Henri Max Ndong Nzué : La limitation de l’offre pétrolière a eu un effet immédiat sur les marchés

Hydrocarbures
jeudi, 30 novembre 2017 10:52
Henri Max Ndong Nzué : La limitation de l’offre pétrolière a eu un effet immédiat sur les marchés

(Le Nouveau Gabon) - Le directeur général de Total Gabon, dans cette interview accordée au quotidien pro gouvernemental «L’Union», analyse l’impact de la réduction de la production, les performances de la compagnie au cours des neuf premiers mois de l’année et revient sur les perspectives financières, les investissements de la société au Gabon et le comportement des cours du baril pour les prochaines années.

Monsieur le Directeur général, à la lumière des performances réalisées par la compagnie sur les neuf premiers mois de l’année, y a-t-il des raisons d’espérer que la situation se stabilise ?

Henri-Max Ndong Nzué : Oui effectivement. Nos résultats progressent par rapport à l’année 2016. Si on regarde le résultat net, on se situe au niveau de 21 millions de dollars pour les neuf premiers mois de l’année. Ce qui est une belle performance pour Total Gabon. Au-delà de l’amélioration des prix du pétrole, il y a derrière cette performance, le travail de réduction des coûts réalisés par les équipes de Total Gabon. Les coûts  opératoires ont été quasiment divisés par deux en passant de 20 dollars le baril en 2013 à moins de 11 dollars aujourd’hui.

Un autre élément qui a permis de soutenir notre performance est l’amélioration de la disponibilité de nos installations. Par rapport à 2016, nous avons gagné 5 points. On est passé de 82% à 87% de taux de disponibilité de nos installations, ce qui a contribué à augmenter notre production sans quasiment des coûts additionnels.

Les qualités de brut commercialisées par Total Gabon se sont bien vendues et ont même enregistré une hausse de leur prix. Est-ce qu’on peut espérer, à juste titre, que le prix du baril sera à un niveau supérieur à 50 dollars dans les prochaines années ?

Effectivement, nous constatons une réelle embellie des cours du pétrole entre les années 2016 et 2017, qui provient essentiellement de la décision des pays OPEP, rejoints par quelques pays non-OPEP comme la Russie, de mettre en place un système de quota de leur production. Notre pays, de nouveau membre de l’OPEP, apporte naturellement sa contribution.

Sur les neuf premiers mois de l’année 2017, la moyenne de la qualité Brent de mer du Nord a été de 51,8 $/bbl contre 41,9 $/bbl en 2016. L’impact de limitation de l’offre de pétrole a eu un effet immédiat sur les marchés. Pour ce qui est des prévisions à court et moyen terme, nous voyons un environnement plutôt volatile. L’analyse des fondamentaux montre que, même avec la mise en place des quotas OPEP, l’offre de pétrole reste soutenue grâce à la dynamique du pétrole de schiste aux Etats Unis qui continue à apporter de nouvelles capacités de production sur le marché. En revanche à moyen et long terme, au-delà de 2020, du fait de la réduction des investissements nécessaires pour compenser le déclin naturel des champs en production et accroître les capacités de production, l’offre du pétrole devrait être un peu plus tendue du fait d’une demande qui devrait continuer à croître.

La cession à Pérenco de plusieurs champs dans le cadre d’un recentrage de vos actifs en mer a-t-elle finalement abouti ?

En effet, afin de maximiser la valeur de notre portefeuille d’actifs, nous avons décidé de céder nos actifs opérés à terre pour nous recentrer sur notre cœur d’activité en mer, autour des secteurs d’Anguille et de Torpille. Cette opération comprend également un partenariat stratégique sur le secteur, plus au Sud de Grondin où nous transférons la gestion des opérations à Perenco pour bénéficier des synergies générées par la proximité de leurs installations. Cette transaction qui avait reçu l’aval des plus hautes autorités de l’Etat a été  approuvée formellement par décret du Président de la République le 23 octobre 2017.

Enfin, sur le plan opérationnel, nous avons transféré la gestion de l’ensemble des sites à la société Perenco Oil & Gas Gabon le 31 octobre à minuit. Pour Total Gabon, c’est une nouvelle page qui s’ouvre. Je tiens à souligner le professionnalisme dont ont fait preuve les équipes de Total Gabon pendant la phase de transition. Nous allons désormais concentrer notre énergie à accroître la valeur de notre portefeuille en mer tout en poursuivant nos travaux d’exploration en mer profonde.

Qu’en est-il aujourd’hui des agents en poste sur ces sites ?

Conformément à la loi gabonaise, les collaborateurs affectés sur les sites transférés ont été repris par Perenco dans le cadre de contrats à durée indéterminée sans perdre leurs acquis sociaux. On me signale toutefois qu’un agent sur les 35 concernés, serait encore hésitant.

Qu’est devenu huit mois plus tard, le vaste plan de restructuration interne annoncé dans le cadre de cette opération ?

La part de production, opérée par nous ou par d’autres sociétés, revenant à Total Gabon est plutôt stable avec une baisse d’environ 10%. Sur la base de l’année 2016, elle serait d’à peu près 45 000 barils/jour. En revanche, cette transaction entraîne une baisse d’environ 40% de notre production opérée. La réduction de notre volume d’activité nécessite que nous nous réorganisions pour rester efficaces et agiles dans un environnement pétrolier toujours volatil et marqué par des prix du pétrole plutôt bas même si ceux-ci sont remontés au-dessus de 60 dollars le baril, du fait essentiellement des tensions géopolitiques au Moyen Orient.

Conformément à la tradition de dialogue social présente dans notre société, nous nous sommes concertés avec les représentants du personnel pour la mise en place d’un nouveau plan de départs volontaires. Celui-ci permet à certains de nos seniors de pouvoir anticiper leur retraite dans de bonnes conditions et à ceux de nos jeunes avec l’esprit entrepreneurial de disposer d’un capital pour se lancer ! Il n’y a donc pas eu de licenciement comme je m’y étais engagé. La direction des ressources humaines, en liaison avec la hiérarchie, fait un travail remarquable de reclassement de certains de nos collaborateurs en mettant en place, chaque fois que c’est nécessaire, des actions de formation.

C’est donc une nouvelle organisation que nous allons mettre en place à partir du 1er janvier 2018. Elle vise d’une part, à maximiser notre production avec une entité dont l’objectif sera d’identifier tous les jours les opportunités d’accroissement de notre production ; et d’autre part, à préparer le futur en réunissant au sein de la même entité, les collaborateurs en charge de développer de nouvelles ressources tout en minimisant les investissements associés.

Avez-vous atteint votre objectif principal qui consistait au recentrage sur vos actifs stratégiques en mer, pour assurer le futur de votre société?

Depuis, la chute brutale des prix du pétrole fin 2014, nous avons lancé de nombreuses initiatives pour rendre notre société plus robuste. Souvenez-vous qu’en 2015, nous publions un résultat négatif avec des prix du pétrole en moyenne de 52,4 dollars le baril pour le marqueur Brent. Au premier semestre 2017, avec une moyenne du Brent à 51,7 dollars le baril ; notre résultat net est de nouveau positif. Cela vous donne la mesure du travail déjà réalisé par les équipes de Total Gabon.

En termes d’objectifs, notre première exigence est d’assurer la sécurité des personnes qui travaillent pour notre société et limiter notre impact sur l’Environnement. En ce qui concerne la sécurité, nous venons de battre notre record en atteignant 932 jours consécutifs sans accident avec arrêt. C’est une performance remarquable mais il nous faut rester vigilant et mobilisé de manière à faire de la sécurité, une valeur fondamentale partagée par tous.

Un autre élément sur lequel nous avons progressé et devons poursuivre nos efforts est l’excellence opérationnelle. Outre les points mentionnés ci-dessus, la réorganisation en cours comprend une révision de notre mode opératoire devant nous permettre de maximiser la disponibilité de nos installations. On ambitionne de gagner trois points chaque année pour atteindre 91% en 2019. Trois points de disponibilité additionnelle de notre outil de production représentent 1 000 barilsl/jour de production, soit le meilleur débit initial d’un nouveau puits de développement dans le réservoir Anguille ! Pour résumer, pour assurer l’avenir de notre société, nous recherchons l’excellence opérationnelle dans tous les domaines.

Bien que le baril de pétrole soit remonté ces derniers jours, les analystes restent très prudents quant à son évolution.  Quelles sont aujourd’hui les nouvelles orientations stratégiques de l’entreprise ? Total Gabon a-t-il encore de grands projets d’investissement au Gabon ?

Nous pensons que les prix du pétrole resteront volatils sur le court terme. C’est pour cela que nous mettons en place une organisation capable de résister à un environnement de prix durablement bas. En tant qu’industriel, notre attention doit être portée sur les leviers sur lesquels nous pouvons agir. En premier lieu nous devons à travers l’amélioration de notre efficacité opérationnelle, poursuivre la baisse de nos points morts. Nous avons ramené nos coûts opératoires à environ 11 dollars le baril en 2017. Notre ambition est de descendre en dessous de 10 dollars le baril en 2019. C’est grâce à cette base solide, ce socle, que nous pourrions rebondir et lancer de nouveaux projets.

Nous avons certes un portefeuille riche d’opportunités  mais comme déjà indiqué l’année dernière, leur mise en œuvre suppose deux préalables. En premier lieu, nous devons poursuivre le travail d’optimisation du design de nos projets pour en baisser les coûts de développement. Mais si cela s’avère insuffisant pour assurer une rentabilité acceptable, nous aurions alors besoin d’un accompagnement de la République gabonaise pour, dans une logique gagnant/gagnant, adapter la fiscalité aux nouveaux enjeux induits par le contexte actuel, et permettre le lancement de nouveaux investissements. Au-delà, Total Gabon poursuit ses travaux d’exploration en mer profonde, notamment sur le bloc Diaba, permis sur lequel nous avons réalisé une découverte de gaz à condensats.

Que répondez-vous à ceux  qui pensent qu’en cas de persistance de la crise pétrolière, Total Gabon n’aura pas d’autres choix, à l’instar de Shell Gabon, que de se retirer du pays en vendant ses actifs à un repreneur, et que la cession de vos champs mâtures à Pérenco n’est que la première étape d’un désengagement en catimini du groupe pétrolier…

Par nature, j’évite de spéculer sur l’avenir et préfère me concentrer sur les sujets sur lesquels nous avons une emprise. Mon horizon, comme celui des collaborateurs de Total Gabon est la réussite de la transformation de notre société et la mise en place d’un socle solide qui va  nous permettre de créer les conditions d’une relance de nos investissements pour assurer l’avenir de notre entreprise. Et nous sommes sur la bonne voie.

Pour finir, je voudrais simplement rappeler que le groupe Total, actionnaire majoritaire de Total Gabon a réaffirmé à plusieurs reprises à travers ses principaux dirigeants son engagement durable de poursuivre le développement de nos activités au Gabon.

SeM avec l'Union

 

 
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