Henri-Claude Oyima : « Nous nous développons par cercles concentriques.»

Banque
lundi, 23 mars 2015 08:31
Henri-Claude Oyima : « Nous nous développons par cercles concentriques.»

(Le Nouveau Gabon) - Après avoir mené son expansion en Afrique centrale, le groupe BGFI déroule ses ambitions en Afrique de l’Ouest. Le leader bancaire du Gabon ouvre une filiale au Sénégal et s’empare du réseau d’assurance FEDAS. Henri-Claude Oyima, Président directeur général du groupe, dessine sa stratégie pour les cinq prochaines années.

Le Nouveau Gabon : Tous les grands groupes bancaires panafricains sont assis sur un large marché domestique, qu’il soit marocain, nigérian ou sud africain. Votre base gabonaise est-elle assez large pour supporter votre expansion, et jusqu’où ?

Henri-Claude Oyima : Il y a en effet une constante qui veut qu’un groupe financier peut difficilement se développer à l’international s’il n’est pas fort sur son propre marché. Les autres sont peut-être forts sur le marché au niveau du volume de leur population, mais nous, nous sommes très forts sur le volume des opérations traitées car nous disposons de 40% de parts de marché au Gabon. De plus, notre groupe a été construit sur un développement organique, c’est à dire que nous n’avons pas fait appel au marché pour nous développer. Ce sont nos activités au Gabon qui nous ont permis de nous développer. Donc, oui, le Gabon n’a pas une population importante, mais notre volume est suffisant pour nous permettre d’assurer notre développement.

LNG : Mis à part Sao Tomé, toutes vos implantations sont en zone dite francophone. Envisagez vous de sauter prochainement la barrière linguistique ?

HCO : Avant cela, nous devons maîtriser totalement notre développement sur la zone francophone. Nous nous développons par cercles concentriques. Nous avons commencé par le Gabon. Puis nous avons développé le second cercle qui est l’Afrique centrale où il reste quelques pays où nous devons encore consolider notre implantation. Le troisième cercle, c’est l’élargissement à l’Afrique de l’Ouest. Il est vrai que dans nos objectifs à 2020, nous n’avons pas prévu de développement hors de la zone francophone, mais nous ne faisons pas la course à la taille. Nous ne sommes en concurrence qu’avec nous-mêmes. Tant que nous n’avons pas totalement maitrisé une étape essentielle, nous n’entamons pas la suivante. Donc, à ce jour, il serait prématuré de franchir la barrière linguistique.

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LNG : Au vu de votre expérience dans le secteur pétrolier, pourquoi n’avez-vous pas plutôt ciblé des marchés comme l’Angola, le Nigeria ou même le Tchad ?

HCO : Nous ne courrons pas particulièrement après le pétrole. Nous courrons après l’efficacité et l’efficacité ne passe pas nécessairement par le pétrole. Tant que nous avons la capacité d’assurer notre croissance dans des pays où nous pouvons apporter un plus à l’économie, nous sommes satisfaits. Nous sommes des financiers, nous ne sommes pas des pétroliers.

LNG : Quelles conséquences la chute du prix du baril aura-t-elle sur les résultats de BGFI Group, notamment au Gabon, au Congo et en Guinée Equatoriale, trois pays qui font une grande part de votre bilan ?

HCO : Il est vrai que ce sont des économies tournées vers le secteur pétrolier, un secteur qui représente une part importante de leur PIB. Mais il faut savoir que très peu de banques locales financent les pétroliers. Aujourd’hui les pétroliers se financent en grande partie à l’extérieur. Donc le seul impact que le cours du baril peut avoir sur nos affaires, résulte d’une baisse des recettes pour les pays concernés. Mais les autorités savent ajuster leurs plans d’investissements et leurs politiques pour faire face à ce type de situation.

LNG : Pour développer vos affaires avec les pétroliers, envisagez vous d’implanter une antenne de trade pétrolier à Genève, où se négocie une grande part du pétrole mondial ?

HCO : Non, chacun son métier. Nous sommes des financiers, pas des pétroliers. Le trading, la production et la commercialisation du pétrole, c’est un autre métier.

LNG : Vous diversifiez tout de même vos métiers, notamment dans le secteur des assurances. Comment comptez vous intégrer la FEDAS dans votre groupe ?

HCO : C’est une diversification, mais pour nous, qui nous définissons comme un groupe financier, il y a une vraie complémentarité entre l’activité bancaire et l’assurance. Nous avons aujourd’hui 4 lignes de métiers : la banque commerciale, la banque d’investissement, les services financiers spécialisés et l’assurance. Ces quatre métiers cohabitent et interagissent pour créer de la valeur. Pour nous développer dans l’assurance, nous procédons comme pour la banque. Nous maîtrisons d’abord notre marché national, avec deux compagnies, puis nous nous développons à l’international. C’est dans cette dynamique que nous avons racheté la FEDAS, qui s’est transformée en Ogar Assurance Togo, Bénin et Côte d’Ivoire. Cette logique d’intégration se fait par la ligne assurance, et non par la banque. Les quatre lignes sont autonomes et chacune est pilotée par un manager avec son dispositif de gouvernance et de contrôle. Naturellement, c’est la structure holding qui coordonne le tout en terme de stratégie.

LNG : Pour quelle raison, dans votre organigramme, le Cameroun n’est pas intégré à l’Afrique centrale mais à la CEDEAO ?

HCO : Il y a deux raisons. La première, c’est que nous avons constaté un flux croissant entre le Cameroun et les pays de la zone UEMOA. Et par ailleurs, il se trouve que le directeur général de BGFI Cameroun connaît très bien la zone Afrique de l’Ouest. De manière pragmatique, il est intéressant de capitaliser sur les ressources humaines et sur le potentiel que nous avons les uns et les autres pour développer nos affaires.

LNG : Pour Ben Robinson, de Temenos, dans 10 ans, la majorité des agences bancaires auront disparu au profit de la banque en ligne. Partagez-vous ce point de vue ?

HCO : Non, cette réflexion correspond peut-être à la réalité européenne, mais pas africaine. Il y a en Europe un niveau de développement, de maitrise de l’outil informatique, qui n’est pas le nôtre en Afrique.

LNG : L’Afrique est pourtant très développée sur le mobile…

HCO : Oui, mais nous avons un taux de bancarisation encore très faible, entre 10 et 15% pour les meilleurs taux, alors qu’en Europe, c’est plus de 90%. Aujourd’hui, le seul moyen que nous avons pour bancariser les populations, c’est de développer les agences bancaires. Il faut d’abord bancariser les gens et ensuite vient l’IT. Je pense que la banque de détail a encore un bel avenir devant elle au niveau africain.

LNG : L’Afrique de l’Ouest avance à grand pas vers l’intégration des marchés financiers de l’UEMOA, du Ghana et du Nigeria. Quel conseil donneriez-vous aux décideurs concernés pour débloquer la situation en Afrique centrale ?

HCO : Le problème que nous avons en Afrique centrale, c’est que nous avons voulu faire l’intégration par la politique. Cette approche ne donne jamais de bons résultats. La meilleure intégration, c’est celle qui passe par les entreprises. Nous avons d’ailleurs nous-mêmes entrepris cette intégration. Notre groupe est déjà implanté, en plus du Gabon, au Congo, en RDC, à Sao Tomé, en Guinée Equatoriale, au Cameroun. Il y a également Afriland First Bank qui a fait le même mouvement. Dès lors que les groupes financiers ouvrent la voie, l’intégration économique se met en marche.

En ce qui concerne le marché financier, il se trouve que deux chefs d’Etat ont souhaité mettre en place leur bourse de valeurs. Les entreprises se sont adaptées à cette réalité. L’initiative est venue des hommes politiques qui, eux, ont leurs impératifs et leurs agendas, différents de ceux des hommes d’affaires. Mais tôt ou tard, ces deux bourses vont devoir s’unir, ne serait-ce que pour assurer leur rentabilité.

LNG : En 2020, au terme de votre carrière chez BGFI, que diriez vous d’embrasser une carrière politique ?

HCO : Vous savez, quand on oppose le politique et l’économique, c’est qu’on est persuadé que les deux en font un… Quand on a fait une carrière économique ou financière, on n’est pas nécessairement obligé de faire de la politique.

LNG : Vous ne pensez pas qu’il serait utile que des gens issus de l’économie ou du management d’entreprise apportent leur expérience ou leur regard à la politique ?

HCO : Je pense que nos pays ont plus besoin de gens qui s’engagent dans le secteur privé que dans la politique. Des hommes politiques, il y en a suffisamment. En revanche, nos pays manquent encore d’entrepreneurs, de managers, car dans le secteur privé, on ne peut se distinguer que par l’exemple et les résultats.

En ce qui me concerne, je crois que lorsqu’on a achevé sa carrière, on peut rester actif, mais avec d’autres préoccupations. On peut donner des conférences, dispenser des conseils. Dans notre groupe nous avons ouvert une business school. Devenir un bon conférencier dans cette école me conviendrait parfaitement. Transmettre mon expérience dans un cadre éducatif, aider des jeunes entrepreneurs, ce serait, de mon point de vue, faire œuvre utile.

 

Propos recueillis par Dominique FLAUX, à Genève.

 
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