(Le Nouveau Gabon) - De passage à Libreville dans le cadre d’un atelier portant sur les moyens de financement alternatifs des projets nationaux, le président de la Commission des marchés financiers du Cameroun (CMFC), Jean Claude Ngbwa (photo), s’est confié à notre rédaction.
M. le président, où en sommes-nous aujourd’hui avec le processus de fusion des bourses de la zone Cémac à savoir la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) et la Douala Stock Exchange (DSX) ?
Jean Claude Ngbwa : Merci de l’opportunité que vous m’offrez, mais avant toute chose, je voudrais vous rappeler qu’il y a des dates importantes à retenir. En effet, le 30 octobre 2017 à Ndjamena au Tchad, date au cours de laquelle la conférence des Chefs d’Etat a décidé de la fusion ou mieux, de l’unification des marchés financiers de l’Afrique centrale, cette décision a été prise dès que tous les pays ont adhéré au principe de la libre circulation des personnes et des biens.
Avant cette prise de conscience collective, il était difficile pour les investisseurs ou émetteurs d’autres pays, de pouvoir se déplacer dans l’ensemble de la sous-région. Cette décision consacre donc la liberté d’entreprendre dans tous les pays, la liberté de placer des capitaux, la liberté de faire fructifier son argent que l’on soit au Cameroun, au Gabon, en Guinée équatoriale, en RCA ou encore au Congo.
La seconde date est celle du 11 avril 2018, qui marque la signature de la convention de coopération et d’échanges d’informations par la Commission des marchés financiers du Cameroun (CMFC) et la Commission de surveillance du marché financier de l'Afrique centrale (COSUMAF). Cette convention consacre d’abord la reconnaissance des actes posés par l’un ou l’autre régulateur. Elle est d’autant plus importante que ; de par le passé, les deux régulateurs ne s’entendaient pas sur les opérations.
Mais à travers cette convention, les régulateurs s’engagent à reconnaitre les actes posés par l’un ou par l’autre. Il y va du cas des agréments, par exemple, un régulateur agrée un opérateur sur son marché, cet agrément est valable sur l’ensemble du territoire de la Cémac. Or, auparavant chaque régulateur agissait pour son propre marché. Il était donc difficile pour la Cosumaf d’entreprendre une action au Cameroun, sans l’autorisation de la CMFC et vice-versa. En ce moment, ce différent est totalement réglé à travers cette convention. Cette dernière nous a également permis de créer un climat d’échanges d’informations entre les deux régulateurs, mais également de prendre des décisions ensemble.
A ce titre, le président de la Cosumaf est admis à prendre part au collège de la Commission des marchés financiers du Cameroun. Ceci, pour montrer cet élan de coopération qui marque dorénavant les relations entre la CMFC et la Cosumaf.
Le troisième point important est que le Conseil des ministres a mis en place, un comité de pilotage du processus de fusion. En clair, c’est le comité de pilotage du Programme des réformes économiques et financières de la Cémac (COPIL-PREF CEMAC). De ce comité vont naitre des sous-comités pour aller directement dans l’action de la fusion des deux marchés. Il y a donc trois sous-commissions qui ont été créées :
-Une sous-commission composée des deux régulateurs,
-Une sous-commission des bourses de valeurs, composée de la Bourse de valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) et la Douala Stock Exchange (DSX) du Cameroun,
-Et enfin, une sous-commission composée des dépositaires centraux, à savoir : la BVMAC qui dispose d’un département dépositaire central, et la Caisse autonome d’amortissement du Cameroun qui joue ce rôle de dépositaire pour le marché du Cameroun et la Banque centrale parce qu’elle dispose également en son sein, d’une cellule de la gestion des titres.
Nous pouvons donc dire aujourd’hui, que le mouvement de fusion est en cours d’achèvement. Tout simplement parce qu’au niveau des régulateurs, la première phase, celle qui concerne leur fusion physique, se trouve aujourd’hui dans sa phase d’achèvement. Cela signifie que le personnel de la CMFC qui doit rejoindre la Cosumaf est déjà identifié, et leur transfert à Libreville, se fera dans les prochaines semaines. Le personnel de la CMFC qui n’a pas été retenu et qui doit être remercié, attend les droits d’indemnisation en ce moment. Donc, on est pratiquement vers la fin du processus en ce qui concerne les régulateurs.
Pour les bourses de valeurs, les actionnaires des deux bourses sont en train de travailler pour pouvoir s’entendre sur la signature du traité de fusion. L’on s’attend à ce que dans les prochaines semaines aussi, le processus soit bouclé. Une date a d’ailleurs été fixée, nous espérons qu’elle sera tenue.
En ce qui concerne les dépositaires centraux, des dispositions ont étés prises avec la banque centrale pour que tout cela s’achève dans le délai qui est du 15 février 2018. Ils ont comme assistance technique Maroclear, qui leur apporte son appui dans l’organisation de la nouvelle configuration du dépositaire central, qui va assumer la conservation des titres et la gestion des opérations, une fois le marché financier régional est mis en place. Donc aujourd’hui, nous pouvons dire que le processus tire à sa fin pour le grand bénéfice de nos populations.
Est-ce que dans ce processus rien n’est prévu pour les sociétés de bourses ?
Vu que nous sommes dans une phase de fusion et la convention l’a prévue, toutes celles qui existent sont de facto intégrées dans le nouveau marché. Nous étudions tous les systèmes pour tenir compte de tout ce que les acteurs sont en train de présenter, comme doléances afin que le marché financier sous-régional, soit un succès une fois que toutes les conditions seront réunies pour son démarrage.
De manière technique, comment est-ce que ça va se passer ?
Dans tous les cas, les chefs d’Etat ont décidé de la configuration du marché. Avec la libre circulation des capitaux, la libre circulation des personnes et des biens, tous les émetteurs devront se rendre à Libreville pour avoir l’autorisation du régulateur en déposant leur dossier et attendre qu’il soit approuvé avant que ce dossier ne puisse être autorisé à une levée de fonds sur l’ensemble des Etats et qu’à la fin, si ce sont des obligations qui doivent être cotées, qu’elles puissent être cotées dans la Bourse régionale qui sera à Douala. Nous prenons des dispositions pour que l’information puisse passer aisément. Ça peut être au départ, mais ce qui est évident, c’est que les gens finiront par s’habituer.
Comment seront nommés le président du Conseil d’administration et le Directeur général de la Bourse de valeurs de l’Afrique centrale ?
Dans le cas du président du Conseil d’administration, il sera nommé à l’occasion d’un Conseil d’administration, tandis qu’au niveau de la direction générale, ce sont les actionnaires qui vont procéder à son recrutement pour la bourse des valeurs.
Mais, pour le régulateur, cela relève de la compétence des autorités de la Cémac, parce qu’il y a une organisation qui est déjà mise en place et qui précise que la Cosumaf, comme les autres organes communautaires, doit respecter le mode de recrutement et de désignation fixé par les organes communautaires.
Quels sont les grands enjeux de cette fusion ?
Premièrement, c’est d’éviter des conflits de compétence sur un marché qui est déjà étroit. Deuxièmement, pour les investisseurs, le grand enjeu, c’est d’avoir un marché suffisamment profond. Le troisième enjeu est d’avoir un marché de liquidité, cela suppose que nous ayons suffisamment d’acteurs qui peuvent animés le marché. En élargissant le marché, on gagne en profondeur, on gagne en liquidité et crédibilité. Donc nous avons tout à gagner par rapport à la fusion qui est engagée.
M. le président, avez-vous prévu un aspect pédagogique pour booster la culture et l’activité boursière dans la sous-région ?
Evidemment, l’aspect pédagogique est très important. Car, c’est d’abord vous, les communicateurs qui devez être en phase avec le travail effectué par le régulateur. On ne peut pas faire une économie des marchés financiers sans avoir avec soi, une armada de communicateurs. C’est une communication qui doit être permanente. Parce que la communication ici, va de pair avec la sensibilisation et la formation.
Propos recueillis par Stéphane Billé