Le Nouveau Gabon

Le Nouveau Gabon

À la faveur du Forum des parlementaires de la CEEAC pour l’alimentation et la nutrition, organisé à Brazzaville au Congo le 19 novembre 2019, la coordonnatrice du Système des Nations unies (SNU) au Congo, Suze Percy Filippini (photo), a exposé sur la situation de l’Afrique centrale face aux enjeux du deuxième Objectif de développement durable (ODD) qui vise l’éradication de la faim dans le monde à l’horizon 2030.

Décrivant la situation alimentaire de l’Afrique préoccupante, l’ambassadrice onusienne a indiqué que cet objectif était difficilement atteignable par les États de la sous-région. Pour étayer sa position, elle a souligné que les dispositifs mis en place par les États étaient peu fiables.

Face à ce constat, elle a appelé les gouvernants à une plus grande prise en compte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans leurs politiques et stratégies de développement. Autrement dit, Mme Percy Filippini invite les États à consacrer plus de ressources financières à ce problème.

Tout en saluant l’initiative portée par les parlementaires de la CEEAC, elle a en plus réitéré l’engagement du SNU à accompagner les États membres et la CEEAC en vue de relever les défis majeurs liés à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. Pour ce faire, Mme Percy Filippini a annoncé que ces défis seront inscrits comme action prioritaire dans les plans de développement de la sous-région du SNU.

Stéphane Billé

La lutte contre la corruption était au cœur de la session extraordinaire du Conseil supérieur de la magistrature, tenue le 22 novembre dernier à Libreville. Cette réunion a été présidée par le président de la République, Ali Bongo Ondimba, en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature.

Après avoir réitéré l’engagement du gouvernement dans ce combat contre la corruption, le président de la République a invité le corps judiciaire à une participation active et objective à l’intensification de la lutte contre ce fléau.

À la suite du président de la République, le ministre d’État, en charge de l’Intérieur, de la Justice, Garde des Sceaux, Edgard Anicet Mboumbou Miyakou, a, quant à lui, mis en avant, la moralisation du corps judiciaire. Il estime qu’elle est primordiale dans ce combat.

Dans ce cadre, il a annoncé la mise en œuvre des mécanismes disciplinaires ainsi que la réorganisation des formations spécialisées, des juridictions de commerce et du travail de Libreville. Ces structures sont aujourd’hui confrontées à des difficultés d’ordre structurel, organisationnel et matériel.

L’inspecteur général des services judiciaires a, pour sa part, informé de la reprise des activités judiciaires sur toute l’étendue du territoire national, avant d’annoncer l’organisation d’une mission d’inspection générale avant la fin de l’année.

Stéphane Billé

Les chefs d’État de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), réunis dans un cadre extraordinaire les 21 et 22 novembre 2019, ont affiché une volonté commune de défendre la stabilité de leur monnaie (franc CFA). Mais dans le même temps, ils ont marqué l’intention de voir évoluer les accords de coopération monétaire actuellement en cours avec l’Union européenne et la France. La Commission de la Cemac et la Beac (Banque centrale) ont été chargées « de proposer, dans des délais raisonnables, un schéma approprié, conduisant à l’évolution de la monnaie commune ».

Pour maintenir la stabilité intérieure et extérieure, la Beac mène depuis trois ans une politique monétaire restrictive. Ses actions ont pour objectif le maintien du taux de parité entre le franc CFA et sa monnaie de référence (l’euro). Selon les accords monétaires avec la France, cette stabilité monétaire exige que l’encours des réserves de change représente toujours au moins 20% des importations de la Cemac.

En décembre 2016, lorsque les présidents de la Cemac se sont réunis à Yaoundé, ces réserves se situaient à un peu plus de 50% des besoins d’importations, faisant craindre au sein de l’opinion publique, un risque de dévaluation de la monnaie. Selon un rapport de la Beac, publié ce mois de novembre 2019, les réserves de change à la fin juillet 2019, ont atteint 4272,7 milliards de FCFA (66,21 % des besoins d’importations), soit un peu plus de mille milliards de FCFA de plus qu’il y a un an.

Une situation extérieure stabilisée, mais des défis demeurent

Pour parvenir à ce résultat, la Banque centrale a pris de nombreuses mesures. La plus importante, et celle dont la mise en œuvre a occasionné le plus de défis, est la nouvelle règlementation de change. En vertu de cette règlementation, toutes les devises générées par les exportations de la Cemac doivent être rapatriées, pour renforcer les réserves de change, y compris celles des secteurs pétroliers et miniers qui sont les premiers produits vendus à l’extérieur par la sous-région.

Le ministre gabonais des Finances, Roger Owono Mba, a dans un échange avec l’agence Ecofin, reconnu l’existence de ce problème. Il trouve légitime la volonté de rapatrier toutes les devises issues de la vente à l’extérieur des ressources. Mais il fait aussi savoir que des discussions avec les opérateurs miniers et pétroliers ont soulevé le fait que la Banque centrale devrait se mettre aux normes standards des transferts de fonds. Une exigence qui n’est pas encore atteinte. Car cela suppose de passer par des entités internationales de compensation, dont l’accès est plus exigeant que le système classique du SWIFT (mode de transfert normal).

 Dans les secteurs autres que celui des mines et du pétrole, la mise en œuvre de cette politique de change n’a pas été aisée. Le secteur privé, notamment au Cameroun, a mis une pression forte et le marché de change parallèle a saisi l’opportunité. Ce changement a mis en exergue de nombreux problèmes. On peut citer l’arrimage des banques commerciales, les ressources humaines au sein de la Banque centrale et de ses démembrements et même l’adaptation des opérateurs économiques aux nouvelles procédures. Mais la mise en œuvre d’une stratégie permanente de concertation et de communication a permis de stabiliser la situation.

 Pourtant, la Beac ne parvient pas, jusqu’ici, à surmonter certains problèmes. Les gouvernements ont marqué leur accord pour rendre disponibles les accords pétroliers et miniers afin que la BEAC puisse s’assurer de la conformité des devises déclarées dans ces secteurs avec la réalité des contrats. Mais selon nos sources à la Beac, aucun gouvernement n’a déjà communiqué ses contrats. L’autre défi, c’est que de nombreux acteurs économiques non bancaires n’ont toujours pas rapatrié leurs devises.

À la fin du mois de juin 2019, les avoirs des résidents de la Cemac détenus par des banques étrangères atteignaient encore 5,2 milliards $ (3153 milliards de FCFA). La Beac a indiqué dans ses discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) qu’elle n’avait pas des détails sur la nature de ces avoirs. Mais des données, collectées par l’Agence Ecofin sur la plateforme de la Banque des règlements internationaux, renseignent que près de 1,5 milliard $ sur ces avoirs sont détenus par des ménages de la Cemac tandis que près de 2 milliards $ appartiennent aux entreprises.

Une stabilisation intérieure en cours, mais au détriment du financement de développement

Pour ce qui est de la stabilité intérieure, la Beac travaille surtout à réduire l’excès de liquidités dans le secteur bancaire et le système monétaire. Elle a réduit les avances monétaires aux États, ajouté de nouvelles contraintes au refinancement des engagements pris par les banques et entrepris de réduire progressivement les injections de cash dans le secteur bancaire de la sous-région. Elle annonce d’ailleurs pour début 2020 une opération de ponction des liquidités excessives.

Ces actions qui sont suggérées par le FMI ne tiennent cependant pas compte de la réalité. Elles reposent sur l’hypothèse que la présence de trop de liquidités dans les banques pourrait devenir un risque pour la couverture de la monnaie, si de volumes importants de demandes de transferts sont effectués. Au sein même de la Beac, des experts ont souvent estimé que trop de liquidité représentait un risque sur les réserves de change, et que cela devrait guider le rythme de création de la monnaie.

Pourtant, dans un contexte de diversification des économies, les États et les investisseurs de la sous-région ont besoin de cash pour lancer des projets. Certains analystes estiment que la pression sur la quantité de monnaie en circulation pose un problème pour le financement du développement de la sous-région. Car elle ne tiendrait pas compte des besoins effectifs de crédits au sein de l’économie, mais davantage de la volonté de résoudre un problème qui ne s’est jamais posé, à savoir la pression sur les réserves de change du fait de la création monétaire.

 À la Banque centrale, on affiche aussi le malaise à poursuivre avec ce type de politique de stabilité intérieure de la monnaie. Les défis sont notamment le fait que l’excès de liquidité ne concerne que quelques banques à capitaux étrangers qui ont des politiques de prêts restrictives. Autre problème : si la Banque centrale arrêtait avec ses injections de liquidité, des banques, dont la faillite serait un gros problème pour le système financier de la sous-région, se retrouveraient en difficultés alors que leurs bilans et leurs gouvernances sont assez bons.

Quelles perspectives pour la coopération monétaire avec la France ?

Dans son discours de clôture, le président camerounais Paul Biya a d’ailleurs rappelé un besoin de flexibilité. « S’agissant de notre politique monétaire, elle a permis jusqu’à présent d’assurer la stabilité financière dans notre sous-région. Il y a toutefois lieu de rester flexible à toute proposition de réforme visant à consolider son action et à assurer les meilleures conditions pour une contribution efficace de la politique monétaire à un développement de la sous-région », a-t-il déclaré.

Une nouvelle ouverture résidera peut-être dans la volonté affichée de revoir la coopération monétaire avec la France et l’Union européenne. La définition de la portée et du contenu de cette évolution a été confiée à la Commission de la Cemac et la Beac. Mais déjà, on a senti une différence d’approche chez les chefs d’État. Tandis que Teodoro Obiang Nguema de Guinée Équatoriale y voit une opportunité pour se libérer du partenaire monétaire de longue date (France), Denis Sassou Nguesso du Congo pense qu’il faut faire preuve de plus de responsabilité.

Des pistes de réflexion ne manquent pas. L’une d’elles est défendue par le statisticien camerounais Dieudonné Essomba. Ce dernier, qui prédisait déjà cette situation de crise en zone Cemac, avait suggéré de créer, à côté du FCFA (qui est la version africaine de l’euro), un dispositif monétaire parallèle dite monnaie binaire. Cela permettrait de libérer le potentiel des secteurs productif obéré par la double exigence de stabilité extérieure et intérieure de la monnaie.

L’expérience du Nigéria peut aussi inspirer. Là-bas, la Banque centrale ne s’est pas limitée à mettre en place des dispositifs de politique monétaire. Elle a réduit l’accès aux devises par les banques pour le financement des besoins essentiels, le reste des besoins en devises étant satisfait par le marché monétaire (Nafex). À côté de cela, elle a interdit aux banques commerciales de participer aux investissements sur les bons et les obligations du trésor. L’objectif étant de réduire les excès de liquidités sur le système monétaire, tout en garantissant que les secteurs productifs bénéficient de financement, pour soutenir la diversification.

Idriss Linge

Les enjeux liés au changement climatique, à la paix et la sécurité sont les principaux dossiers de la 49e réunion du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC) qui se tiendra du 25 au 29 novembre 2019, à Luanda, en Angola.

Cette rencontre permettra aux pays de la sous-région de procéder à un partage d’expériences sur les manifestations du changement climatique. Il s’agira de trouver les mécanismes à mettre en œuvre de manière collective pour y faire face.

Selon le 13e Objectif de développement durable (ODD), « les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables sont les plus touchées » par les changements climatiques. Et « sans action, la température moyenne à la surface du monde devrait dépasser les trois degrés centigrades ce siècle ».

Cette situation aura pour effet, alerte l’UNSAC, de fragiliser davantage les populations dont les moyens de subsistance dépendent de l’accès aux ressources naturelles, de provoquer des migrations humaines, d’exacerber les inégalités socio-économiques, d’affaiblir les économies nationales et, ce faisant, de contribuer à l’émergence de nouveaux conflits.

À côté de ce dossier climatique, les participants discuteront aussi de la situation géopolitique et sécuritaire en Afrique centrale. Ils examineront notamment les développements politiques et institutionnels des six derniers mois.

Les enjeux liés à la gouvernance, aux processus électoraux, à la situation humanitaire, aux droits de l’homme et à la sécurité intérieure et transfrontalière seront aussi évoqués, tout comme les conflits liés à la transhumance et au pastoralisme ; la piraterie maritime dans le golfe de Guinée ; la promotion du désarmement ; la mise en œuvre de l’agenda Femmes, Paix et Sécurité en Afrique centrale et enfin la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme ; etc.

Les participants viendront des onze pays de l’espace CEEAC. À savoir l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la RCA, Congo, la RDC, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Rwanda, Sao Tomé et Principe, et le Tchad.

Stéphane Billé

Le processus de décentralisation et les perspectives du développement du pays ont été au cœur de récents échanges entre le ministre de la Décentralisation de la Cohésion et du Développement des territoires, Mathias Otounga Ossibadjouo, et le représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement au Gabon (Pnud), Francis James.

Selon le ministre Otounga Ossibadjouo, il s’agissait de voir avec cet organisme onusien, le dispositif à mettre en œuvre pour la matérialisation de ce processus. « Nous avons requis l’expertise du PNUD pour nous permettre de nous situer par rapport au chantier de la décentralisation en 2019. Nos opinions convergent dans la nécessité de mettre en place un travail de programmation. Des ébauches de plans de développement existent et nous poursuivrons sereinement ce vaste chantier », a-t-il déclaré.

Dans ce droit fil, le ministre a rappelé à son hôte l’intérêt de relancer le projet ART GOLD Gabon mis sur pied en 2006. Il a consisté en une collaboration entre les agences des Nations unies (Unesco, le Pnud, l’Unifem et l’Unops). Son objectif était d’accompagner le Gabon dans sa politique de décentralisation des collectivités locales notamment dans l’exécution de projets de développement, la mise en œuvre des stratégies de développement économique local, ainsi que pour la mise en place de stratégies de bonne gouvernance.

Stéphane Billé

Un récent rapport d’audit de la Cour des comptes sur les projets d’investissements routiers confiés au groupement Santullo Sericom Gabon SA, sur la période 2010 à 2015, fait ressortir de nombreuses irrégularités.

D’abord, la Cour des comptes constate une planification et une programmation budgétaire des projets extrêmement aléatoires et des conditions de passation des marchés n’obéissant pas aux règles de la concurrence.

Ensuite, selon cet audit, les conditions d’exécution des marchés, notamment en ce qui concerne la certification contradictoire du service fait et les missions de contrôle, n’ont pas toujours été conformes. De plus, les normes de qualité sur les différents projets n’avaient pas toujours été respectées.

La Cour des comptes pointe enfin une gestion polluante des déchets issus de la construction des routes et une surfacturation de 38 354 916 833 de FCFA des travaux réalisés. Un montant qui pourrait être réévalué à la hausse, selon la juridiction gabonaise. 

À en croire ce rapport, la dette réelle de l’État envers cette société est établie à 81 861 467 906 FCFA. Ce montant, précise ledit document, pouvait être revu à la baisse à l’issue d’une expertise géotechnique permettant d’évaluer la qualité des travaux.

Ces irrégularités semblent avoir été prises en compte par la Cour d’arbitrage internationale de la chambre de commerce internationale (CCI) de Paris dans le litige qui oppose Santullo Sericom à l’État gabonais. Elle a en effet réduit le montant des dommages réclamé par ce groupement à l’État du Gabon de 328 à 90 milliards de FCFA. 

Stéphane Billé    

Les chefs d’État de la Cemac ont affiché leur attachement à une monnaie stable, au terme de la rencontre à huis clos qu’ils ont eu ce 22 novembre 2019, à l’occasion d’un sommet extraordinaire à Yaoundé, la capitale camerounaise. Un choix qui ne surprend pas. Dans son discours d’ouverture, Paul Biya, l’hôte de l’évènement, a indiqué qu’un ajustement monétaire n’était pas à l’ordre du jour, au regard de l’amélioration de la position extérieure, en termes de mois d’importations.

Par contre, les dirigeants de la sous-région ont ouvert la voie à de « possibles évolutions », de la politique et de la coopération monétaire. Une fois de plus, la Beac s’est vu confier la mission de travailler sur ces deux leviers et de faire des propositions dans les meilleurs délais. Pour ce qui est de la politique monétaire, la Beac est déjà sur ce chantier et devrait produire un rapport sur cette question assez rapidement.

Il s’agit notamment des actions visant à renforcer la stabilité du secteur bancaire, mais aussi de la gestion du refinancement des titres émis par les entreprises non financières du secteur privé. La nouveauté, par contre, c’est que la Cemac s’est dite ouverte à entamer des discussions en vue de faire évoluer les accords de coopération monétaire qui lient la sous-région à l’euro et à la France. Sur ce dernier point, difficile de savoir quels ont été les points d’arbitrage entre les présidents de la Cemac. 

Sur les autres dossiers, la Cemac semble vouloir apporter une dose de réalisme dans l’atteinte des objectifs de consolidation budgétaire. Il ne serait pas exclu que des pays dont les programmes économiques avec le FMI sont arrivés à terme puissent procéder à des renouvellements. Ces résolutions interviennent, il faut le rappeler, dans un contexte d’incertitude sur l’économie mondiale et de prévisions de croissance en dessous de 3% pour la Cemac. 

Idriss Linge

Répondant aux questions de la télévision nationale camerounaise alors qu’il retournait dans son pays à l’issue de la conférence extraordinaire des chefs d’État de la Cemac, le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Basogo s’est félicité de la décision prise avec ses homologues de donner la possibilité à des réflexions sur une évolution de la coopération monétaire. « Nous avons abordé cette question qui consiste à nous libérer de notre partenaire monétaire, car nous sommes déjà une sous-région capable de se prendre en charge sur ce plan », a-t-il fait savoir en substance.

Il n’est cependant pas certain que cette question a été appréhendée de la même manière par tous les leaders de la Cemac. À la suite du président équato-guinéen, son homologue de la République du Congo s’est voulu plus réservé. « C’est une question dont on parle partout, y compris dans la presse. Mais c’est un point sensible, qu’il faut aborder avec responsabilité », a fait remarquer pour sa part le président Denis Sassou Nguesso.

 Ce point du communiqué final de la réunion extraordinaire des présidents de la Cemac continuera d’alimenter les débats. Alors que les opinions publiques africaines sont immergées dans ce débat, les prises de position publiques jusqu’ici se faisaient entendre principalement dans la zone Uemoa. La Cemac est désormais ouverte à mener des réflexions en vue d’une évolution de la coopération monétaire.

Idriss Linge

La BDEAC dont la mission est le financement du développement de la sous-région fait face à un gros problème de refinancement de ses emprunts par la Banque centrale (Beac). Entre contraintes règlementaires, structurelles et humaines... les chefs d’État de la Cemac qui avaient instruit la Beac d’accompagner la refonte de la BDEAC devront fixer un nouveau cap.

Le dossier était à l’ordre du jour de la réunion extraordinaire des ministres des Finances de la sous-région, le 19 novembre dernier, lors d’une rencontre à huis clos. Dans la presse camerounaise, il est simplement indiqué que « le financement des infrastructures communautaires a préoccupé » sans plus de détails.

Mais derrière ces termes simples, les arbitrages à faire sont complexes. « Il est clair que la situation préoccupe et on se demande s’il n’y a pas derrière ce problème structurel, un problème de personne », a confié à l’Agence Ecofin, un haut responsable de la Cemac. La Beac estime en effet qu’il est devenu risqué pour elle de continuer de soutenir sans contrôle la BDEAC. Elle évoque pour cela, plusieurs raisons.

Des contraintes majeures au soutien de la BDEAC par la BEAC

La première est d’ordre juridique. Selon des sources contactées au sein de l’institution d’émission et de contrôle de la monnaie, en sa qualité de premier actionnaire de la BDEAC (33,8% des parts), elle devrait ouvrir un compte courant associé d’un montant de 240 milliards FCFA. Cela a été fait, mais il reste un reliquat de 120 milliards FCFA qui est exigé par la banque de développement. Son président a donc sollicité la Beac pour récupérer ce reste à approvisionner.

Mais le conseil d’administration de la Beac s’est retrouvé contraint de refuser de faire ce décaissement en juillet 2019. L’argument évoqué est que cet engagement doit se faire, selon les textes, dans la mesure des fonds propres disponibles. Or justement, les fonds propres de la Banque centrale ont fortement diminué, soit de 58% sur la seule année 2018.

Une des raisons de cette situation est que la Beac a dû comptabiliser comme perte, un montant de 220 milliards FCFA à cause du changement de méthode de calcul des créances sur les États. Dans le même temps, les résultats annuels de l’exercice 2018 révèlent que le portefeuille d’investissement de la Banque centrale est soit arrivé à échéance, soit cédé sur le marché. Dans les deux cas, les fonds propres de la Beac ne peuvent plus bénéficier des plus-values associées à ces investissements.

À fin septembre 2019, les fonds propres « libres » de l’institution étaient de seulement 140 milliards FCFA. Difficile, dans ce contexte, de soutenir sans réserve la BDEAC à hauteur des montants souhaités, surtout que la Beac a d’autres engagements qui nécessitent la somme de 80 milliards FCFA au moins. Parmi ces projets, on peut citer l’impression de la nouvelle gamme de billets sécurisés pour la sous-région.

La deuxième contrainte provient du programme de stabilisation mis en œuvre avec le Fonds monétaire international, sur l’aval des chefs d’État. L’institution de surveillance multilatérale estime, dans son dernier rapport sur la Cemac, que l’exposition de la Beac sur la BDEAC est excessive alors qu’il n’appartient pas à une Banque centrale de soutenir une institution de financement du développement.

Elle a donc suggéré dans ses recommandations que la Beac se désengage de la BDEAC plutôt que d’accroître son exposition. En plus de cela, l’institution de Bretton Woods estime que tout refinancement accordé à la Beac au profit de la BDEAC pour des projets publics constitue des avances monétaires aux États. Une chose qui est pourtant interdite désormais à la Banque centrale.

Une solution de compromis, mais qui comporte des défis

Malgré les contraintes constatées plus haut, la Banque centrale a trouvé un compromis lui permettant surtout d’être en conformité avec les exigences du FMI. « Les chefs d’État ont instruit la Beac d’accompagner la transformation structurelle de la BDEAC. Cette instruction a été acceptée donc la Banque centrale devait s’exécuter », explique une source proche du dossier.

Il a été ainsi retenu que la banque de développement communautaire puisse se refinancer sur la marge de 150 milliards disponibles dans le cadre de son intervention sur le marché monétaire. Mais le recours à ce mécanisme comporte des aspects qui peuvent ne pas satisfaire le management actuel de la BDEAC. Il implique, par exemple, que la Banque centrale ait un regard sur la gestion de la BDEAC, une situation qui n’est pas tolérée. À la Beac, on explique qu’il y a un besoin d’avoir de la visibilité sur les projets de la BDEAC.

L’argument majeur est que dès 2019, la comptabilisation des provisions se fera sous la norme IFRS9. Elle est plus stricte et rigoureuse en matière de constatation des pertes. Une façon de demander à la BDEAC d’être plus transparente et plus efficiente. La situation crée un profond malaise au sein de la banque de développement.

Au cours de l’année 2019, elle s’est inscrite dans la dynamique de trouver des solutions alternatives. Elle a signé de nouvelles alliances et prévoit de se faire noter dès 2020, pour avoir la possibilité d’aller sur les marchés des capitaux situés au-delà de la Cemac. Mais au final, il reviendra aux chefs d’État de trancher sur cette affaire. Les deux institutions ayant pour actionnaires les gouvernements membres de la communauté, ceux-ci peuvent donner le cap à suivre.

Les pays à suivre dans ce dossier sont le Gabon et le Tchad, qui empruntent le plus difficilement (avec des taux élevés) sur le marché régional. Au total, ce sont 155 milliards FCFA de projets au profit des deux pays qui attendent de trouver une solution.

Idriss Linge

L’Etat gabonais vient d’acquérir une précieuse victoire dans le litige qui l’oppose au groupement Santullo Sericom. Après quatre ans de procédures, la Cour d'arbitrage internationale de la chambre de commerce internationale (CCI) de Paris, vient de revoir à la baisse, le montant des 328 milliards de FCFA, (500 millions d’euros) réclamé par cette entreprise, au titre de dommages et intérêts. Il s’élève désormais à 90 milliards de FCFA, soit une baisse de 73%.

Cette décision fait suite aux éléments de preuves présentées par l’Etat gabonais à cette juridiction française. Lesquels éléments attestent de l’implication de hauts cadres de la République gabonaises dans des malversations financières notamment, pour corruption passive et blanchiment. Ces éléments issues de l’opération “Mamba”, ont été primordiaux pour cette procédure judiciaire. Ils ont ainsi permis à l’instance juridictionnelle de considérer que le groupement Santullo Sericom n’avait que très peu rempli ses obligations et remporté ces marchés de façon illicite.

L’on se rappelle que le ministre Magloire Ngambia, son cousin, Gilles Rodrigue Bongo et Landry Patrick Oyaya en ont fait les frais de cette affaire, dans le cadre de l’opération “Mamba”, diligentée par le président de la République, Ali Bongo Ondimba.

A Libreville, l’on ne peut que se féliciter de ce verdict. Tout en saluant les résultats de cette opération ‘’Mamba’’, qui traduit la fin de l’impunité et la responsabilisation pénale pour les auteurs de ces actes déviants. Les autorités gabonaises se félicitent également de l’efficacité de la coopération entre les différents pays dans le cadre de cette affaire Santullo.
L’on souligne à cet effet que, ce verdict permettra non seulement de défendre les intérêts du pays, de redorer son image à l’international, de renforcer son attractivité mais aussi surtout, « de sanctionner fermement tous les autres éventuels prévaricateurs des deniers publics ».

Loin de connaitre son épilogue, l’Etat gabonais et Santullo-Séricom restent également en procès sur deux autres affaires pénales. La première, devant le parquet fédéral suisse, et la seconde devant le Parquet national financier de Paris. Le motif reste le même, toujours des faits de corruption active et passive, ou encore de blanchiment d’argent liés à ce dossier, indique-t-on.

L’optimisme nourri par les autorités gabonaises pour la suite des dossiers, laisse entrevoir une issue favorable pour le pays. Elles en veulent pour preuve, le gèle des comptes du groupe italien durant le temps de l’instruction.

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