale, étaient basés sur des prévisions. Il se trouve que la réalité est beaucoup tenace que les chiffres donnés dans notre déclaration ; mais ce qu’il faut considérer c’est la trajectoire positive dans laquelle le gouvernement est lancé. Nous n’avons pas maintenu le pays dans une croissance négative bien au contraire, il y a une progression, il y a rétablissement d’une croissance positive et ça il faut le considérer, il y a encore des efforts à faire pour atteindre le chiffre de 5%.

Comment se fait-il que vous rétablissiez une croissance positive mais les populations ne la ressentent pas ?

Parce que nous ne sommes pas encore parvenus à faire une distribution maximale.

 

Et que faut-il pour avoir cette distribution maximale ?

Il faut avoir de l’argent pour distribuer. C’est la croissance qui permet à l’Etat d’engranger des recettes.

Mais nous sommes en bons termes avec le FMI et la Banque mondiale…

D’abord il faut dire que la conclusion d’un programme avec le FMI est la preuve que nous sommes dans la bonne direction. N’en déplaise à ce que disent les critiques.

Si le FMI a accepté de nous accompagner dans la mise en œuvre du PRE, c’est que les choix qui ont été faits, ainsi que les hypothèses qui ont été déclinées dans ce programme conduisent le gouvernement dans la bonne direction pour résoudre les problèmes des Gabonais.  Et l’année dernière, nous avons reçu près de 500 milliards FCFA du FMI.

Une grande partie de cette dotation a permis au gouvernement de payer la dette extérieure parce que depuis plus de deux ans, avant mon arrivée au gouvernement, on ne payait plus la dette extérieure. Et cela a été apprécié par nos partenaires financiers internationaux.

Les efforts nationaux au titre du recouvrement des recettes fiscales et douanières nous ont permis d’apurer une partie de la dette intérieure. Ce n’est peut-être pas ce que les opérateurs économiques attendent, mais il faut quand même le souligner. Donc voyez-vous, quand je parle de la crise, ce n’est pas un leurre, ce n’est pas une échappatoire, c’est une réalité avec les effets que cela comporte sur la collecte des recettes publiques, le rendement de notre économie et sur les activités portuaires.

Ce sont là les éléments qui permettent à l’Etat de procéder à une redistribution des dividendes économiques au bénéfice des populations. Le chemin est long et les difficultés seront toujours là ; mais nous avons des atouts au Gabon.

Et quels sont les atouts du Gabon ?

D’abord économiques. En dehors du secteur pétrolier, il y a dans notre économie, plusieurs secteurs qu’il faut développer pour consolider la croissance. Nous avons retenu au niveau du PRE, une dizaine de filières comme le bois, la pêche, les infrastructures, l’énergie et l’eau, l’agriculture, le tourisme, le transport et la logistique, etc. Il faut accélérer le développement de ces filières pour engranger une croissance beaucoup plus importante. Et de cette croissance, nous tirerons les produits qui pourront être mis à la disposition des Gabonais au quotidien.

M. le Premier ministre, il est devenu difficile de respirer dans les rues de Libreville tant les poubelles jonchent les rues. Qu’entendez-vous faire pour résoudre ce problème ?

Les Gabonais qui vivent dans notre capitale, aspirent à vivre dans une ville propre, une ville sécurisée. Et le gouvernement se doit de tenir compte de cette aspiration fondamentale. Pour ce qui est de la lutte contre l’insalubrité, vous savez que le gouvernement s’est fait fort d’inscrire cette action parmi ses priorités. Mais, il se trouve que là également, comme je vous l’ai dit, mon gouvernement travaille sur un héritage.

Nous ne prenons pas une situation qui sort du paysage social ex-nihilo, nous travaillons sur un héritage. Concernant la lutte contre l’insalubrité, nous avons trois opérateurs : Averda, Clean Africa pour ce qui est de Libreville, et pour ce qui est d’Owendo, il y a Sani vite. L’Etat a passé des conventions avec ces opérateurs qui participent à la collecte des ordures ménagères et à maintenir Libreville salubre et propre. Ces conventions se trouvent aujourd’hui difficilement applicables parce que les incidences financières qui en résultent ne sont plus soutenables surtout dans la période de crise actuelle. Et il se trouve que les opérateurs économiques font en quelque sorte dans le chantage pour embrigader l’Etat et conditionner leurs activités au règlement de la dette.

Et je pèse mes mots. Nous sommes en négociation pour reconventionner le partenariat que nous avons avec ces opérateurs, apprécier l’utilité de chacun de ces opérateurs, et revenir à des dispositions beaucoup plus gérables à la fois pour l’Etat mais aussi pour les populations gabonaises.

Est-ce que ce n’est pas l’occasion pour l’Etat de déléguer ce dossier aux collectivités locales et ainsi appliquer la loi sur la décentralisation ?

J’ai tenu des réunions à plusieurs reprises et certaines de ces réunions portaient essentiellement sur les stratégies à mettre en place pour parvenir à des résultats satisfaisants en termes de lutte contre l’insalubrité à Libreville. Et à ces réunions, participaient les responsables des collectivités locales.

L’objectif aujourd’hui c’est de replacer l’Etat dans un rôle central et permettre ainsi aux autres acteurs que sont les collectivités locales, d’assumer un certain nombre de responsabilités plus élevées. Et il ne faudrait pas oublier qu’on pourrait aller vers une stratégie qui donnerait également un certain nombre de responsabilités aux citoyens.

Parce que la lutte contre l’insalubrité doit être soutenue à la fois par les acteurs publics et par les particuliers. L’objectif étant de créer un écosystème qui permette à l’Etat de soutenir le coût de la prestation des opérateurs, un écosystème qui permette aux opérateurs chargés de collecter les ordures d’être plus efficaces, et un autre où l’Etat central et les collectivités vont travailler en toute synergie.

Lorsque vous parlez de chantage des opérateurs, est-ce à dire que la dette comporte des éléments douteux ?

Il faut l’auditer en tout cas. Des instructions ont été données aux ministres du Budget et de l’Intérieur dans ce sens, afin de voir ce qui est réellement pris en compte dans ces conventions ; et au terme de cet audit, l’Etat va assumer ses obligations.

PcA avec une radio locale

 
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