Ali Bongo sur les traces de « Papa Omar »

Gouvernance
jeudi, 20 août 2015 12:51
Ali Bongo sur les traces de « Papa Omar »

(Le Nouveau Gabon) - En décidant de céder sa part d’héritage paternel aux jeunes de son pays le 17 août 2015, le président gabonais se montre généreux, quelques semaines à peine après l’augmentation des salaires dans son pays. Pourrait-il être comparé à son père Omar Bongo Ondimba ? Portrait à travers quelques actions en direction de la jeunesse que son père considérait comme pilier important.  

Comme son ami Samuel Eto’o qui se fait appeler « Papa Eto’o » quand ses frères, connaissances et fans veulent bénéficier de ses largesses, certains Gabonais pourraient bientôt commencer à appeler leur président « Papa Ali ». Tout comme, très souvent, ils appelaient le père du président actuel « Papa Omar » lorsqu’ils s’apprêtaient à solliciter sa générosité légendaire. Légendaire ? Pas vraiment ! Mais, Omar Bongo Ondimba a aidé de nombreux Gabonais de toutes les couches sociales. Il écoutait presque tous les Gabonais qui frappaient à sa porte. Ne dit-on pas qu’il connaissait la vie et les problèmes de bon nombre de Gabonais parce qu’il recevait régulièrement à son Palais du bord de mer ses compatriotes ? Très consulté en zone CEMAC et en Afrique, Omar Bongo était le médiateur par excellence de la sous-région où il était le doyen des chefs d’Etat. Son influence et sa générosité ne se limitaient pas seulement au Gabon. Elles traversaient les frontières africaines pour s’installer en Europe. Principalement en France où bon nombre de Français l’appelaient « Papa Omar » ou simplement « Papa ».

De nombreux hommes politiques français ont bénéficié des largesses et de la générosité de « Papa Omar ». Si certains Français indexés contestent avoir reçu des sommes trébuchantes de la part du défunt président, plusieurs autres affirment le contraire. Par exemple, Mike Jocktane, conseiller personnel d'Omar Bongo depuis 2005 et nommé directeur adjoint de son cabinet en janvier 2009, avait confirmé que l’ancien président du Gabon avait financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy (ancien président Français et actuel président des Républicains, ndlr) en 2007 et que les mallettes entre le Gabon et la France avaient continué à circuler avant et après l’élection de M. Sarkozy. L’influence d’Omar Bongo s’étendait d’ailleurs si bien sur la France que certains ministres ou secrétaire d’Etat en ont payé le prix quand leurs actions ou déclarations ne plaisaient plus à celui qui était désormais considéré comme le puissant parrain gabonais.

Miser sur les jeunes

Si sa générosité a contribué à imposer son influence au Gabon comme à l’étranger, Omar Bongo avait également compris la nécessité d’être à l’écoute des jeunes, de répondre au mieux à leurs attentes et aspirations, rapportent de nombreux observateurs politiques qui pensent qu’il puisait aussi sa force avec ses réponses aux attentes de la majorité des jeunes. Dans l’un des derniers discours qu’il a adressé à ses ministres et à l’élite gabonaise, certaines de ses paroles considérées aujourd’hui comme testamentaires intègrent à nouveau la jeunesse. « J’ai pour habitude de dire : Gabonais nous sommes, Gabonais nous resterons. Pensons à notre pays, pensons à notre jeunesse. »

Penser à la jeunesse, Ali Bongo semble avoir compris la leçon de son père au regard des actions qui s’affichent sur son compteur en faveur des jeunes gabonais depuis le 03 septembre 2009, date à laquelle il a été officiellement déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec 41,73% des suffrages, faisant ainsi de lui le successeur de son père. Il était suivi d’André Mba Obame, ancien ami et ancien ministre de l’Intérieur d’Omar Bongo, qui a été crédité 25,88% des voix et qui a toujours revendiqué la victoire jusqu’à son décès à Yaoundé au Cameroun le 12 avril 2015, et de l’opposant Pierre Mamboundou qui totalisa 25,22% des suffrages. Le dernier acte d’Ali Bongo à la faveur des jeunes est donc sa promesse faite le 17 août 2015 lors de son discours à la nation à l’occasion du 55ème anniversaire de l’indépendance du pays.

Le président promet alors à ses compatriotes qu’il cédera sa part d’héritage paternel aux jeunes Gabonais. «Face aux trop nombreuses difficultés, accentuées par une conjoncture économique difficile, j’ai décidé, avec le plein accord de mon épouse Sylvia Bongo Ondimba et de mes enfants, que ma part d’héritage sera partagée avec toute la jeunesse gabonaise, car, à mes yeux, tous les jeunes de ce pays sont héritiers d’Omar Bongo Ondimba. Cela veut dire concrètement, que tous les revenus tirés de la part d’héritage qui me revient, seront versés à une fondation pour la jeunesse et l’éducation, car tout le monde sait, et je le redis, que cette jeunesse était sacrée aux yeux du Président Omar Bongo Ondimba, cet illustre Bantou. », a-t-il déclaré.

 

De même, le président gabonais a annoncé, au nom des enfants d’Omar Bongo Ondimba, que la famille a décidé de céder à l’Etat, à titre gracieux, une propriété située à côté du Camp de Gaulle, dans le 1er arrondissement de Libreville. Propriété qui servira, dit-il, à la construction d’une université au profit la jeunesse gabonaise. Quand on sait par exemple que pour l’édition 2015 du Baccalauréat au Gabon, sur près de 20 000 candidats, le taux de réussite au premier tour atteignait à peine 20 %, on peut évaluer la pertinence et l’importance de cette décision. « En décidant de transformer la propriété du président Omar Bongo Ondimba en université, j’ai voulu offrir à la jeunesse gabonaise encore plus de chances pour réussir de bonnes études et se réaliser pleinement », justifie Ali Bongo.  Aussi, deux hôtels particuliers en France, situés rue de la Baume dans le 8ème arrondissement pour l’un et rue Edmond Valentin dans le 7ème arrondissement de Paris, pour l’autre, seront cédés à l’Etat et feront désormais partie du patrimoine du Gabon. Ils seront affectés à un usage diplomatique et culturel, promet le président. « Je sais que mon père, de là où il se trouve, nous regarde et nous entend. Je sais aussi qu’il approuve cette décision et qu’il nous accorde toute sa bénédiction », pense-t-il. Ce n’est probablement pas seulement son défunt père qui devrait approuver cette décision. Des jeunes aussi sans doute. Beaucoup parmi eux, voient en ces mesures l’expression de la charité et de la générosité grandissante d’Ali Bongo. Sans doute un paquet et un montant importants, au vu de l’importance des biens de son père qui n’ont pas toujours été totalement quantifiés. Du moins, officiellement. Des jeunes remercieront donc sans doute leur président, car il répond ainsi, en partie, à l’une de leur attente : celle d’avoir de bonnes écoles pour une bonne éducation.

Jeunes rappeurs

En 2009, habillé en T-shirt aux couleurs du Gabon, Ali Bongo qui participait à un concert de jeunes rappeurs gabonais, s’était lui-même transformé en rappeur d’un jour. Ce jour-là, s’il a chanté au-devant de la scène avec les artistes surchauffés, il a surtout été assommé des doléances en rimes des jeunes rappeurs, qui, avec panache, ont inséré les difficultés de leur vie dans leur chanson. « Les jeunes de l’Afrique veulent un président, un décideur, pas un dissident. Ils veulent un dirigeant, une direction. Ils veulent que le Gabon devienne une destination touristique, économique, artistique, académique. Donne à tous du travail, une rémunération digne des Gabonais. Les jeunes ont marre d’être assis. Ils veulent être utiles pour leur pays. (…) Donne-nous de bonnes écoles, le goût de l’effort et une juste récompense. C’est le cri de la jeunesse. Plus d’année blanche, plus jamais ça ! », répétaient par exemple en chœur les rappeurs à l’endroit d’Ali Bongo qui, visiblement, n’était pas resté indifférent. « Ne vous inquiétez pas, j’ai bien compris le message », leur a-t-il répondu avant de quitter la scène. La promesse du 17 août dernier peut être considérée comme un début de réponse à cet appel.

« Mais, ce ne sont que des promesses pour le moment », mettent en garde les acteurs de la société civile et certains hommes politiques de l’opposition qui voient en ces déclarations un coup politique en préparation à l’élection présidentielle de 2016. Ceux-ci attendent davantage une concrétisation de cette promesse présidentielle. Marc Ona Essangui, acteur de la société civile, lui, pense par exemple qu’il s’agit d’une tentative de restitution des biens qu’Omar Bongo avait mal acquis. Ce que contestent plusieurs pro-Bongo qui saluent au contraire la décision du président Ali Bongo.

Augmentation des salaires

Parlant de la « rémunération digne des Gabonais » demandée par les jeunes rappeurs en 2009, Ali Bongo leur a répondu récemment. Positivement. Les fonctionnaires du pays observent depuis le 28 juillet 2015, une augmentation de leur salaire. C’est le 06 octobre 2011, lors du Conseil des ministres délocalisé à Mouila dans la Province de la Ngounié qu’Ali Bongo avait instruit à son gouvernement de procéder à l’augmentation des salaires des agents publics en tenant compte des contraintes budgétaires, de la situation de crise actuelle du pétrole et des équilibres macroéconomiques. « Le 25 juillet dernier, explique Ali Bongo, notre pays s’est doté d’un système plus juste et plus équitable, qui permet désormais l’amélioration du quotidien des agents et de leurs familles. L’agent de l’Etat est également assuré de percevoir une retraite qui ne souffrira plus de l’illusion qu’offrait une rémunération faussement avantageuse, basée pour l’essentiel sur des primes et accessoires de solde jamais pris en compte dans le calcul de la pension de retraite. Dans cet esprit, le nouveau système de rémunération doit aussi nous aider à mieux faire valoir la solidarité entre les générations, et par conséquent à accompagner dignement ceux qui ont fini de servir l’Etat. » Malgré les recettes pétrolières (principales ressources du pays)  qui baissent au fil des mois du fait de la conjoncture internationale, le Gabon a donc serré la ceinture et consenti à une augmentation des salaires de ses fonctionnaires

 

CAN 2017

Autre réalité qui illustre la volonté de proximité du président Ali Bongo à sa jeunesse, les stades de football construits ou réfectionnés en faveur des jeunes. Depuis 2009, le Gabon a construit, en vue de la préparation de la Can 2012, le stade de l’Amitié sino-gabonaise. Un joyau neuf de 40 000 places à Agondjé, au  nord de Libreville. Celui de Franceville de 20 000 places avait été réfectionné pour la circonstance. Le 18 juillet 2015 à Port Gentil, capitale provinciale de l’Ogooué Maritime, Ali Bongo a posé de la première pierre du chantier de construction du stade municipal de Port Gentil. Ceci en compagnie d’un hôte de marque : l’argentin Lionel Messi consacré durant plusieurs années successives meilleur joueur du monde. Certes, sa venue au Gabon a créé une polémique tant sur l’habillement du sociétaire du Barça (débarqué à l’aéroport en culotte, reçu et conduit par Ali Bongo en personne) que sur le cachet que lui aurait donné le président, mais de nombreux jeunes ont eu le privilège et la joie de voir et discuter avec leur star du ballon rond. « Nous nous sommes rencontrés il y a maintenant quelques années à Barcelone et M. Lionel Messi m’avait alors indiqué qu’il viendrait me rendre visite à Libreville. C’est donc une promesse qu’il m’avait faite et il a tout simplement, en homme d’honneur qu’il est, tenu sa promesse. Après la Copa America, il m’a informé qu’il venait à Libreville pour nous saluer. Le calendrier fait bien les choses, puisque sa venue correspond à la pose de la première pierre du futur stade de Port-Gentil, à laquelle nous avons bien voulu l’associer », a expliqué le président gabonais démentant par-là les rumeurs de versement de sous à Lionel Messi. L’argentin lui aussi dément avoir perçu un centime lors de cette visite en terre gabonaise. Braqué sous les projecteurs des médias occidentaux, le pays en aura tout de même profité en termes de publicité.

Si le nouveau stade de Port Gentil en préparation pour la 31ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2017 est prêt dans 17 mois, il faut dire que le pays disposera au total de quatre stades dont ceux de Libreville (Omnisports Président Bongo) ; d’Agondjé  (Amitié) et de Franceville (Rénovation). Une aubaine pour la jeunesse sportive du pays qui dispose désormais d’infrastructures adéquates. « Accompagné par ce grand champion et exemple pour la jeunesse qu’est Lionel Messi, je souhaite que nous allions ensemble vers le même but : Faire avancer le Gabon », a écrit sur Ali Bongo le 18 juillet sur sa page Facebook.

 

High tech avec les jeunes

Facebook, Twitter, YouTube, etc, justement ne sont pas étrangers au président gabonais. Une preuve supplémentaire de sa volonté de se rapprocher davantage de la jeunesse de son pays et de la jeunesse africaine. Ali Bongo se distingue sur les réseaux sociaux par les messages personnalisés qu’il y poste. Loin du type de messages impersonnels que diffusent ou partagent souvent les comptes Facebook ou Twitter des présidents africains, il écrit lui-même les messages qu’il poste par exemple sur Facebook. Illustration, le 27 juillet 2015 à 07h30, jour de l’effectivité de la nouvelle grille salariale, Ali Bongo écrit: « Chers compatriotes, après 4 ans de travaux, je suis fier d’annoncer la mise en place d’un nouveau système de rémunération des agents de l’Etat. Cette réforme est une avancée structurante en faveur d’un Gabon des services performant et dans la lutte contre la précarité. Il était devenu urgent d’adopter un nouveau cadre de gestion de l’agent public qui se traduit par son recrutement, la gestion de sa carrière et son départ à la retraite. Dès la fin du mois de juillet 2015, 80 000 agents bénéficieront d’un système plus juste, flexible, compétitif et attractif. (…) ABO ».

Il est évident que ces quelques actions et attentions à l’endroit des jeunes Gabonais ne sont pas suffisantes pour résoudre les problèmes de la jeunesse gabonaise. Ils en demandent plus, d’ailleurs en témoigne des Gabonais dans cette vidéo sous un air comique.

 

 Ali Bongo face aux critiques et conseils du comédien Omar Defunzu

 

Certes beaucoup reste encore à faire, mais l’augmentation des salaires dans un contexte international marqué par la baisse des prix du baril sur le marché international, le choix de céder une partie de ses biens aux jeunes Gabonais et bien d’autres actions montrent à suffisance qu’en Afrique, Ali Bongo n’est pas un président ordinaire.

 

Beaugas-Orain Djoyum

 

Bio-Express : Ali Bongo

Né le 9 février 1959 à Brazzaville (Afrique Equatoriale Française) sous le nom Alain - Bernard – BONGO. Fils d’Omar Bongo Ondimba et de Patience Dabany selon le Service central de l’État civil de Nantes (information contestée par une partie de l’opposition).

1965 : quitte le Gabon pour poursuivre ses études primaires et secondaires en France. Après son Bacc, il étudie le Droit à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne et obtient un doctorat en Droit sur le sujet du domaine public.

1981 : élu au Comité central du Parti démocratique Gabonais (PDG)

1984 : entrée au Bureau politique en qualité de représentant du secrétaire général fondateur.

1986 : conduit l’aile réformiste du PDG et est confirmé représentant du secrétaire général fondateur

1989 à 1991 : nommé ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

1990 : élu député dans la province du Haut-Ogooué

1996 : réélu député de la province du Haut-Ogooué. Président Conseil supérieur des affaires islamiques du Gabon (CSAIG)

1999 à 2009 : retour au gouvernement et nommé ministre de la Défense

Juillet 2009 : désigné candidat officiel du Parti démocratique Gabonais (PDG) pour l’élection présidentielle anticipée à la suite du décès d’Omar Bongo Ondimba.

30 août 2009 : élection présidentielle au Gabon

03 septembre 2009 : déclaré officiellement vainqueur de l’élection présidentielle avec 41,73%

16 octobre 2009 : prestation de serment

 

 
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