La restructuration du secteur pétrolier gabonais

Hydrocarbures
mercredi, 10 août 2016 21:39
La restructuration du secteur pétrolier gabonais

(Le Nouveau Gabon) - Grâce à trois initiatives majeures lancées depuis 2009, l’Etat gabonais dispose désormais des outils pour un contrôle plus accru et une meilleure maîtrise des parts des revenus pétroliers. Il s’agit notamment d’un audit en profondeur du secteur pétrolier et le renforcement des contrôles, de la création d’une Société nationale des hydrocarbures (Gabon Oil Company) et la mise en place d’un nouveau code pétrolier.

Lancé en 2011 pour s’achever en 2012, l’audit du secteur pétrolier réalisé le cabinet, Alex Stewart International a porté sur les opérations d’exploration, de production, d’exportation et de commercialisation de tous les opérateurs du secteur, ainsi que sur l’efficacité des pratiques opérationnelles en matière technique, économique, juridique et fiscale de la Direction générale des hydrocarbures et de la Direction générale des impôts.

Il aura ainsi permis d’améliorer de façon significative la maitrise des coûts des compagnies pétrolières exerçant au Gabon. Sur cette base, les contrôles dans le secteur ont été renforcés et la part nationale des revenus pétroliers mieux maîtrisée.

Le renforcement du contrôle s’est notamment manifesté à travers l’acquisition d’équipements permettant un suivi strict des données d’exportation du pétrole brut. Car, jusque-là, le contrôle des données d’exportation du pétrole brut était effectué par les opérateurs privés.

Désormais, tous les terminaux d’exportation au Gabon sont dotés d’un système de surveillance à distance de l’export. Les données de ce système de mesurage de la production de pétrole brut exportée sont transmises en temps réel à la Direction générale des hydrocarbures (DGH). Par ailleurs, un banc d'étalonnage a été construit. Il permettra au Gabon de mesurer avec exactitude la quantité de pétrole brut manipulé.

De même, les équipements du laboratoire des hydrocarbures, devenus vétustes, ont été renforcés, permettant à l’Etat d’être plus efficace dans la certification des hydrocarbures (qualité du pétrole brut, qualité des lubrifiants, qualité des carburants), le suivi de la pollution de l’environnement à travers les essais et analyses sur les échantillons prélevés dans les pools pétroliers du territoire national, et au final d’être plus efficace dans la négociation des prix et la fiscalité. L’ensemble de ces mesures a permis d’augmenter la part des recettes pétrolières collectées par l’administration fiscale. Comparativement à la situation de 2009, l’Etat Gabonais dispose en 2016 des outils et méthodes nécessaires pour jouer pleinement son rôle de régulateur et garantir la défense des intérêts nationaux.

En 2011, l’Etat gabonais a décidé de se doter d’une Société nationale des hydrocarbures (Gabon Oil Company). Les missions de cet opérateur étatique consistent de gérer toutes les participations de l’Etat dans le secteur pétrolier et de développer des projets pétroliers en phases d’exploration ou d’exploitation. Pour le compte de l’Etat, la GOC commercialise désormais des barils directement sur les marchés internationaux. Suite à la création de cet opérateur national à capitaux publics, la part de l’Etat gabonais dans les gisements est plus importante et des contrats d'exploitation et de partage de production ont été signés entre la GOC et des acteurs majeurs tels que Perenco Oil, Shell et Addax. Désormais, une proportion plus importante de la valeur ajoutée du secteur reste au Gabon.

Un nouveau code pétrolier est également venu formaliser la volonté de l’Etat gabonais de tirer un meilleur parti de l’exploitation de ses hydrocarbures. Adoptée en juin 2014, la loi portant réglementation des activités pétrolières et gazières en République gabonaise est venue combler certains vides juridiques, particulièrement dans l’activité de recherche et d’exploitation des hydrocarbures, pour une meilleure régulation du secteur et une gestion optimale des revenus pétroliers nationaux. Le nouveau code pétrolier aura aussi permis de bâtir un cadre juridique clair et attractif pour relancer les investissements et l’exploration pétrolière. Par ailleurs, des dispositions de la loi incitent désormais à favoriser le recrutement de Gabonais dans les contrats avec les sous-traitants.

Obligation a été faite aux opérateurs d’assurer au moins 25% de leurs risques avec des compagnies locales, afin de soutenir le secteur national des assurances. De même, la nouvelle loi oblige les opérateurs à mettre en place des fonds pour les opérations de démantèlement et de réhabilitation des plateformes pétrolières en fin d’activité, afin de limiter et contenir les effets négatifs sur l’environnement.

Pour renforcer les capacités et les opportunités de la main d’œuvre nationale dans la filière pétrolière et combler l’insuffisance de compétences locales dans ce secteur, l’Etat a créé l'Institut du pétrole et du gaz (IPG) à Port-Gentil. Fruit d’un partenariat public-privé entre l’Etat Gabonais et les sociétés pétrolières présentes dans le pays (notamment Total, Addax Petroleum, Eni, Perenco et Shell), l’Institut est appelé à former chaque année, des techniciens et ingénieurs opérant à tous les niveaux de l'industrie pétrolière, de l’exploration (géoscience, forage, puits, production) à la commercialisation, et positionner à terme Port-Gentil comme un pôle d’excellence régional en matière de formation aux métiers du secteur pétrolier. Depuis sa création en 2011, quatre promotions ont déjà été formées et 52 anciens diplômés travaillent aujourd’hui dans le secteur (33 chez Total Gabon, 11 chez Perenco et 8 à Shell Gabon), favorisant la « gabonisation » des postes dans le secteur.

Plusieurs initiatives ont par ailleurs été initiées pour faire de Port-Gentil un véritable cluster pétrochimique à l’horizon 2025. Port-Gentil est aujourd’hui extrêmement dépendant de l’industrie pétrolière. La relance de l’exploration, ainsi que les prix favorables du baril entre 2010 et 2013, ont contribué au dynamisme des services parapétroliers, qui ont créé jusqu’à 4000 emplois. La chute drastique du prix du baril à partir de 2014 a malheureusement inversé la tendance, détruisant les 2/3 de ces emplois.

Pour éviter la trop forte dépendance à la conjoncture du prix du baril de pétrole brut, le gouvernement a initié plusieurs initiatives pour diversifier le secteur et faire de Port Gentil un véritable cluster pétrochimique à l’horizon 2025. Ainsi, le gouvernement a travaillé étroitement avec les acteurs du secteur pour développer le contenu local dans les activités de sous-traitance des majors pétroliers et favoriser l’émergence de PME gabonaises fortes.

Par ailleurs, des négociations sont en cours avec des partenaires privés pour la création d’une Zone économique spéciale à l’Ile Mandji, plateforme logistique pour le développement d’une filière pétrochimique.

Les premiers investissements productifs sont en phase avancée de préparation, dont une unité de production d’engrais azotés composés (NPK) et une nouvelle raffinerie de pétrole. L’ensemble de ces initiatives permettront, au-delà de la simple extraction et commercialisation de pétrole brut, de faire émerger une filière pétrochimique nationale forte.

Avec la relance de l’exploration, l’augmentation de la part nationale dans les revenus pétroliers et les prémices de l’émergence d’un cluster hydrocarbures et pétrochimie diversifié à Port-Gentil, l’Etat a pris les mesures requises pour écrire une nouvelle page de l’industrie pétrolière gabonaise.

L’impact de cette politique est aujourd’hui masqué par une conjoncture difficile, due à la chute des cours du baril. Toutefois, rassure-t-on du côté de Libreville, cette conjoncture connaîtra une évolution, afin que la nouvelle politique nationale puisse porter ses fruits et donner un nouveau visage au pôle économique de Port-Gentil.

Synclair Owona

 
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