C2M : le point de situation avec Johan Carette, directeur du Complexe métallurgique de Moanda

Une Mining
mercredi, 08 juin 2016 18:45
C2M : le point de situation avec Johan Carette, directeur du Complexe métallurgique de Moanda

(Le Nouveau Gabon) - Mis en service il y a an, le Complexe métallurgique de Moanda (C2M) traverse une situation difficile, tant sur le plan opérationnel qu’économique. Explication avec Johan Carette (photo), directeur du C2M…

Le Nouveau Gabon : M. le Directeur, cela fait un an que le Complexe métallurgique de Moanda a été inauguré, quel bilan d’étape peut-on faire depuis la mise en service de cette usine ?

Johan Carette : Globalement, le bilan de cette période de lancement est un en demi-teinte. D’une part, des progrès sont clairement visibles et d’autre part, nous avons atteint des niveaux de production encourageants. Cependant ces niveaux de production ont été tenus sur des périodes trop courtes car nous manquons clairement de constance et d’anticipation. Les bonnes semaines alternent avec des périodes parfois longues de performances médiocres. Nous avons également beaucoup de progrès à faire en matière de sécurité, pour éliminer les comportements à risque que l’on peut encore constater.

Vous attendiez-vous à cette situation ?

JC : Vous devez savoir que toutes les usines qui démarrent ont des problèmes au début. On a tendance à l’oublier une fois que les unités sont stabilisées. Mais c’est une situation tout à fait normale vu la quantité de choses qu’il y a à gérer pour faire tourner une usine et donner les compétences opérationnelles à plus de 430 agents, sans parler des sous-traitants.

Les aléas actuels de C2M n’étaient donc pas inattendus mais le temps que l’on met pour passer ce cap difficile est lui, un peu plus long qu’attendu. Pour une usine du niveau de complexité du CMM, il faut classiquement 24 mois de fonctionnement pour arriver à un niveau de production proche du nominal.

C’est le pronostic que nous avions fait. C’était sans doute un peu ambitieux, compte tenu de la localisation du C2M dans un environnement non industriel comme le nôtre.

En cohérence avec cette prévision de montée en production sur 24 mois, nous visions, pour cette année, une production annuelle de 40 000 tonnes de Silico manganèse et de 12 000 tonnes de Mn métal, avec une progression tout au long de 2016 pour atteindre un rythme de production en décembre, qui soit entre 85 et 90% du rythme de production nominal sur les deux usines.

Nous sommes pour le moment en décalage par rapport à cet objectif (globalement -35%). Nous avons connu des hauts et des bas au cours du premier trimestre et les niveaux de productions annuelles que nous visons ne seront accessibles que si des progrès rapides de régularité sont enregistrés au second trimestre, permettant d’envisager de booster le rythme de production dans le courant du second semestre.

Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez ?

JC : Les difficultés sont de deux natures et se cumulent : il s’agit en premier lieu des équipements et du procédé qui, rappelons-le, sont totalement inédits et innovants pour la partie EMM. Bien qu’il n’y ait pas de problème majeur de design, différentes corrections, ajouts, amélioration ponctuelles ou encore des opérations de fiabilisation des installations doivent être faites.

Elles sont, pour la plupart, identifiées mais leur réalisation va prendre du temps, vu les délais de livraison des pièces, des équipements et le manque de ressources localement. Ces problèmes devraient se résoudre progressivement courant 2016. Cela demande une implication forte des équipes de maintenance. Une assistance de la direction des affaires industrielles nous aide également à progresser à ce niveau.

Dans un second temps, il y a la mise en place des compétences nécessaires pour exploiter efficacement les installations et les procédés très exigeants du C2M. Car, le management de terrain et la montée en compétence des agents d’exploitation et de maintenance constituent notre problème principal du moment.

Bien sûr, des formations ont été faites en amont de la construction des usines mais elles étaient inévitablement un peu abstraites et ont eu, une efficacité globalement insuffisante. La formation des agents se poursuit (learning gy doing) mais prend du temps et impacte notre régularité. Des actions d’accompagnement de terrain sont mises en place avec des ressources internes et celles du groupe. Elles devraient porter leurs fruits d’ici quelques mois.

Il faut enfin signaler les exigences au niveau de la continuité, de la régularité des procédés mis en œuvre et les exigences sur la qualité des produits qui sont très élevées et inédites localement. Les procédés mis en œuvre au CMM sont en effet très exigeants par nature pour donner quelques exemples :

Pour les fours électriques de l’unité de silico manganèse, un taux de marche d’au moins 95% est nécessaire pour assurer un bon fonctionnement et des consommations de matières optimisées. Les contraintes thermiques sur ses fours rendent en plus les reprises difficiles après des arrêts longs (difficultés à couler le métal, coulées débordantes…) avec des conséquences néfastes qui, généralement s’enchainent tant sur les équipements que sur l’aspect sécurité.

Pour le Manganèse métal, le procédé d’électrolyse a une exigence de continuité absolue : un problème induisant l’arrêt d’une cuve suite à un problème pendant quelques minutes a des conséquences importantes sur la qualité de l’ensemble de la halle qui compte jusqu’à 70 cuves et, au-delà de 20 minutes, ce problème conduit à l’arrêt complet de la halle d’électrolyse ; le reconditionnement et la remise en marche de celle-ci prennent dans ce cas plus d’une semaine.

Le procédé amont de l’électrolyse a, quant à lui, une exigence absolue au niveau de la pureté des solutions élaborées : quelques ppm (parties par million) en défaut au niveau de la pureté font chuter le rendement de manière très importante et induisent un arrêt complet des installations pendant plusieurs jours…

Ces exigences sont une difficulté importante quel que soit l'endroit où on installe de telles de telles unités, mais beaucoup  plus encore dans un environnement qui n'a pas encore de culture industrielle ni de tissu industriel établi comme ici au Gabon.

Pour beaucoup de collaborateurs qui travaillent au C2M, ce sont des métiers nouveaux, ce sont des expériences nouvelles, en êtes-vous satisfaits ?

JC : Là encore la situation n’est pas homogène : je vois de très bons comportements d’agents motivés et professionnels malgré le peu d’expérience qu’ils ont. En revanche chez certains, on constate encore une implication faible pour maitriser et maintenir des installations de ce niveau. Donc, nous devons progresser en matière de rigueur dans le travail, d’exigence au niveau des attendus et de prise d’initiative.

L’acquisition des métiers nouveaux et des techniques associées a fait l’objet de nombreuses formations avant le démarrage des installations. Pour le Manganèse métal, une installation pilote a même été mise en place pour ces formations. Cependant, le contexte des installations industrielles est très différents et la formation doit encore se poursuivre jour après jour sur le terrain pour donner les bonnes pratiques et la rigueur dans l’exécution des tâches à l’ensemble des opérateurs qui travaillent en 3X8 sur le CMM. Le management de terrain, contremaîtres et chefs d’équipes sont des maillons essentiels de ce processus.

Au point de sécuritaire, quelles sont les dispositions prises ?

JC : La sécurité est clairement une priorité pour COMILOG et notre performance en la matière est également très suivie au niveau du groupe Eramet. Depuis le démarrage des usines, nous avons connu, au niveau des agents du CMM, trois accidents avec arrêt : le premier en décembre 2014, le deuxième en janvier 2015 et le dernier, récemment en mars 2016. Nous avons également enregistré neuf accidents sans arrêt et de nombreux premiers soins. Dans le cadre de nos activités, c’est une véritable performance qui est considérée comme relativement correcte pour un démarrage, par rapport aux autres usines du secteur. Malgré tout cela, ce ne sont que des statistiques qui peuvent très vite basculer. Car, les erreurs ne pardonnent pas dans les industries chimiques et métallurgiques de cette importance.

Je ne saurais parler de sécurité sans toutefois évoquer l’accident de circulation fatal que nous avons enregistré au mois de janvier dernier avec un de nos sous-traitants à l’intérieur du site. Cet incident malheureusement, résultait d’un enchainement de circonstances difficilement compréhensibles. Ce qui montre également notre vulnérabilité en matière de sécurité.

Au cours des différentes visites de sécurité, sur le site du C2M, je constate beaucoup trop de situation de risques. Soit, par le manque de rigueur des agents, soit par suite à des problèmes d’organisation. Beaucoup de groupes de travail - exigences essentielles, analyses des risques – sont mis en place en ce moment pour améliorer la situation. La présence sur le terrain des managers et l’accompagnement des opérateurs est surement un facteur essentiel de réussite dans ce domaine.

Le C2M est une fierté pour le Gabon, du fait de la transformation d’une matière première importante. Alors à quand pensez-vous atteindre la vitesse de croisière nominale ?

JC : Nous devrions atteindre 85% du rythme de production nominal sur les deux usines en décembre 2016, du moins si nous arrivons à réaliser la montée en production planifiée cette année. Il est certain que nous accusons du retard sur cette prévision. Mais, j’espère que nous arriverons à rattraper une partie de ce retard et que nous serons en mesure d’atteindre le rythme de production nominal à la fin du premier semestre 2017.

Aujourd’hui, avec la baisse des cours actuelle, qu’en est-il des produits issus du C2M ?

Le produits transformés ont malheureusement suivi la même tendance à la baisse que le minerai et les prix de vente de nos produits qui sont actuellement à un niveau historiquement bas, soit en gros 50% des prix du business plan du projet C2M en 2009. Nos avantages concurrentiels que sont le minerai à prix réduit et l’énergie électrique à un prix compétitif, ont également baissé avec la chute des cours du minerai et la baisse mondiale du prix de l’énergie.

Les deux phénomènes conjugués mettent à mal, l’équilibre économique du C2M à cette période de démarrage difficile. Les cycles économiques avec des hauts et des bas sont malheureusement une contrainte supplémentaire à laquelle, nous devons nous accommoder.

Pour mettre un terme à notre entretien…

JC : La situation actuelle est difficile pour la C2M tant sur le plan opérationnel, qu’économique. Mais, hormis l’aspect des coûts de logistique, nos fondamentaux sont globalement bons et nous devons redoubler d’efforts pour passer ce cap difficile et faire du C2M, un fer de lance et un projet d’avenir pour la COMILOG. Je suis confiant, nous y arriverons avec l’engagement de tous, même si ça prend un peu plus de temps que prévu.

Synclair Owona avec COMILOG Informations.

 
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