(Le Nouveau Gabon) - 44 pays ont apposé leur signature au bas de l’accord portant mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), à Kigali, le 21 mars 2018. Si l’une des économies les plus en vue du continent, le Nigeria, n’a pas cru bon devoir se rendre au Rwanda, il reste cependant que plusieurs Etats y voient la volonté de faire chorus face à l’invasion du marché africain par des produits importés d’ailleurs.
« Elle favorisera la création de nombreux emplois et une croissance plus inclusive porteuse d’un développement harmonieux et équilibré pour notre continent », confie le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba.
Au-delà de l’euphorie, les réticences nigérianes soulèvent quelques interrogations, quant à l’implémentation et l’opérationnalisation de ce vaste marché de 1,2 milliard de consommateurs, avec un PIB dont le potentiel est estimé à 2500 milliards de dollars.
Plus qu’un espace commercial, c’est d’abord un espace de production de richesses qui vient de voir le jour à Kigali. Entre ceux qui appellent à la retenue pour sa mise en œuvre effective annoncée pour janvier 2019, et les pourfendeurs de cet accord qui y voient une précipitation, une analyse de la situation économique de certains Etats s’impose.
Car, en Afrique du Nord et dans les pays du Maghreb, le tissu économique est relativement solide et peut faire face aux besoins de consommation des ménages. Du coup, le volume des importations de certains produits en provenance d’Asie, d’Amérique ou d’Europe n’est pas aussi élevé que dans les pays d’Afrique subsaharienne où les industries sont encore embryonnaires, dans certains cas, voire quasi inexistantes dans d’autres.
Ce qui rejoint les réserves de certains observateurs qui avaient estimé que les pays devraient au préalable disposer d’une structure d’échanges solide, capable de faire concurrence à la production étrangère. Il faudra pour cela que les pays africains puissent ravitailler les ménages en denrées alimentaires de toute nature et mettre un terme aux importations qui, en 2016, ont siphonné plus de 65 milliards de dollars au continent.
Parmi les produits les plus prisés, l’on note les céréales (riz, maïs et blé), les produits laitiers, la viande et les produits de viande, le sucre, les produits de confiserie, les huiles comestibles et les graisses alimentaires. Difficile de croire que les 44 signataires de cet accord disposent de manière équitable et complémentaire, d’industries ou d’une agriculture capables de subvenir à la demande africaine de ces principaux produits.
L’enjeu de la mise en œuvre de la ZLECA réside donc dans la production, si l’on veut retenir la masse importante de devises qui s’évade chaque année vers l’Occident, l’Asie ou encore l’Amérique.
Etre capable de nourrir les centaines de millions de bouches africaines, grâce au travail de la terre et à l’élevage, changer les habitudes de consommation en s’émancipant du complexe du colonisé, mettre sur pied un tissu industriel compétitif capable d’approvisionner les populations en biens manufacturés.
Produire en quantité et en qualité des biens de consommation très prisés sur le continent, devra constituer la préoccupation des dirigeants des pays signataires, plutôt que de penser à la protection d’un espace économique ouvert aux importations du fait de l’absence de masse critique de produits locaux.
En somme, la structure des échanges devra changer et ne plus être adossée aux hydrocarbures et à d’autres matières premières. Plus qu’une zone de libre-échange, ce sera une zone de transformation continentale globale avec, à la clé, l’amélioration et le développement des infrastructures de transports et énergétiques, en même temps qu’il faudra accentuer des complémentarités dans les économies africaines pour une production équilibrée.
PcA