Hausse des salaires des fonctionnaires : le point sur un casse-tête public au Gabon

Gouvernance
vendredi, 26 juin 2015 14:49
Hausse des salaires des fonctionnaires : le point sur un casse-tête public au Gabon

(Le Nouveau Gabon) - C’est ce 26 juin 2015 que le gouvernement gabonais représenté par le Premier ministre Daniel Ona Ondo présentera officiellement le nouveau système de rémunération des 80 000 agents publics. Pour le Gouvernement, quoiqu’il en soit, l’augmentation sera effective dès le 25 juillet. Les syndicalistes, eux, en veulent un peu plus.

Tout commence à Mouila dans la Province de la Ngounié le 06 octobre 2011, lors du Conseil des ministres délocalisé. Lors de ce Conseil, Ali Bongo instruit le gouvernement de mettre en place un Nouveau système de rémunération (NSR) de l’agent public. Une équipe conduite par Jean-Marie Ogandaga, actuel ministre en charge de la Fonction publique, est mise sur pied à cet effet. 31 décembre 2014, récidive. Cette fois-ci, c’est au public gabonais que le président gabonais s’adresse. « Je demande au gouvernement, tout en prenant en compte nos contraintes budgétaires, de la situation de crise actuelle du pétrole, des équilibres macroéconomiques, de procéder à l’augmentation des salaires des agents publics, sans nuire à notre compétitivité », prescrit Ali Bongo dans son message de fin d’année aux populations gabonaises. Certes, il y a la joie, mais c’est aussi le début des polémiques entres syndicalistes et membres du gouvernement.

La décision présidentielle est prise après un audit du système de paiement des agents de l’Etat qui a recommandé au gouvernement d’élaborer et de présenter de nouvelles grilles sectorielles de prenant en compte la particularité de certains emplois et d’une grille rémunérant les agents des autres secteurs d’activités; de prendre en compte la mesure du décret N°12/PR/MTEPS du 23 avril 2010 fixant le revenu minimum mensuel en République gabonaise à 150 000 francs ou encore de mettre en place un système de rémunération basé sur les principes d’équité, d’attractivité et de compétitivité. Des recommandations faites après le constat de nombreuses anomalies dans le système de paiement comme l’utilisation inadaptée du SMIG dans la constitution du solde de base ou encore la double rémunération de certains agents.

Immédiatement donc après l’annonce du président, c’est la liesse auprès des fonctionnaires. Mais, de courte durée, ceux-ci attendant la concrétisation de cette promesse. Mais aussi et surtout, en prenant en compte leurs exigences. La dynamique unitaire réunissant des fonctionnaires et des syndicats du service public se forme pour exiger une meilleure répartition salariale. Notamment, l’augmentation du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 80 000 à 300 000 francs CFA et le relèvement de l’indice des salaires de 425 à 1500. A noter qu’au Gabon, c’est le décret n° 855/PR/MTE du 9 novembre 2006 qui fixe à 80 000 FCfa par mois le Smig. Il est calculé sur la base de 6 heures et 40 minutes par jour pour les activités soumises au régime général, et de huit heures de travail par jour pour les activités agricoles et assimilées. Les syndicalistes veulent donc une revalorisation de ce Smig à 300 000 francs Cfa.

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Evolution du Smig au Gabon

25 juillet 2015

En effet, comme l’a recommandé l’audit, le gouvernement propose la revalorisation du Smig en République gabonaise à 150 000 F.Cfa et la mise en place de nouvelles grilles salariales par secteur. Le 21 juin dernier, Jean-Marie Ogandaga, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, présentant cette réforme aux ministres a indiqué que « la construction de ces grilles a pris en compte la mesure du Chef de l’Etat instaurant un revenu minimum mensuel à 150 000 F.Cfa. Cela signifie que, dès que la grille sera appliquée, le 25 juillet 2015, plus aucun agent de l’Etat Gabonais ne percevra moins de 150 000 FCfa». Plus encore, a-t-il déclaré, pour calmer les rumeurs : « Nous sommes présentement sur le lissage des écarts observés sur les grilles de bonification qui sont encore en mouvement jusqu’à ce que nous atteignions le point d’équilibre. C’est pourquoi, je tiens à faire savoir aux compatriotes qu’ils ne doivent pas se fier à des grilles actuellement en circulation et qui ne reposent sur rien, puisqu’à ce jour aucune grille n’est consolidée. Les équipes sont encore à pied d’œuvre, le travail est quasiment achevé et je rassure tout le monde, nous serons prêts, le 25 juillet prochain, à redonner le sourire aux agents de l’Etat comme le souhaitent le Président de la République et le Premier ministre, Chef du Gouvernement».

Parlant de ces grilles qui font polémique, Jean-Marie Ogandaga expliquait en avril dernier dans le magazine gouvernemental L’Action que l’Etat mettra un point d’honneur sur les critères de performance dans le nouveau système de rémunération. « Nous partons de ce fait de la grille unique des agents de l’État à des grilles sectorielles. Il y aura certes des grilles communes, mais à côté de celles-ci vous aurez des grilles par secteur et grands secteurs. Les grilles que nous concevons intègrent la notion de performance. A ce titre, nous avons mis en place un outil d’évaluation de la performance. Car la performance ne se décrète pas et ne se lit pas ex nihilo. La performance se mesure, c’est une évaluation et elle se vit. Mais, pour mettre en place les critères de performance, il faut disposer d’un outil et d’un cadre d’évaluation. Tous les critères doivent clairement être établis pour que l’évaluateur regarde en fonction de ce qui est prévu », précisait-il.

Explosion de la masse salariale

Les explications du gouvernement ne confortent cependant pas les syndicats qui ont récemment organisé des mouvements grèves (paralysant certains services, notamment les cours dans certains établissements scolaires) pour protester contre les propositions du gouvernement. « Les 18% d’augmentation des salaires bruts n’entrainent aucune hausse du pouvoir d’achat, mais plutôt une baisse (…) Ces 18% sont inférieurs au montant de la Prime d’incitation à la performance perçue par plusieurs catégories d’agents publics en 2014 », lance Louis-Patrick Mombo, l'un des représentants du collectif Dynamique unitaire, sur le site d’informations Gabon Review. Des déclarations qui interviennent pourtant au lendemain des assurances et explications du Premier ministre, Daniel Ona Ondo, face aux députés de la Nation en mai dernier. Pour le chef du gouvernement, accepter les revendications des syndicalistes serait insoutenable pour le pays, car cela entrainera un accroissement de la masse salariale de 253%. Soit à 2500 milliards de FCfa contre les 732 milliards de FCfa inscrits dans la loi de finances 2015. En somme, une augmentation de 242%. Ce qui devient compliqué pour l’Etat. « Les ressources fiscales du budget de l’Etat, estimées à un peu plus de 1800 milliards de F.Cfa, ne suffiraient pas pour couvrir une telle charge. L’Etat devrait alors s’endetter pour payer rien que les salaires des agents de la fonction publique, qui perçoivent déjà régulièrement un revenu, dans un contexte d’accroissement du chômage, notamment des jeunes », confesse le Premier ministre.

Arguments confirmés par le spécialiste en Sécurité financière Mays Mouissi qui explique également sur son blog qu’en l’état actuel de la situation des finances publiques au Gabon, le SMIG ne pourrait pas être augmenté à 300 000 FCfa comme le réclament les syndicalistes tout comme le niveau de 150 000 FCfa sera difficilement atteint par le gouvernement. « Quoi qu’en dise le gouvernement, le Gabon rencontre d’énormes tensions de trésorerie. En raison de la baisse de moitié des prix du pétrole, le Gabon va perdre sur la seule année 2015 plus 400 milliards de recettes budgétaires non-compensées », justifie-t-il. La faute, explique-t-il au gouvernement qui, à défaut de résultats économiques, a multiplié des promesses. « Sur la seule année 2015 et sous le poids des promesses gouvernementales, les charges salariales ont augmenté de 52 milliards en passant de 680 à 732 milliards FCFA. Dans le même temps, les recettes budgétaires baissaient de 400 milliards. Sur la base des projections gouvernementales, la mise en œuvre des revendications syndicales relatives à l’augmentation du SMIG ferait passer les charges salariales de 750 milliards inscrits dans la Loi des finances 2015 à 2500 milliards. Il apparait clairement que le Gabon n’aura ni suffisamment de rentrées budgétaires, ni suffisamment de réserves pour assurer des charges de fonctionnement de cette ampleur », conclût-il. 

Au vu des contraintes du gouvernement, tout porte à croire que l’Etat mettra en œuvre une des déclarations faite par le Premier ministre gabonais en février 2015 au terme d’une rencontre avec les syndicalistes : « Les propositions syndicales ne sont pas des décisions. C’est le gouvernement qui gouverne et le gouvernement continuera à gouverner ».

Beaugas-Orain Djoyum

 
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