Exploitation illégale de l’or : Brainforest pointe le laxisme de l’Etat dans la zone de Ndangui

Mining
mercredi, 12 janvier 2022 08:58
Exploitation illégale de l’or : Brainforest pointe le laxisme de l’Etat dans la zone de Ndangui

(Le Nouveau Gabon) - L’ONG pour la protection de l’environnement Brainforest vient de publier un rapport sur l’exploitation minière à petite échelle dans la zone de Ndangui (dans l'Ogooué-Lolo au Centre du Gabon). Cette exploitation est l’œuvre de plusieurs sociétés minières dont la plus importante est Ivanhoé Gabon SA (filiale de la Canadienne Ivanhoé), détentrice des permis « N°G7-710 Loubou-Ndangui » et « N°G7-939 Lobi-Lobi ».

Dans son étude, Brainforest relève qu’il y a une exploitation illégale de l’or à Ndangui ceci principalement du fait du laxisme de l’Etat. A titre d’illustration, le rapport indique que la collecte et de la commercialisation de l’or dont le volet de l’exploitation artisanale a été exclusivement confié au Comptoir gabonais de collecte de l’or (CGCO), filiale de la Société équatoriale des mines (Société d’Etat). « Toutefois, alors qu’en 2014, cette entité annonçait l’ouverture d’un comptoir d’achat d’or à Lastourville pour la collecte du minerai extrait à Ndangui, en 2021, ce dernier n’est toujours pas effectif. Les communautés qui exercent l’activité d’orpaillage s’organisent pour écouler leur production. Si une minorité d’orpailleurs artisanaux effectue le déplacement de Libreville pour vendre l’or, un nombre plus important revend le minerai extrait au niveau local. Les orpailleurs affirment que leurs principaux acheteurs sont des commerçants ouest-africains installés à Ndangui. Cette transaction, aussi illégale que l’activité d’orpaillage artisanal, n’obéit à aucun régime de fixation des prix, le gramme d’or est donc vendu à Ndangui, au prix fixé par les commerçants. Selon les orpailleurs, la crise de la Covid-19 a eu une incidence sur le prix du gramme d’or qui est passé de 17 000 FCFA en moyenne à moins de 15 000 FCFA ».

Absence de carte d’expart

Concernant l’autorisation d’exploitation artisanale, l’article 47 du décret n°00231/PR/MM du 4 août 2017, dispose que l’exercice de l’activité d’orpaillage est conditionné par l’obtention auprès des services du ministère des Mines, d’une carte d'exploitation artisanale (Expart) ou d’une autorisation d’exploitation artisanale. À Ndangui, relève Brainforest, les orpailleurs mènent leur activité en l’absence de carte d’expart. « Depuis 2009, les orpailleurs, malgré les deux campagnes d’établissements des cartes d’expart initiées par l’administration des mines, n’ont plus eu accès à ce document. Du côté du Ministère des Mines, cette interruption de délivrance des cartes d’expart, s’explique par une volonté de restructurer la filière artisanale de l’or. Cependant, bien que l’exploitation artisanale de l’or se poursuit à Ndangui, sous le regard impuissant de l’administration locale, les communautés impliquées dans cette activité fustigent l’abandon du ministère des Mines qui a progressivement mis fin à l’accompagnement des orpailleurs : fermeture du comptoir d’achat de l’or, de l’économat et retrait des gardes miniers », souligne le rapport.

Il note aussi que l’exigence pour les opérateurs miniers d’alimenter les fonds de développement locaux destinés à financer les projets d’intérêts communautaires au profit des populations riveraines des zones minières n’est pas respectée bien qu’ayant été renforcée par le décret 023/PR/MPGM du 22/01/2021 fixant les règles relatives à la contribution de l’activité minière au développement local en République gabonaise. Pourtant, selon le dispositif national mis en place pour la gestion de cette contribution au développement, un Comité de gestion multipartite est chargé de l’affectation des ressources. Mais, à Ndangui, cette instance n’a toujours pas été mise en place.

Ivanhoé Gabon SA sur le banc des accusés

Il n’y a pas que la responsabilité de l’Etat qui est pointée du doigt pour expliquer l’exploitation illégale de l’or à Ndangui. Au cours de l’entretien mené avec les responsables d’Ivanhoé Gabon SA, Brainforest affirme qu’il est apparu que la société ne possède pas de plan de protection de la faune (PPF). Durant la mission, l’équipe des enquêteurs n’a observé aucune pancarte interdisant la chasse dans les sites visités de l'entreprise minière et aucune mention sur les espèces intégralement protégées.

Aussi, pour tenter de répondre aux besoins identifiés par les communautés, un accord a été signé entre la société Ivanhoé Gabon SA et les communautés de Ndangui zone aurifère, en date du 24 mai 2021 et portant sur la réalisation de plusieurs projets sociaux. Seulement, souligne Brainforest, le document signé revêt de nombreuses irrégularités. Par exemple, dans son introduction, le procès-verbal indique que la société Ivanhoé Gabon SA « s’est engagée à…, et conjointement avec d’autres opérateurs… ». Or, la société Ivanhoé Gabon SA, ne disposant pas d’un mandat pour agir au nom des opérateurs qui ne sont clairement pas identifiés dans le cahier de charges, ne peut donc pas engager ces dernières dans un tel processus.

Manque de transparence

Aussi, cet accord signé par la société ne donne pas de précisions sur les projets sociaux pour lesquels Ivanhoé Gabon SA s’est engagé et ceux à la charge des autres opérateurs. « Certaines doléances formulées par les populations ne peuvent être réalisées ni dans le cadre du fonds de développement local, ni sur le plan de la responsabilité sociétale des entreprises. À titre d’exemple, l’installation d’une antenne de réseau de téléphonie mobile (doléance 14 du PV, Annexe). Le versement en espèce d’une subvention par trimestre pour les populations de Ndangui et le Chef de canton mérite d’être encadrée, car non conforme aux dispositions légales en matière de droit au partage des bénéfices (doléance 16) », relève le rapport.

Last but not the least, Brainforest estime que le secteur extractif de l’or à Ndangui souffre d’un manque de transparence et les chiffres déclarés par les orpailleurs et même par la société Ivanhoé Gabon SA peuvent être sous-estimés. Car, les quantités d’or produites de manière artisanale à Ndangui échappent au contrôle de l’administration qui ne dispose pas à ce jour des mécanismes opérationnels permettant d’évaluer la production des orpailleurs, de contrôler la chaîne d’approvisionnement du minerai et de limiter les pertes au titre de contribution du secteur aurifère au PIB national.

Sylvain Andzongo

 

 
Nos derniers articles

Pour nous contacter: c o n t a c t [@] lenouveaugabon . c o m

Please publish modules in offcanvas position.