(Le Nouveau Gabon) - Au terme du symposium sur les aires protégées récemment tenu à Libreville, le secrétaire exécutif de l’Agence nationale des Parcs nationaux (ANPN), le Pr Lee White (photo), revient sur les grands enjeux de cette rencontre.
Le Nouveau Gabon : Professeur Lee White, que peut-on concrètement retenir de ce symposium ?
Lee White : Le constat c’est qu’il y a eu un réel engouement des chercheurs qui vont être, de plus en plus, impliqués dans la gestion de ces aires protégées entourant Libreville et contribuant à la santé de même qu’au bien-être des habitants de la ville, même s’ils n’en sont pas conscients.
Pourquoi ce subit engouement pour les aires protégées ?
En effet, les aires protégées autour de Libreville jouent un rôle important pour notre bien-être. Ils nous protègent de la pollution et nous fournissent en poissons. Le capital naturel dans ces parcs vaut de l’argent. Si nous voulons un Libreville attrayant pour le monde entier, il faudra trouver un moyen de préserver ces parcs tout en développant la ville.
Alors que Libreville s’agrandit, quelles sont les dispositions prises pour s’adapter aux attentes du projet ?
On ne peut pas freiner l’extension de Libreville. La question est de savoir, comment va se faire cet agrandissement. Est-ce que ces aires protégées seront nécessaires pour la ville dans vingt ans ? Si vous regardez les grandes villes par-delà le monde, New York, Londres, Paris… il y a des espaces verts, des forets à l’intérieur de ces villes (Central Park de New York, le bois de Bologne de Paris…). Je pense que Libreville dans vingt ans, avec l’arboretum, est une ville beaucoup plus intéressante pour les populations que sans arboretum et avec uniquement du béton.
Quelle est l’importance des espaces verts dans une ville appelée à s’industrialiser ?
Il y a des études qui montrent que les espaces verts dans les villes sont très importants pour la santé, la psychologie, surtout pour les enfants. Donc, les enfants qui ont accès aux forets ont beaucoup moins de problèmes de santé, des allergies, des problèmes psychologiques.
En plus, les deux parcs (Pongara et Akanda) protègent d’abord Libreville. Avec les changements climatiques et la montée de l’eau de mer, les mangroves sont importantes pour maitriser les problèmes d’inondations que nous vivons déjà. L’on estime que lors des prochaines inondations le niveau de l’eau va atteindre 20 à 25 mètres dans les zones telles qu’Oloumi, la Sablière ou les zones qui sont déjà inondées.
Par ailleurs, on a besoin de ces mangroves pour continuer à manger du poisson à l’avenir. En effet, si on remblaie Akanda et Pongara, aujourd’hui, il n’y aura plus de poissons, de rouges, de capitaines, de crevettes à manger pour nos enfants.
Si j’ai la chance d’être encore en vie dans vingt ans, je veux pouvoir manger un poisson braisé, je veux que mes enfants les voient, qu’on puisse aller marcher, aller faire du footing à l’arboretum. C’est donc nécessaire qu’on entretienne ces espaces, en même temps que Libreville se développe.
Quelle est la responsabilité du Gabonais ordinaire dans la protection de ces zones, sachant que la plupart du temps, il n’y comprend pas grand-chose ?
Sans le Gabonais ordinaire, ces aires protégées peuvent disparaitre dans l’avenir. C’est l’une des raisons pour lesquelles, cette année, nous avons invité 12 000 enfants des écoles visités l’arboretum. Si les enfants ne comprennent pas l’importance de ces aires protégées, elles ne vont pas exister dans vingt ans. Il faut donc que tout le monde ait la possibilité d’aller les visiter. C’est pourquoi à l’ANPN, nous laissons l’accès libre à ces parcs. Nous sommes en train de développer des projets de sentiers naturels, de passerelles.
C’est unique au monde d’avoir de belles forêts à la sortie d’une capitale. Nous faisons de ce fait tout pour y faciliter l’accès. Il y a des guides bien formés disponibles. Ces forêts sont une porte d’entrée dans le réseau des parcs nationaux. Et une fois qu’on a pris gout, on peut, peut-être, aller plus loin, à Lopé, Loango et Ivindo. Nous allons poursuivre notre challenge à savoir, rendre ces sites accessibles au plus grand nombre.
Le niveau de développement de la ville peut-il représenter un danger pour la ceinture verte autour de Libreville ?
Le challenge est de trouver des compromis gagnant-gagnant qui assurerait que les aires protégées soient encore là dans l’avenir et que Libreville soit une ville facile à vivre.
Propos recueillis par Stéphane Billé