Christian Magni (DG Setrag) : « Il faut travailler sur le dédoublement de la voie ferrée »

Transports & Logistique
mardi, 30 mai 2023 07:54
Christian Magni (DG Setrag) : « Il faut travailler sur le dédoublement de la voie ferrée »

(Le Nouveau Gabon) - Le Transgabonais, unique ligne ferroviaire du Gabon a aujourd’hui atteint sa limite. Et même le programme de remise à niveau en cours ne permettra pas à cette voie de satisfaire la demande des opérateurs économiques en transport de fret au cours des années à venir. Face à cette situation, le Gabon pense déjà, non seulement à l’augmentation de la capacité de cette ligne, mais aussi, à la construction d’une nouvelle voie. Christian Magni, directeur général de la Setrag, le concessionnaire de la gestion du Transgabonais, fait le point sur le programme de remise à niveau ainsi que les mesures prises pour absorber le fret transporté sur le Transgabonais au cours des années futures.

Le Nouveau Gabon : Les travaux consistant à la remise à niveau du Transgabonais ont démarré il y a bientôt six ans. Où en est-on avec ce programme aujourd’hui ?

Christian Magni : Le programme de remise à niveau (PRN) a démarré en octobre 2017 et renferme plusieurs étapes. Il y a la partie réhabilitation de la voie ferrée elle-même. Et là, plus de 252 km ont déjà été renouvelés. Ce qui fait à peu près plus de 48% de la totalité du programme qui a déjà été fait. Puisqu’il reste environ 300 km à réaliser pour la finalisation de cette partie-là. Ça, c’est la partie renouvellement de la voie.

L’autre partie concerne le traitement des zones instables grâce à un financement de l’État. Sur cette partie, il y a deux phases de financement, dont une via l’AFD (Agence française de développement). Ces financements ont permis de traiter 8 km qui ont déjà été réceptionnés. Les travaux ont été réalisés par Colas et les trains y circulent déjà. Il reste à peu près une trentaine de kilomètres qui sont traités toujours par un financement de l’État via le financement TVA. Donc là, on a deux entreprises gabonaises qui y travaillent. Notamment Socoba sur 13 km et Mika Services sur 18 km. Cette partie-là aussi est en train d’être traitée. On est à peu près à 65% pour Socoba et autour de 50% pour Mika Service. On espère d’ici fin septembre, début octobre, réceptionner les deux plateformes.

Après, il y a la réalisation des ouvrages qui a aussi démarré. On a 52 ponts sur le chemin de fer. Sur les 52 ponts, il y a une phase de traitement des phénomènes d’alcali-réaction, c’est-à-dire l’éclatement de béton du fait de la qualité de ciment. Là, il y a eu des entreprises qui ont été mobilisées, et qui vont commencer les travaux. Il y a aussi le sablage à peinture parce que c’est des ouvrages dont la durée de vie est de 100 ans, et on est à 50 ans, donc il faut refaire la peinture de ces ouvrages-là. Aujourd’hui, les travaux sont en train d’être faits sur cette partie-là.

LNG : Selon les prévisions, le PRN devrait être livré en 2024. Au cours des assises nationales du fret ferroviaire sur le Transgabonais le 25 mai dernier, vous avez dit que la livraison a été repoussée à 2026. Pourquoi ?

CM : Premièrement, les contraintes à la fois financières et techniques. Contraintes financières parce que pour la mobilisation des fonds, nous faisons appel à des bailleurs de fonds qui ont un certain nombre d’exigences. Et quand les exigences ne sont pas satisfaites, il y a des renégociations qui peuvent être faites. Ça, c’est un premier élément. Et ensuite, on a des contraintes techniques, notamment de matériel. Nous faisons des renouvellements en faisant l’acquisition de matériels. Et ce matériel a besoin de temps en temps d’entrer en maintenance. Vous me direz peut-être que cette maintenance n’est pas planifiée. Si. Sauf que les pannes ne sont pas connues. Donc, on a fait l’acquisition de matériels qui sont des matériels nouveaux pour notre réseau. C’est la première fois que nous utilisons un SMD80. C’est une machine assez énorme. Les équipes ont certes suivi la maintenance, mais sauf que quand il y a une casse, ça peut prendre un peu de temps. Le deuxième élément est lié à la période Covid. Par ailleurs, en 2019, nous avons connu un arrêt de près de quatre mois. Pendant ces quatre mois, toute activité était à l’arrêt. Nous n’avons pas pu travailler. Et ce retard, malheureusement, ne peut être rattrapé. Donc il y a un certain nombre de contraintes, comme je le disais, financières et techniques, et même de contraintes naturelles, notamment la période Covid, qui sont les éléments qui ont amené l’arrêt des travaux sur une période.

LNG : Et aujourd’hui, qu’est-ce qui est fait pour accélérer les travaux ?

CM : Nous avons acheté un nouvel équipement qui est le portique de pose des traverses. On est en train d’acheter un deuxième équipement, le SMD. Des matériels qui ont des rythmes de renouvellement de voie d’à peu près un kilomètre par coupe. C’est l’estimation de cette intervention. Donc c’est la durée de réalisation par rapport à la période et au volume restant à réaliser, qui nous permet donc d’être à l’aise en disant qu’en 2026, on est capable de poser la totalité des traverses béton. Par contre, il va rester le rail. Là aussi, à l’initial, le rail n’était pas intégré parce quand le programme avait été mis en place, on avait estimé que vers fin 2023, début 2024, on va commencer à avoir des difficultés avec le rail. Sauf qu’on a commencé à les avoir assez tôt. Aujourd’hui, nous sommes aussi sur la phase de renouvellement du rail. Et donc nous avons acheté 100 kilomètres de rails l’année dernière. Et il y a un délai de fabrication qui est de l’ordre de 18 mois. Nous avons réceptionné ce rail-là qui a déjà été posé. Là, nous recevons dans les jours qui viennent 125 kilomètres de rails supplémentaires. Et l’année prochaine, nous commanderons 135 kilomètres de rails. Donc, 250 kilomètres de voie à renouveler en traverses béton et en rails. Et ensuite, sur les 300 kilomètres qui restent, il va falloir rajouter le rail. C’est ce qui rajoute du délai.

En plus, le trafic se poursuit pendant la réalisation des travaux, avec des clients actuels qui ont des demandes, des exigences et qui veulent augmenter leur volume. Et il va falloir en tenir compte. À côté, il y a de nouveaux clients qui arrivent. Puisque ces nouveaux clients apportent des fonds à l’économie nationale et participent aussi au financement des programmes, nous ne pouvons ne pas les accepter. Donc, il faut arriver à avoir ce compromis entre l’interruption de trafic pour les travaux de maintenance qu’il faut accélérer et en même temps accepter de prendre un certain nombre de clients pour pouvoir continuer à financer les travaux.

LNG : Il y a des clients qui ont exprimé des besoins en forte augmentation. Est-ce que le Transgabonais est en mesure même après la fin du PRN de supporter ces nouvelles charges ?

CM : Aujourd’hui, par rapport à la capacité de la voie actuelle, nous arrivons à saturation. Et ça, il faut le dire parce qu’en fait, le programme initial devait nous amener à transporter 12 millions de tonnes à partir de 2024, donc à la fin du PRN. Sauf que nous n’avons pas encore terminé le PRN, que nous avons déjà transporté 11 millions de tonnes. Ça veut dire que le PRN aujourd’hui dans sa phase permet des gains de capacité. Mais ces gains de capacité ne peuvent pas absorber les volumes qui ont été exprimés par de nouveaux clients. Si on part avec des ramp-up de 700 000 tonnes, 800 000 tonnes, 1 million de tonnes, on sera capable peut-être de les absorber. Mais avec les chiffres qui ont été annoncés par de nouveaux clients, 5 millions de tonnes, 10 millions de tonnes, 40 millions de tonnes, ça nécessite vraiment des études qui vont amener à faire des aménagements supplémentaires qui peuvent aller jusqu’à la création d’une deuxième voie. Parce qu’avec la voie unique, aujourd’hui, la capacité maximale est de 29 millions de tonnes. Donc au-delà de 29 millions de tonnes, il va falloir travailler sur le dédoublement de la voie pour pouvoir absorber les pics de volume, notamment les 40, 60 millions de tonnes qui ont été exprimées par les différents clients.

LNG : Le trafic se poursuit sur le Transgabonais alors que les travaux sont réalisés. Comment concilier les deux afin d’accélérer les travaux sans qu’ils soient un frein pour l’activité économique du pays ?

CM : Il n’y a pas que le chemin de fer comme moyen de transport. Il y a la route et il y a la partie fluviale. Donc aujourd’hui, ça peut être une des pistes. C’est vrai que l’objectif de la Setrag, c’est de transporter un peu plus, donc se faire un peu plus d’argent. Mais dans la phase où nous sommes, on peut réfléchir à cela. Le transport d’un certain nombre de produits par la route. C’est une des solutions. L’autre solution serait de parvenir à intervenir sur des périodes relativement longues, c’est-à-dire qu’on peut prendre plutôt que de faire des interruptions de 12 heures comme on le fait aujourd’hui, de faire des interruptions de 24 voire 36 heures. C’est-à-dire sans circulation de train pendant 36 heures. Ce qui nous permettrait d’accélérer le travail et de reprendre le trafic par la suite. Mais c’est plusieurs réflexions à mener aux sorties des échanges qu’on a eus lors des assises, qui pourront nous permettre là aussi d’enrichir nos débats, d’affiner notre stratégie afin de voir comment on peut proposer des solutions qui permettent de concilier les deux.

Propos recueillis par Sandrine Gaingne

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