Montfort Mlachila : « La stratégie choisie par les autorités gabonaises parait la bonne »

Economie
mardi, 17 mai 2016 12:13
Montfort Mlachila : « La stratégie choisie par les autorités gabonaises parait la bonne »

(Le Nouveau Gabon) - Montfort Mlachila, conseiller au FMI, s’exprime sur la situation de l’économie gabonaise ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre en vue de relancer la croissance.

Le Nouveau Gabon : M. Montfort Mlachila, avant Mario de Zamaróczy, qui vient lui aussi de séjourner à Libreville au Gabon pour une nouvelle mission, vous y avez été dans le cadre des consultations du Fonds monétaire international (FMI), au titre de l’article IV, quelle lecture peut-on faire aujourd’hui de la situation économique du Gabon?

Montfort Mlachila : L’économie gabonaise se heurte à une poussée de vents contraires. L’activité économique qui, jusque-là, a bénéficié de l’impulsion ponctuelle donnée à la production pétrolière par l’exploitation de nouveaux gisements et d’une amélioration de la productivité qui devaient en principe permettre à la croissance globale de se maintenir aux alentours de 4 % en 2015, s’est quelque peu tassée. Le ralentissement de l’activité hors-pétrole s’est également poursuivi, principalement en raison des contreperformances des secteurs du bâtiment, des transports, du commerce et des services, dû en grande partie à la chute des cours du pétrole et des recettes publiques. Lesquelles ont considérablement réduit la demande globale et poussé à un important réajustement des finances publiques.

Qu’en est-il des finances publiques?

Les tensions budgétaires se sont intensifiées. Ce qui s’est traduit par le basculement du solde budgétaire (sur base engagements) d’un excédent de 2,5% du PIB en 2014 à un déficit de -2,3% en 2015, un dépassement du plafond du ratio dette/PIB de 35 % fixé par les autorités gabonaises elles-mêmes, et un fléchissement des dépôts des administrations publiques et des réserves internationales. Ce choc, important en termes d’échanges, affecte aussi la position extérieure qui est passée d’un excédent de 8,3 % du PIB en 2014 à un déficit de 1,9 % en 2015. La hausse des prix à la consommation, qui s’est fortement ralentie au cours de l’année précédente, devrait être pratiquement nulle en 2015.

Mieux encore …

En clair, il faut redéfinir les priorités des dépenses et se concentrer sur les projets qui ont un fort impact et un haut rendement économiques. La question est donc d’ajuster les dépenses en ligne avec ce qui est disponible en termes de revenus. Dans ce cas, le gouvernement peut potentiellement générer des revenus supplémentaires à partir du secteur non pétrolier. Ainsi, la perte de revenus pétroliers peut être, dans une certaine mesure, compensée par des mesures supplémentaires qui peuvent mobiliser des revenus supplémentaires.

La stratégie mise en place par les autorités gabonaises en vue de la relance de l’économie peut-elle s’avérer payante ?

Il est important que l'économie du Gabon se diversifie pour qu'elle soit résiliente afin qu'elle puisse redynamiser sa croissance. Les autorités essayent de diversifier la structure de l’économie, en se focalisant sur plusieurs secteurs par exemple, et apportant une valeur ajoutée à l’industrie du bois en augmentant toujours cette valeur ajoutée dans la production du manganèse et en donnant plus d’importance à d’autres secteurs tels que le tourisme. Autrement dit, la stratégie choisie par les autorités gabonaises parait la bonne.

Le Gabon doit proposer des mesures sur le court et le long termes. Sur le long terme, il faut par exemple stimuler la croissance en diversifiant l’économie, de sorte qu’elle soit moins dépendante du pétrole, ce qui la rendra plus résistante. Et sur le court terme, le gouvernement doit vivre selon ses moyens en faisant deux choses : tout d’abord, générer des revenus supplémentaires en dehors du secteur pétrolier, notamment en réduisant l’étendue des exonérations fiscales. Puis prendre un certain nombre de mesures visant à mieux contrôler la croissance de la masse salariale.

N’y a-t-il pas d’autres leviers à actionner ?

Evidemment, il y a d’autres leviers que le gouvernement gabonais actionne. Il s’agit notamment de la mise à niveau des infrastructures dans le domaine des transports, des routes des rails, portuaires et aéroportuaires.

Et en même temps, le gouvernement est en train de mettre en place, une Zone économique à régime privilégié à Nkok à 27 km de Libreville. Elle a pour principal objectif d’augmenter la valeur ajoutée et diversifier sa base de l’économie gabonaise. Tous ces moyens sont là pour diversifier l’économie gabonaise.

Plus généralement, le gouvernement doit améliorer le climat des affaires dans tout le pays pour promouvoir l’investissement. En effet, le gouvernement est pleinement conscient qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans diverses activités économiques. Donc, en investissant davantage dans la formation, en particulier dans la formation professionnelle, il y a un potentiel pour améliorer les performances de l’économie, notamment en développant les compétences nécessaires pour contribuer à la diversification dans d’autres nouveaux domaines.

Vous avez parlé de baisse des recettes fiscales. Quel impact cela peut-il avoir sur les conditions de vie des populations les plus défavorisées,

C’est un énorme défi pour le gouvernement qui doit impérativement essayer de minimiser la réduction des recettes fiscales. Cela, en mobilisant davantage les recettes fiscales et en élargissant l’assiette fiscale dans le domaine des recettes non liées au pétrole. Cela, en faisant des ajustements au niveau des dépenses, mais tout en reconnaissant un certain nombre de priorités par exemple, dans le secteur rural, où une bonne partie des populations économiquement faibles se trouve. Autre chose, en zones urbaines, le Gabon se doit d’améliorer son filet de sécurité sociale par l’introduction ou l’expansion des transferts en espèces pour les segments les plus vulnérables de la population.

Quel rôle peut jouer l’agriculture dans ce processus ?

Il faut également se focaliser sur l’agriculture en augmentant sa productivité. C’est même un impératif. Pour cela, il faudra mettre des moyens nécessaires et suffisants pour l’amélioration des infrastructures dans le monde rural afin de permettre l’accès des producteurs ruraux au marché urbain. Le succès du projet GRAINE piloté par la firme Olam et le gouvernement gabonais est donc attendu avec beaucoup d’espoir et d’impatience.

Quels sont les principaux défis qu’il faut aujourd’hui relever pour relancer l’économie gabonaise?

Les autorités gabonaises doivent impérativement faire face à trois grands défis. Premièrement, il faut relancer le taux de croissance pour que l’économie soit plus résiliente. Car, sans un taux de croissance relevé et soutenable, il est pratiquement impossible de faire face au défi de la réduction de la pauvreté.

Deuxièmement, il faut à tout prix diversifier l’économie pour qu’elle soit résiliente aux chocs extérieurs. Tel que celui de la baisse des prix du pétrole sur le marché international.

Enfin, il faut que l’Etat ait les moyens de ses différentes politiques économiques. Donc vous comprenez qu’il faut un maximum de ressources nécessaires pour faire face à toutes les demandes et besoins. Evidemment, pour cela, il faut que les finances publiques soient soutenables afin d’éviter une augmentation plus accrue de la dette.

 

Synclair Owona

 
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