Gabon : l’Etat face aux défis fiscaux

Economie
lundi, 30 janvier 2017 17:03
Gabon : l’Etat face aux défis fiscaux

(Le Nouveau Gabon) - Au cours de l’exercice 2016, l’administration fiscale a accusé un déficit de 410,8 milliards de Fcfa. Ainsi, sur les 1443,2 milliards de Fcfa attendus des services de l’assiette, à peine 1000 milliards de Fcfa sont tombés dans l’escarcelle de l’Etat. Dans le détail, les Impôts devaient contribuer à hauteur 1002 milliards de Fcfa tandis que la douane devait apporter plus de 400 milliards de Fcfa.

La douane a sauvé l’exercice en réalisant un chiffre de 355 milliards de Fcfa alors que l’administration des Impôts a vu ses performances piquer du nez. La faute à plusieurs facteurs à la fois exogènes et endogènes, qui handicapent les performances d’un pays accroché à la mamelle nourricière du pétrole depuis des années. Une illusion rentière qui tend à se dissiper au regard de la conjoncture défavorable à laquelle pays fait face depuis 2014.

 

Changer de paradigme

Aussi le Premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet indique-t-il qu’il va falloir « changer de paradigme », question de s’émanciper de la tutelle pétrolière dont le pays a du mal à se sevrer, en mettant un accent particulier sur la collecte des recettes fiscales et douanières. L’Etat semble ainsi avoir pris conscience des recommandations du FMI qui préconisent une rationalisation des dépenses mieux et une meilleure collecte.

Aussi, pour ce dernier volet, le bailleur de fonds qui assure la surveillance multilatérale des économies dans le monde, exhorte le Gabon à faire un état des lieux de la nature et du mode d’emploi de la collecte de ses recettes fiscales.

Pour la première recommandation, le défi réside dans la capacité du pays à s’ajuster. Car, percevoir davantage implique dans un premier temps, que l’on parvienne à une réduction de l’utilisation généralisée des exonérations fiscales et douanières discrétionnaires, complaisantes et fantaisistes.

Celles-ci compromettent les recettes globales de l’État et affaiblissent la gouvernance. Pour ce qui concerne le Gabon, plusieurs parlementaires se sont indignés de cette situation lors de la séance d’adoption de la loi des finances 2016 au Parlement.

 

Elargir l’assiette fiscale

Le deuxième défi que lance le Fonds monétaire international au Gabon réside dans sa capacité à élargir son assiette fiscale, question de disposer de ressources fiscales additionnelles. Ce qui, pour une économie traditionnellement rentière et qui tourne progressivement le dos à la manne pétrolière, constitue un préalable. Car, selon les experts du Fonds monétaire international, dans la plupart des Etats de la sous-région, les recettes non pétrolières se sont améliorées. Celles-ci devraient afficher une progression par ces temps de baisse des recettes pétrolières.

Mais, pour le gouvernement gabonais, cette perspective déjà actée dans le projet de loi des finances 2017, constitue un défi pour les deux administrations que sont les Impôts et la douane.

Le gap de l’exercice écoulé est encore frais dans les mémoires et pour cela, les autorités veulent passer à la création à la création d’un office central des recettes. Une super structure qui centralisera les recettes de toute l’administration fiscale et mettra l’Etat à l’abri du déficit de bonne gouvernance qui caractérise du système de mobilisation des recettes fiscales et douanières émaillé par des détournements de recettes.

En fait, l’Etat qui mise sur cette entité pour accroître ses recettes fiscales, indique que la mise en place de cet office comporte une dimension fiscale, porteuse de ressources supplémentaires, une dimension économique favorable à l’amélioration du climat général des affaires et de la qualité de service aux contribuables et, enfin, une dimension politique et administrative qui permet de lutter contre la fraude fiscale et la corruption.

A la suite de cette option, le gouvernement engage le processus de l’élargissement de l’assiette fiscale par la création de trois nouveaux impôts dans la loi des finances 2017. Pour atteindre ses objectifs, l’Etat pondère ses recettes fiscales à 1 289 milliards de FCFA pour l’exercice 2017.

La Contribution à la formation professionnelle (CFP) supportée par les PME, la Contribution spéciale de solidarité (CSS) et de la Taxe forfaitaire d’habitation (TFH) sont les nouveaux impôts auxquels l’Etat soumet les entreprises cette année.

 

Imprudence de l’Etat

Déjà décriée par les opérateurs économiques, la politique fiscale de l’Etat ne fait pas l’unanimité. Car, les PME, surendettées et asphyxiés par la dette de l’Etat, mettent à l’index la générosité du gouvernement vis-à-vis des entreprises installées à la zone économique spéciale de Nkok.

Sans leur donner raison, le Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet estime qu’il faut apporter des correctifs à cette politique par trop généreuse qui lèse les caisses de l’Etat et fragilise certains segments productifs de l’économie.

«L’Etat gabonais a consenti, à ce jour, d’importantes sommes au titre de dépenses fiscales destinées à encourager les investissements dans des secteurs clés. Mais, force est de constater et de reconnaître que nous n’avons pas eu de suivi sur l’impact de ces dépenses en termes de réinvestissement», reconnaît le chef du gouvernement.

A Nkok par exemple, les abattements fiscalo-douaniers vont de l’exemption d’imposition sur les dividendes et le foncier, au rapatriement de la totalité des bénéfices issus des activités, en passant par les exonérations fiscales et douanières sur les revenus de l’entreprise pendant 10 ans.

Elles sont fixées à 5% au bout de cette période pendant cinq ans et sont plafonnées au régime normal 16 ans seulement après, après avoir bénéficié de l’électricité subventionnée, etc.

Cette «imprudence» de l’Etat se mesure aujourd’hui à l’aune des emplois créés au sein de cette zone : 3000 emplois pour des centaines de milliards d’exonérations fiscales.

Alors que faire ? Des voix s’élèvent dans la haute administration et chuchotent au sujet de l’augmentation de certaines taxes ou la création d’autres. Mais les patrons ne l’entendent pas de cette oreille et crient à la pression, voire la répression fiscale.

Mais le gouvernement a lancé une réflexion sur la fiscalité et la parafiscalité lors de la tenue du Haut conseil pour l’investissement dans un contexte marqué par une crise qui secoue tous les secteurs de l’économie nationale.

 

Auxence Mengue

 
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