Inauguration du nouveau port d’Owendo, sa place et son rôle dans la stratégie d’industrialisation du pays, diversification de l’économie, zone économique de Nkok, place de l’agriculture dans le pays, intégration sous-régionale, échanges commerciaux en Cemac et ailleurs, tous ces sujets sont abordés avec le coordonnateur du Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon émergent. Liban Soleman (photo) revient également dans cet entretien avec la presse internationale, sur les enjeux de la formation et de la synergie d’actions entre le secteur privé et le système éducatif afin de contribuer à la production de profils utiles aux entreprises installées au Gabon.
Que représente pour vous l’inauguration du nouveau port d’Owendo ?
Je crois que c’est un moment très important pour l’économie gabonaise ainsi que pour la vision présidentielle du développement du pays. Comme vous le savez, de manière historique, le Gabon a toujours été connu comme un pays exportateur de ressources naturelles notamment le bois, les grumes, le pétrole, le manganèse et bien d’autres produits miniers. Et l’inauguration de ce port marque la transition de l’économie gabonaise en ce sens qu’il va permettre non seulement de baisser les coûts tant au niveau des exportations que des produits d’importations, mais également d’augmenter les capacités à l’export des produits gabonais. Ce port est également l’un des plus grands projets portuaires jamais réalisés ces dernières années en Afrique. Parce que sur les 10 dernières années, on a eu une quarantaine de projets de cette nature, annoncés sur le continent ; cinq ont été réalisés et deux d’entre eux l’ont été au Gabon. Donc sur le plan historique, c’est un grand jour pour le pays. Ce n’est pas simplement un port à containers mais c’est un complexe portuaire où seront traitées toutes sortes de marchandises et où l’on retrouve aussi un port minéralier qui va doubler les capacités d’exportations des produits miniers. C’est une fierté continentale parce que c’est un projet réalisé en partenariat public-privé avec Gabon special economic zone, filiale d’Olam Gabon, Africa Finance Corporation et l’Etat gabonais.
Parlez-nous de l’engagement de l’Etat dans la réalisation de ce projet mené en partenariat public-privé.
Derrière la réalisation de ce complexe portuaire, il y a la vision industrielle globale du pays. En 2010, le président de la République avait indiqué que le Gabon doit atteindre un taux de 30% de transformation de nos matières premières localement. Et naturellement, nous avons des ressources naturelles renouvelables et des matières premières non renouvelables. Aujourd’hui, grâce à Olam, on développe notre vaste potentiel agricole. Avec la zone économique spéciale de Nkok qui, dans la sous-région et probablement aussi en Afrique subsaharienne, est assurément la plus performante au regard des incitations dont bénéficient les investisseurs dans cet espace qui représente plus de 2 milliards de dollars d’investissements. On est parti de la première à la deuxième transformation du bois. Actuellement, on est à la troisième transformation de ce produit. Donc c’est une vision complète et globale qui vise à exporter des produits compétitifs made in Gabon. Et au-delà du Gabon, notamment dans la sous-région Cemac à laquelle le Gabon est membre. Cela nous expose à des défis importants qui nous ouvrent les portes du marché communautaire grâce aux produits issus de ces usines. Ce qui contribue à faire de l’économie gabonaise, une économie multisectorielle et diversifiée.
S’agissant de la diversification de l’économie, est-ce l’agriculture qui doit aider à sortir du tout-pétrole ?
Aujourd’hui, on a environ 54 grands projets agricoles annoncés par de grandes firmes agroindustrielles en Afrique. Et le Gabon rassemble environ 50% de surfaces cultivées sur le continent ces 10 dernières années. Comme vous le voyez, nous sommes passés à une transformation majeure de la vision présidentielle ainsi qu’à celle des ressources naturelles et du potentiel économique du pays. Le Gabon développe des projets agroindustriels et des projets de cultures vivrières et des produits de consommation courante tels que le manioc, le plantain et bien d’autres. Le Gabon dispose donc d’une vision de développement de son agriculture qui constitue la base de la stratégie de diversification de son économie.
Le deuxième niveau de la diversification de notre économie, c’est la transformation des ressources minières. Et dans ce sillage il y a le port, la zone économique spéciale de Nkok qui est située à 27 kilomètres du port ainsi que la voie ferrée qui assure le transport des produits issus des usines de Nkok vers le port. Ceci pour dire que nous sommes face à la matérialisation de l’ensemble de la vision de développement du pays à travers ce port qui vient d’être inauguré. Entre 2020 et 2025, nous espérons assister à une augmentation de la croissance des ressources hors pétrole et une baisse de l’influence du pétrole dans l’économie.
Parlez-nous un peu plus de la vision Gabon 2025
La vision 2025 est un programme dont l’objectif principal vise à faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025. Elle consiste à créer les conditions d’une croissance inclusive à travers la diversification des sources de croissance par la création d’emplois dans divers secteurs et à la lutte contre la pauvreté. Mais vous savez, on ne peut pas parler de lutte contre la pauvreté si on a une économie qui ne crée pas d’emplois.
Le Gabon doit jouer un rôle important dans la politique d’intégration sous-régionale. Quelle est la stratégie du pays pour accélérer ce processus?
Sans être politicien ou technicien de la chose, je voudrais vous dire que le Gabon vient d’annoncer la libre circulation des personnes et des biens pour les citoyens de la Cemac. C’est une décision qui a été prise par les chefs d’Etat en 2015 qui est donc désormais matérialisée. Le Gabon est donc désormais un modèle de libre-échange dans la zone. C’est pourquoi nous devons relever la compétitivité de notre économie parce que le Gabon est un pays de 1,8 million d’habitants comparé au Cameroun qui compte plus de 20 millions d’habitants ou encore le Nigéria. Nous voulons développer des avantages compétitifs par rapport à ces pays parce que nous avons des secteurs clés comme l’agriculture où l’on dispose de plus de 2 millions de terres arables, avec une pluviométrie abondante et une ouverture sur la mer. Dans la vision de développement du Gabon, nous voulons développer le tourisme, l’agriculture, les TIC et les infrastructures dans ce domaine parce que le Gabon est le pays de la sous-région qui a la pénétration dans les télécommunications la plus forte ; et avec ces indicateurs, le pays compte jouer un rôle important dans la transformation économique des pays du Golfe de Guinée.
Quels sont les efforts que mène le gouvernement s’agissant de la jeunesse qui constitue 70% de la population ?
C’est un secteur dans lequel l’Etat a réalisé d’importants investissements. Vous constaterez que dans l’ancien système, on s’occupait de la formation des élites. Il fallait que les enfants obtiennent des licences, des doctorats dans divers domaines et cela était célébré. Ce qui fait que nous avons un nombre important de diplômés de l’enseignement supérieur. Et c’est probablement l’une des causes de ce qui s’est passé en Afrique du Nord avec le Printemps arabe, parce qu’on avait trop de jeunes qui avaient fait des études supérieures mais qui étaient sans emplois. Aujourd’hui, la vision est l’industrialisation du pays ; parce que sans l’industrialisation on ne peut pas avoir la capacité de créer des emplois. C’est une question d’opportunités. Il est question d’emmener le secteur privé et le système éducatif à mettre sur pied des currricula de formation qui permettent aux jeunes d’accéder à une formation professionnalisante. Cela permet d’avoir des jeunes à des postes de responsabilité et de maintenir la compétitivité du pays. Et dans la zone économique spéciale, le Gabon est en train de mettre sur pied l’un des plus grands centres de formation professionnelle du continent grâce à la banque mondiale, Eximbank China et au groupe chinois Avic. Il va former 10 mille jeunes aux métiers industriels qui se pratiquent au sein de la zone. Ce qui montre le lien que nous faisons entre le secteur privé et la formation professionnelle dans le système éducatif. Nous pensons qu’à travers l’agriculture, le tourisme, la transformation minière avec le manganèse, nous allons faire beaucoup de choses. Parce que souvenez-vous, il n’y a pas longtemps, on exportait encore le manganèse à l’état brut ; mais aujourd’hui, dans le Haut-Ogooué, on transforme le manganèse et cela a permis de créer 2000 emplois. Avec notre vision, nous créons des emplois et nous laissons le secteur privé assurer la formation de sa force de travail. Au-delà, nous encourageons aussi l’entreprenariat parce qu’il faut déboucher sur l’autonomisation de la jeunesse en créant une discrimination positive : par exemple dans les marchés publics en activant et en mettant un accent sur la préférence nationale. Ce qui va aider les PME locales à générer des revenus et d’autres parts, inciter les jeunes à créer eux-mêmes leurs entreprises.
Et je pense que c’est là que réside la clé du nouveau port qui propose des coûts attractifs aux opérateurs économiques. Parce que pour les investisseurs qui attendent un retour sur investissement, ce port propose des coûts logistiques bas. Et en s’assurant que le pays est compétitif dans tous ses compartiments et secteurs, cela va booster la création d’emplois.
SeM avec la presse internationale
Le gouvernement gabonais et les syndicats de personnels des régies financières viennent de signer un protocole d’accord pour sortir de la crise qui avait cours au sein des administrations financières du pays. Yolande Nyonda (photo), Secrétaire générale du ministère du Budget et des Comptes publics, revient sur les mobiles à l’origine de cette crise, ainsi que sur la signature de ce protocole d’accord, considéré comme une grande victoire pour le gouvernement.
Le Nouveau Gabon : Mme la secrétaire générale, le gouvernement vient de désamorcer la crise qui avait cours dans les régies financières. Pourquoi qualifiez-vous cet événement de grande victoire pour le gouvernement ?
Yolande Nyonda : Le dénouement de cette longue crise que vient de traverser notre pays est à saluer. Depuis quatre mois, les régies financières du Gabon étaient quasiment en grève. Cela a causé une énorme perte pour le pays. Mais, après les négociations, les régies financières ont accepté de reprendre du service avec, à la clé, la signature d’un important protocole d’accord avec le gouvernement. Vous comprenez donc qu’il y a lieu, ici, de se réjouir de cette heureuse sortie de crise.
Quels étaient les principaux motifs de revendication des syndicats ?
Le point essentiel de la grève concernait des arriérés de paiement de primes, et rien d’autre. En effet, après la suppression des primes par le président de la République, et de la PIP qui était payée à l’ensemble des fonctionnaires, on a octroyé aux régies financières, une prime spécifique à la performance liée à la particularité de leur activité. Et, contrairement à ce que certains pourraient penser, ce principe est universel, il n’est pas spécifique au Gabon.
Alors, que s’est-il passé ?
Oui, il convient, en premier lieu, de relever qu’aujourd’hui, cette fameuse prime est assise sur des ressources dites exceptionnelles des administrations financières. C'est-à-dire : les pénalités, les amendes, les contentieux douaniers, fiscaux etc. Jusqu’en 2014 et 2015, le mécanisme fonctionnait correctement et les administrations financières faisaient correctement leur travail, traquaient les mauvais payeurs et, en retour, percevaient leurs primes normalement.
Mais, à partir de mi 2016, et surtout après la crise postélectorale, le travail a pris un coup. Notamment, avec une forte baisse d’activités liée à de multiples facteurs. Résultats des courses, les ressources qui finançaient ces primes se sont amoindries. L’Etat, face à ces insuffisances, s’est retrouvé dans l’obligation de reporter les paiements qui se sont malheureusement accumulés. Et c’est suite à cette situation que les régies ont donc lancé leur mouvement de grève.
Quelles ont été les dispositions prises par le gouvernement pour sortir de cette impasse ?
Depuis le mois d’août 2017, le gouvernement a entamé des discussions avec les syndicalistes. Nous avons, par exemple, dans ce cadre décidé du changement des paradigmes avec la mise en œuvre d’un nouveau mécanisme. Il a ainsi été décidé que, contrairement au passé, le paiement des primes allait désormais reposer sur les ressources produites par les régies financières. Ce qui, loin d’être une sanction, devait plutôt constituer une incitation à la performance.
Finalement…
Après d’intenses et âpres négociations de près de 14 heures avec les syndicats, nous avons pu trouver un modus vivendi, le 28 septembre 2017.
Alors, que prévoient concrètement les termes de cet accord ?
En dehors de la levée du mot d’ordre de grève, nous avons également conclu une trêve sociale de trois ans. Dans le cadre de cette trêve, pendant ladite période, nous allons mettre en place un cadre bipartite, où toutes les problématiques liées à leurs activités seront traitées, par un groupe paritaire chargé de les examiner.
Y a-t-il eu d’autres acquis ?
Le protocole d’accord prévoit également que les régies financières auront désormais droit à trois mois de prime plancher, calculés sur la base des périodes creuses, pour démarrer l’année. En plus, ils auront aussi désormais droit au 13e mois. Ce sont tout simplement des mesures mises en œuvre pour améliorer leurs revenus et, par conséquent, leur quotidien afin de les inciter à la performance.
Il est aussi prévu un ajustement des primes au niveau de la performance. Bref, le protocole stipule que la prime sera désormais payée à ceux qui sont effectivement au travail.
Cela ne s’apparente-t-il pas à la logique de la carotte et du bâton ?
Si vous le voulez, mais pour le gouvernement, cela constitue une manière de mieux contrôler et apprécier le travail de ces administrations financières.
Ce sont là, les engagements des syndicats. Qu’en est-il du gouvernement ?
Les grandes lignes du protocole prévoient, qu’en contrepartie, le gouvernement s’engage à liquider les arriérés réclamés. Donc, d’ici la fin de l’année, toute la question sera évacuée.
A combien s’élèvent ces arriérés ?
En gros, la dette liée aux arriérés a été stabilisée, au 30 juin 2017, avec tous les syndicats à 12 milliards de FCFA. Nous avons commencé par un paiement de 8 milliards. Ensuite, nous passerons au paiement des 4 milliards restants dans les prochains jours.
Pourtant, les syndicats réclamaient également le paiement des primes du mois de juillet 2017.
Oui, il faut retenir que nous sommes entrés dans le nouveau mécanisme depuis le mois de juillet. Mais, pour le gouvernement, il était primordial d’évacuer le protocole d’Arambo qui représentait ces 12 milliards de FCFA. Mais, compte tenu de certains facteurs, le mois de juillet sera également pris en compte à hauteur de 4 milliards. Mais dans l’ensemble, l’Etat s’est engagé à solder ces arriérés de primes, d’ici la fin de l’année.
Avec la conjoncture économique actuelle, d’où vont provenir les ressources qui financeront ces primes ?
Elles proviendront des ressources exceptionnelles. Elles ne sont pas incluses dans la loi des finances.
A combien est évalué le préjudice causé financièrement par cette crise à l’Etat ?
La grève des régies financières a été très préjudiciable pour l’économie du pays. Elle faisait perdre à l’Etat gabonais près d’un milliard de francs CFA chaque jour, pendant près de quatre mois. Allez-y donc calculer. Vous comprenez qu’il fallait à tout prix reprendre le travail.
C’est le sens principal à donner à cette trêve sociale?
Oui, en premier lieu. Car, les régies financières sont les mamelles de l’activité économique du pays. Ensuite, la trêve sociale va permettre une certaine accalmie pour mettre en œuvre le Plan de relance de l’économie. Ce sont autant d’éléments qu’il fallait prendre en compte par le gouvernement pour signer cette trêve sociale, afin que les administrations financières participent réellement à la mise en œuvre de ce plan.
Tous les syndicats des régies financières ont-ils participé à cet accord ?
Nous avons signé avec 14 des 15 syndicats qui représentent près de 90% du personnel des régies financières. Il y avait notamment : les syndicats des impôts, les trois syndicats de la douane, le syndicat de l’Agence judiciaire de l’Etat, le syndicat du Trésor, le syndicat de la Direction générale du budget et des finances publiques, le syndicat de la Direction générale des hydrocarbures et plusieurs autres.
La Fédération des syndicats des régies financières et des administrations assimilées (FESYREFAA) de M. Mvou Ossialas dit n’être pas concernée par cet accord et entend poursuivre le mouvement
Laissez-moi-vous dire que M. Mvou Ossialas était dans l’intersyndicale. Sauf que les autres n’ont plus accepté sa façon de faire qui frisait beaucoup plus le populisme et l’activisme politique. Ils l’ont donc relevé de ses fonctions. Et c’est après cette sanction qu’il a créé son propre syndicat. Au lieu de mener des discussions avec l’administration dans un cadre approprié, il a décidé de faire la politique de la chaise vide. Tout en choisissant plutôt la rue et les réseaux sociaux comme son champ de prédilection.
En outre, il a surfé sur cette situation de non-paiement des primes pour nourrir son activisme politique. Maintenant que nous allons payer les arriérés, les personnes qui le suivaient seront bien obligées de faire le bon choix en reprenant le chemin du travail. Autrement dit, son mouvement est voué à la mort. Néanmoins, les portes lui restent ouvertes, s’il entre dans la trêve sociale.
Comment allez-vous vous assurer de la reprise effective du travail ?
Dès cette semaine, tous les secrétaires généraux vont faire le tour des administrations concernées afin de s’assurer de la reprise effective du travail. Mais, déjà lors de la signature du protocole d’accord, les syndicalistes se sont engagés à reprendre le travail.
Propos recueillis par Stéphane Billé
Le plan de relance de l’économie du Gabon vient de connaître un lifting avec des mesures qui permettront de réaliser des économies et de dynamiser certains secteurs. Pour Christian Magnagna (photo), le ministère des Mines, la stratégie passe par la diversification des partenaires, l’identification des gisements et des minerais à développer et exploiter.
Le Gabon vit une crise économique sévère depuis bientôt deux ans. Le ministère des Mines a-t-il une stratégie propre qui permet de relancer l’économie ?
D’abord il faut souligner que les objectifs visés par ce séminaire gouvernemental sont de rappeler l’intérêt pour tous les membres du gouvernement et les administrations, de s’approprier le Plan de relance économique (Pre), qui est l’instrument que le gouvernement a mis en place, à la demande du chef de l’Etat, pour nous permettre de sortir de la crise. Le Gabon souffre comme la plupart des pays d’Afrique, des méfaits de la crise internationale. Elle se traduit chez nous par la baisse des cours du pétrole donc une récession économique, plutôt qu’une contraction de la trésorerie.
Il y a aussi, de moins en moins d’argent pour nous permettre de poursuivre les efforts de développement tels que lancés depuis 2015. Il faut rappeler qu’entre 2013 et 2017, nous avons perdu du simple fait de la crise internationale, plus de 1 000 milliards de FCfa. Sur le budget de l’Etat, on avait à l’époque 2 700 milliards de recettes budgétaires pour nous permettre de financer l’action publique. Aujourd’hui on n’en a plus que 1 700 milliards. Il y a nécessité de s’adapter à cette conjoncture qui n’est pas facile, qui n’est pas favorable. Mais l’action publique doit se poursuivre. Et c’est l’objet du Pre qui a identifié les secteurs majeurs qui doivent permettre de booster de nouveau l’économie.
Avec cette érosion des ressources budgétaires, de quelle manière peut-on efficacement redynamiser l’économie?
On redynamise l’économie avec des niches économiques que nous n’avons pas toujours exploitées. C’est le cas de l’agriculture qui se déploie, des services, du tourisme notamment, que nous devons évidemment impulser afin qu’il attire de plus en plus de personnes et participe à la croissance économique. C’est le cas des mines. À ce sujet, il faut rappeler que jusque-là nous avons reçus très peu d’investissements pour la valorisation de notre potentiel minier. Pour coller aux impératifs de la relance économique et surtout de la croissance inclusive au niveau de notre pays, la stratégie est simple. Dans un premier temps, nous devons mieux connaître notre potentiel minier. Nous avons le manganèse ; l’or est aujourd’hui, un potentiel identifié et pour lequel nous avons managé une exploitation industrielle. Mais nous avons également l’orpaillage qui a commencé dans les zones de l’Ogooué-Ivindo dans le Nord, de l’Ogooué-Lolo. Il existe surtout d’autres gisements que nous gagnerons à connaître.
La connaissance du potentiel peut-elle à elle seule suffire pour créer de la richesse et de la valeur ajoutée dans ce secteur ?
Nous devons accentuer la connaissance de notre cadastre minier. C’est-à-dire où est-ce que nous avons des indices miniers intéressants à valoriser et quelles sont les autres matières que nous gagnons à valoriser. Nous avons un gisement emblématique qui s’appelle Belinga. Un gisement de fer de classe mondiale sur lequel nous sommes en train de travailler afin d’attirer des investisseurs directs étrangers pour nous aider à valoriser ce gisement qui va apporter une grande contribution dans le PIB. Nous avons également aux abords de Lambaréné, le gisement de Maboumine qui est un gisement polymétallique contenant des terres rares, du niobium et un peu d’uranium mais pour lequel nous sommes en train de chercher des partenaires pour le valoriser permettant ainsi à cette partie du Gabon de profiter de l’industrie minière et contribuer à apporter à l’Etat les ressources dont il a besoin pour son développement.
De quoi avez-vous besoin pour accomplir cette tâche?
Nous avons besoin que la mine nous apporte de l’emploi. Et c’est pour cela que nous avons mis en place au niveau de l’Ecole des mines et métallurgie de Moanda un cadre de formation au développement du Gabon mais surtout à l’emploi des jeunes. C’est pour cela que nous invitons la plupart des jeunes à se former parce que le secteur minier a de plus en plus besoin de jeunes qualifiés.
La contribution du secteur minier à l’économie reste marginale. Quelles sont vos ambitions pour augmenter cette contribution ?
On a eu très peu d’investissements dans le secteur minier. La mine pèse à ce jour, un peu moins de 4% du PIB. L’objectif pour nous c’est qu’à terme, c’est-à-dire dans deux ans, on puisse doubler cette contribution ; c’est-à-dire avoisiner 6 à 8% du PIB. Mais le gouvernement ne sera satisfait que si la stratégie mise en place pour le développement du secteur minier amène ce secteur à occuper une place beaucoup plus importante voire une contribution de deux chiffres, d’un peu plus de 10% du PIB. Et c’est ce sur quoi nous travaillons, avec une expertise internationale pour nous aider à mieux connaître notre potentiel minier afin d’en finaliser le cadastre.
C’est également faire venir les investisseurs directs étrangers, qui ont la force du capital, pour aider à investir. Ce qui aura l’avantage de faire rentrer des devises, de participer à la consolidation de nos équilibres macroéconomiques et la monnaie du Gabon. Et surtout, de générer de l’emploi pour les Gabonais, notamment les jeunes.
SeM avec Matin Equatorial
Interrogé sur la question de la sortie des pays africains, de la zone franc qui anime actuellement les débats dans les chaumières en Afrique, Lionel Zinsou (photo), économiste franco-béninois, PDG du fonds d'investissement européen PAI Partners et ancien Premier ministre du Bénin, présent à Libreville, sur invitation du gouvernement gabonais dans le cadre d’un séminaire gouvernemental, du 14 au 15 septembre dernier, donne son point de vue.
Le Nouveau Gabon : M. Lionel Zinsou, quelle est votre position sur la polémique qui a actuellement cours autour du FCFA en Afrique ?
Lionel Zinsou : Pour cette question de la sortie des pays africains de la zone franc CFA, je voudrais vous rappeler qu’il faut d’abord s’en tenir aux contours financiers, monétaires et économiques au lieu de se figer sur les considérations et controverses politiques.
C'est-à-dire…
Autrement dit, la question primordiale qu’il faut toujours se poser autour d’une monnaie, est celle de savoir, si elle fait bien son travail. Car, pour une monnaie, il faut qu’elle assure bien les paiements. Il faut par exemple qu’elle n’ait pas un marché noir. Or, en Afrique, il existe plusieurs monnaies qui ont des marchés noirs et de nombreux taux de change. De telle sorte que le plus souvent, on a du mal à maitriser sa valeur contre les principales devises. Heureusement, le franc CFA, comme d’autres monnaies, à l’instar de celles du Maghreb est une monnaie saine. Il n’a pas de marché noir et encore moins, de multiples taux de change.
La deuxième question qu’il faut se poser, c’est celle de savoir si elle conserve sa valeur. Est-ce qu’elle permet aux épargnants d’avoir une visibilité sur leurs transactions. C’est d‘ailleurs l’autre très grande fonction de la monnaie. Dans ce cadre, le FCFA dispose d’une très grande stabilité. Dévalué une fois en 70 ans, il a une très grande capacité de garder la valeur de l’épargne.
La troisième considération, c’est son intégration régionale. Le franc CFA est une monnaie qui permet à plusieurs pays d’échanger entre eux de façon très simple. C’est un facteur d’intégration très important des deux zones économiques que sont : la Cémac et de l’Uemoa. Non seulement, elle facilite les échanges, elle favorise également les mouvements financiers entre ces deux zones, ainsi que le fonctionnement des marchés financiers.
Donc, si la question est de savoir si le FCFA fait son travail, nous pensons à ce niveau qu’il le fait effectivement.
Au-delà de ces différents aspects, y a-t-il d’autres critères qu’une monnaie doit également remplir ?
Oui, il y a d’autres questions telles que la parité fixe. C’est un aspect que la plupart des pays recherchent avec leurs principaux partenaires. Si vous prenez par exemple les pays du Golfe, personne ne peut le nier, ce sont des pays riches et souverains, et maitres de leurs décisions en matière économique et financière. Leur monnaie a une parité fixe avec le dollar. Ce qui est un avantage considérable pour leurs économies. Car, une parité fixe est une visibilité de long terme vis-à-vis des pays avec lesquels on fait beaucoup d’échanges.
Or, dans cette logique, l’euro zone, première puissance mondiale d’exportation, est le premier partenaire de l’Afrique en matière d’importations, d’exportations, des investissements étrangers et pour l’Aide publique au développement. Ces quatre éléments sont hautement importants pour les pays de la zone franc. En outre, avec l’euro zone, l’on a une large visibilité sur les échanges.
Si vous prenez la zone rand, elle est en parité fixe avec le rand sud-africain. Pourquoi, parce que l’Afrique du sud est le premier partenaire des pays de l’Afrique australe. On a de nombreux exemples à travers le monde en matière de monnaie.
D’aucuns soutiennent que le franc CFA est un goulot d’étranglement des économies africaines
C’est une question qu’il faut bien appréhender. Car, il suffit de regarder la zone franc par rapport aux autres pays et à d’autres monnaies. Il se trouve que la zone de l’Uemoa est la région d’Afrique, où la croissance est plus forte depuis maintenant trois ans. Donc, il n’est pas établi que les pays de la zone franc soient en retard de développement par rapport à leurs voisins, lorsqu’on prend en considération tous ces aspects techniques.
Qu’en est-il des réserves de changes contenues dans les comptes d’opérations du trésor français?
A ce niveau on peut se dire qu’il y a évidemment de la place pour des réformes. Car, il n’est pas important que les réserves de changes soient partiellement contenues dans les comptes d’opérations du trésor français. Mais ce détail pour moi est secondaire. La zone franc est pleinement souveraine. Puisque l’on peut fixer la politique monétaire, les taux d’intérêts qui sont des éléments majeurs de la souveraineté monétaire.
En revanche, si on pense qu’il y a un trésor caché, avec les deux mois de réserves de changes dont dispose la Cémac, contre quatre pour la zone de l’Uemoa dans les comptes d’opérations du trésor français, il faut néanmoins relever que si ces réserves qui ne sont déjà pas très importantes pour couvrir le financement de nos importations, sont dépensées pour autre chose, alors on risque d’avoir des problèmes de liquidités.
La preuve, beaucoup de pays du continent ont du mal aujourd’hui à importer, parce qu’ils n’ont plus assez de réserves de changes. En conclusion, il ne faut pas penser qu’il y a un trésor caché qu’il faut à tout prix récupérer.
Par contre, ce que j’observe, c’est qu’il y a très peu de gouvernements, même si on en compte quelques-uns, et très peu de chefs d’entreprises pour qui, cette question devient lancinante.
D’autres disent du franc CFA, qu’il est une devise étrangère, qu’en dites-vous ?
Oui certains vont jusqu’à attaquer le franc CFA au niveau de sa dénomination. Personne ne peut douter de l’indépendance du Rwanda avec le franc rwandais, de l’indépendance de la Suisse avec le franc suisse, en réalité moi, je crains que le changement de nom d’une monnaie n’ait vraiment pas d’importance. Mais, si c’est politiquement et symboliquement important, il y a de la place pour des réformes pour ce sujet.
Selon vous, à quel niveau se situe donc le problème ?
Le débat sur la sortie de la zone franc ne mérite pas de polémique. Et rien de tout ce qui se dit jusque-là autour du franc CFA ne mérite d’envenimer le débat. Pour moi, c’est un sujet qui doit plutôt être calme et traité par les spécialistes des questions économiques et financières.
Propos recueillis par Stéphane Billé
Après l’opération de levée de 200 millions de dollars, le 7 août dernier, sur le marché international des capitaux, le ministre de l’Economie, Régis Immongault apporte des éclairages sur ce nouvel emprunt obligataire.
Le Nouveau Gabon : Monsieur le ministre de l’Economie, le Gabon vient réussir une émission d’obligations internationales de près de 200 millions de dollars. Quel est le sentiment qui vous anime au moment où certains commençaient déjà à émettre des doutes sur les capacités de mobilisation financières du pays ?
Régis Immongault : Le Gabon vient effectivement de procéder avec succès le 07 aout 2017, à une opération d’emprunt obligataire international pour un montant de 200 millions de dollars. La finalisation de cette émission traduit la confiance des experts économiques et financiers internationaux dans la capacité de l’économie gabonaise à surmonter à moyen terme les difficultés conjoncturelles auxquelles elle fait face dans un contexte international marqué par plusieurs incertitudes. Ce sentiment est d’autant plus renforcé que l’emprunt obligataire s’est opéré à une période de l’année, l’été, qui n’est pas traditionnellement propice.
Je suis donc heureux que l'opération se soit bien déroulée, surtout qu’il n’y a pas longtemps, avec la forte dégradation de la notation souveraine de la dette gabonaise par l'agence Moody's, l’obligation gabonaise sur le marché secondaire se vendait en dessous du pair. En définitive, le signal que le Gouvernement perçoit est celui de persévérer dans la mise en œuvre des réformes économiques et financières avec l’appui des partenaires au développement, afin augmenter la résilience de notre économie. Il s’agit aussi, s’il en était besoin, de donner raison au président de la République qui, très tôt, a instruit le gouvernement pour la mise en place d’un plan de relance économique et d’accélérer les réformes structurelles indispensables pour notre économie. Il convient de souligner que les messages rassurants du FMI nous ont aussi aidés.
Comment s’est déroulée cette opération et en outre par qui était composé le roadshow ?
L’opération a commencé avec une campagne d’échange avec les principaux investisseurs pour leur présenter les développements économiques et financiers récents, ainsi que les axes stratégiques de la politique économique et sociale mise en œuvre dans notre pays. Cette stratégie a permis d’améliorer la perception du marché ainsi que les rendements de l’obligation gabonaise. S’en est suivi une procédure rigoureuse d’analyse du Gabon par des cabinets juridiques et des spécialistes des questions économiques et financières sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale, judiciaire.
Les réponses pertinentes à toutes les interrogations ont permis de convaincre les marchés. Ce qui s’est traduit par une souscription de l’ordre de trois fois le montant recherché. Plus précisément pour un montant recherché de 200 millions de dollars, les investisseurs nous ont proposé 600 millions de dollars.
Du point de vue technique, l’opération a consisté à la réouverture du titre gabonais échéance 2025 pour un montant de 200 millions de dollars. Les nouveaux titres sont fongibles dans la souche existante et porteront donc également un coupon de 6,95%. Mais le succès de la présente émission tient de ce que contrairement à l’émission initiale de 2015 (-émission au pair-), elle s’est faite à un rendement inférieur, soit 6,85%.
Contrairement à l’accoutumé, cette opération s'est déroulée sans roadshow. En tenant compte de la taille de l’émission, j’ai eu plutôt réalisé des Conférences téléphoniques avec les principaux investisseurs financiers.
Il y’avait une possibilité d’obtenir davantage puisque les souscriptions se sont élevées à 600 millions de dollars. Pourquoi le Gabon s’est-il retenu d’en prendre plus que le montant initial ?
L’emprunt obligataire de 200 millions rentre dans le cadre de la stratégie de soutenabilité de la dette arrêtée avec le Fonds monétaire international, relativement à la mise en œuvre du PRE. Dans ce sens, le besoin de financement identifié était de cet ordre, en relation avec l’encours de l’emprunt obligataire 2007 échéance 2017. C’est pourquoi, l’autorisation parlementaire était de ce montant et nous devions nous y tenir.
Avec ce énième emprunt, le Gabon reste-t-il toujours dans ces prévisions d’endettement pour l’année 2017 et partant, pour les critères de convergences requis en zone CEMAC ?
Cet emprunt rentre dans la stratégie d’endettement du Gabon et a été pris en compte dans le cadrage arrêté avec le FMI. Je rappelle que ledit mémorandum est disponible sur le site internet du FMI et du ministère de l’Economie. Cette nouvelle émission prévue dans la LFR 2017 n'a aucun impact haussier sur l'endettement. Les Fonds levés servent à payer le solde de l'emprunt obligataire de 2007, emprunt qui avait permis de réaliser l'opération de buy back auprès des créanciers du Club de Paris en 2008.
Ce nouvel emprunt obligataire devrait permettre d’envisager sereinement le bouclage des opérations financières pour l’année 2017 et pour lesquelles des échéances importantes sont prévues.
Plus particulièrement, dans le cadre du programme avec le FMI, compte tenu des contraintes qu’impose l’environnement international sur les finances publiques, nous avions arrêté le principe d’un refinancement de l’emprunt échéance 2017. Il convient de rappeler que le taux d’intérêt de l’émission obligataire effectuée en 2007 (pour 10 ans) était de 8,20% et la présente est à 6,85% : Il s’agit donc d’une opération de gestion active des engagements (liability management).
Lesdites ressources seront donc exclusivement dédiées à cet engagement. Elles ne sont pas destinées au financement des charges de fonctionnement de l’Etat. Cette opération n’a aucun effet haussier sur la dette publique.
Merci Monsieur le ministre
Par Stéphane Billé
Le président de la confédération patronale du Gabon rame à contre-courant des idées alarmistes sur l’efficacité de la stratégie du gouvernement de redonner un nouveau souffle à l’économie nationale.
Seulement, s’il se montre optimiste quant à son exécution, il faut que celle-ci se fasse au profit des entreprises, perfusées au lance-pierre par des décaissements au compte-gouttes. Les caisses de l’Etat étant en souffrance et fonctionnant en flux tendus, nombre d’entreprises n’ont pas pu résister à la crise de liquidités et ont fermé leurs portes, non sans licencier massivement. Pour remédier à cette situation, Alain Bâ Oumar préconise de baisser la pression fiscale, améliorer le climat des affaires et surtout de régler la dette intérieure bien que la crise se fasse plus sévère.
Le gouvernement s’est engagé dans la mise en œuvre d’un plan de relance de l’économie sur une période de trois ans. Que vous inspire ce plan ?
Ce plan est réaliste d’autant plus qu’il a été validé par des institutions sérieuses comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la BAD et l’AFD qui toutes, appuient cette initiative du gouvernement qui vise à relancer notre économie. Nous n’avons donc pas des préoccupations quant à la qualité de ce plan. La clé sera la mise en œuvre de tout ce qui est prévu dans ce plan. Nous n’avons aucune raison de douter de la volonté exprimée par le gouvernement d’appliquer ce qui est prévu dans ce plan. Il va falloir, comme les bailleurs de fonds qui l’appuient, que le patronat soit vigilant pour s’assurer que les promesses faites soient tenues. Mais nous n’avons pas de raisons de croire qu’elles ne le seront pas parce que c’est dans l’intérêt du gouvernement et le nôtre à tous, de relancer cette économie.
L’on observe depuis un certain temps des fermetures d’entreprises dans tous les secteurs, qu’est-ce que cela vous inspire ?
La fermeture des entreprises peut avoir deux causes : soit elles n’arrivent plus avoir des clients, soit elles ont des clients mais elles n’arrivent plus à répondre à la demande de leurs clients parce qu’elles sont asphyxiées financièrement. L’Etat est le plus gros consommateur des biens et services au Gabon, c’est le plus gros client des entreprises en général. Donc, quand il a les difficultés financières que l’on connaît, à cause de la crise pétrolière qui sévit depuis un certain nombre d’années, l’Etat commande moins, et les entreprises ont également moins de commandes ; elles sont obligées soit de licencier, soit, si elles n’arrivent plus à couvrir leurs charges parce qu’elles n’ont plus des clients, elles ferment. Ce phénomène n’est qu’une illustration des difficultés que connaît l’Etat aujourd’hui. Qui, soit ne paie pas aux entreprises ce qui leur est dû, et donc ne leur permet pas de fonctionner normalement, soit ne commande plus aux entreprises qui dépendent le plus de lui. Dans tous les cas, cela nous inspires la nécessité pour l’Etat de rétablir un équilibre au niveau de ses finances, et recommencer à jouer le rôle moteur de l’économie qui est le sien. En attendant, plusieurs entreprises continuent de réclamer à l’Etat beaucoup d’argent.
Les assurances du gouvernement sont-elles de nature à entretenir la confiance ?
Les réponses du gouvernement nous rassurent, non pas à cause de ce qui est promis, parce que ce qui est promis l’est depuis un certain nombre d’années. Nous pensons que depuis toutes ces années, il y a eu la volonté de faire, mais peut-être pas les moyens. A cause de la situation économique qui s’est aggravée, ces moyens sont devenus de plus en plus limités pour répondre à l’exigence des entreprises d’être payées pour le travail qu’elles ont réalisé, c’est-à-dire l’apurement de cette dette intérieure. Mais aujourd’hui, nous sommes plus confiants que par le passé parce que le gouvernement va avoir les moyens de sa politique puisque les bailleurs de fonds, dont le FMI qui a déjà commencé, la Banque mondiale, BAD et l’AFD se proposent d’apporter au gouvernement les moyens d’apurer cette dette intérieure, entre autres, et de faire un certain nombre d’autres choses qui vont permettre de remettre notre économie sur les rails. Donc aujourd’hui, le gouvernement a une fenêtre de tir qui lui permet de résoudre ce problème. Mais entretemps beaucoup de PME sont aujourd’hui asphyxiées par des dettes et se retrouvent pour certaines au bord de la faillite… C’est une question qui s’adresse au gouvernement.
Le problème est le même pour tout le monde. La dette, les problèmes financiers des PME créent des déséquilibres dans les entreprises, occasionnent des licenciements, des arrêts d’activités… Mais c’est valable aussi pour les grandes entreprises. Les PME, comme les entreprises un peu plus grandes, ont toutes besoin de rentrer dans leurs fonds et de recommencer à créer de la richesse. Les PME vivent ces problèmes avec plus d’acuité parce qu’elles sont plus fragiles, disposent de moins de réserves, dépendent elles-mêmes des grandes entreprises pour ce qui est de la sous-traitance. Donc non seulement l’Etat peut leur devoir de l’argent, mais elles peuvent également avoir des clients potentiels qui sont les grandes entreprises qui n’ont pas les moyens de leur passer des commandes. Le problème est double : de manière générale, l’Etat a la clé de la solution et a un grand intérêt à régler ce problème.
Nous croyons ainsi à la volonté politique de le faire car si ce n’est pas fait, l’on ne voit pas comment l’économie peut être relancée si les entreprises qui créent de la richesse n’ont pas les moyens d’en créer et de contribuer à la relance de cette économie. Ce serait comme se tirer dans les pattes. Nous ne pensons pas que l’Etat veuille se tirer dans les pattes, au contraire, nous croyons à la volonté de régler ce problème.
Vous vous insurgez contre la pression fiscale que semble exercer le gouvernement sur les entreprises?
La pression fiscale est de plusieurs ordres : il y a des impôts qui sont prévus, dus, justifiés, légaux ; et il y a également la parafiscalité. Lorsque des administrations, des agences ou des institutions publiques, du fait des difficultés de l’Etat, ont du mal à être financées, il y a une solution de facilité pour elles : c’est de créer la parafiscalité. Ce qui est aussi de la pression fiscale. Le patronat est composé des entreprises qui se veulent citoyennes, qui ne peuvent pas être contre la fiscalité ; ça fait partie des règles du jeu. Nous sommes contents de pouvoir transporter nos biens et services à travers des routes qui sont construites grâce à cette fiscalité ; nous sommes contents de pouvoir nous soigner dans des hôpitaux qui construits par l’argent public, d’avoir de l’électricité et toutes ces conditions qui permettent à nos entreprises d’évoluer.
C’est donc quoi le problème ?
Il faut bien que l’impôt soit payé pour financer ces choses-là. Mais, nous sommes moins contents quand on doit payer de plus en plus de choses dont on ne perçoit pas l’efficacité au niveau de leur emploi ; car il y a des choses qu’on paie sans avoir en contrepartie des services qui correspondent à ce qu’on paie. C’est cette mauvaise fiscalité que nous souhaitons combattre.
SeM avec Matin Equatorial
Lors de la dernière conférence des ministres africains de l’Environnement, tenue à Libreville, le président du Groupe africain des négociateurs sur le climat, s’est exprimé à travers plusieurs médias de la presse gabonaise sur la volte-face américaine quant à l’application des résolutions de l’Accord de Paris sur le climat, du financement du Fonds vert, de l’impact des changements climatiques sur les économies africaines, des efforts que doivent réaliser les Africains afin de mobiliser davantage de fonds auprès des guichets spécialisés, ainsi que des spécificités de la finance climat.
Il y a environ deux ans, lors de la Cop 21, à Paris, les pays développés avaient décidé d’apporter leur contribution financière aux pays non pollueurs. Mais depuis, pas grand-chose ne filtre de ce côté?
A Paris, nous avons, en tant que Groupe de négociateurs africains, recensé tous les engagements qui ont été pris par les différents organismes bilatéraux et multilatéraux, les fonds climat et autres. Le Fonds vert pour le climat qui est aujourd’hui le mécanisme international dédié pour financer la lutte contre les changements climatiques, a été capitalisé en 2014, un an avant Paris, à hauteur de 10 milliards de dollars. Ce fonds est d’ailleurs actif. L’Afrique y a sept administrateurs et il commence à décaisser. On a un portefeuille africain d’à peu près 4,3 milliards $ de projets. Ça, c’est un mécanisme. Les pays développés ont pris un engagement en 2009 pour mobiliser les fameux 100 milliards $ par an, à partir de 2020. Nous avons toujours demandé d’avoir une feuille de route. De savoir où nous en sommes dans la mobilisation de ces ressources-là. Combien vont à l’adaptation, à la réduction des émissions. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, NDLR) a fait un rapport, il y a deux ans, pour nous indiquer que les pays développés étaient à peu près à 63 milliards de dollars par an. Donc ils doivent monter encore d’à peu près une trentaine de milliards de dollars pour 2020. Tous les ans, ils font un rapport sur cette mobilisation. Ce qui passe par le fonds vert, c’est spécifique. C’est les 10 milliards $. Les Etats-Unis avaient pris un engagement de 3 milliards $. Donc 30% de ces 10 milliards. Barack Obama avant de partir, avait déjà décaissé 1 milliard $. Il restait 2 milliards $ qui ne vont pas être décaissés puisque Trump a été clair sur le fait qu’il ne va pas les donner.
Avec le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris, les Africains y voient déjà un échec de ce soutien. Quel en sera l’impact ?
Ça ne posera pas de problème dans l’immédiat parce que le Fonds lui-même ne décaisse pas encore 2 milliards de dollars par an. Puisqu’il a déjà décaissé à peu près 1milliard et quelques, il reste encore 6 milliards $. Donc on a encore trois années durant lesquelles on peut fonctionner si on reste à 2 milliards $ par an. Ce qui risque de se passer probablement, c’est que le Fonds doit être reconstitué. C’est-à-dire que quand on consomme 70% des ressources du fonds, on doit commencer un processus de reconstitution. Et le processus de reconstitution du Fonds vert va démarrer beaucoup plus vite que prévu parce qu’il n’y aura pas les 2 milliards $ des Etats-Unis. Donc, on n’arrivera pas à un moment ou à un stade où le fonds va arrêter de fonctionner. On va tout simplement le reconstituer beaucoup plus tôt que prévu.
En quoi la finance climat est-elle spécifique ?
La difficulté fondamentale avec la finance climat aujourd’hui, c’est une question d’accès. C’est-à-dire que les fonds existent, mais les pays africains, le secteur privé africain, les gouvernements, les collectivités territoriales ou locales ont des problèmes pour y avoir accès.
Lesquels ?
Généralement c’est un problème de capacité. C’est vrai que ce n’est jamais facile de mobiliser de l’argent à l’international parce que chaque fonds, chaque mécanisme a des standards, des modalités, des lignes directives, des procédures assez spécifiques. Il faut des capacités.
Quelles peuvent être ces capacités ?
Nous, nous pensons qu’il y a trois capacités fondamentales qu’il va falloir renforcer pour augmenter la chance des pays africains ou le potentiel de mobilisation de l’Afrique. La première, c’est la capacité d’intégrer le climat dans la planification du développement. Tout le monde fait de la planification. Ce qui est nouveau, c’est d’intégrer, c’est-à-dire comprendre quel est l’impact du changement climatique dans tous les secteurs, sur tous les territoires. Parce qu’il faut des outils, il faut des instruments, il faut des méthodologies pour pouvoir faire ça. Comprendre exactement quel est l’impact du changement climatique sur l’érosion côtière, sur la salinisation des sols, sur l’agriculture, sur l’énergie, sur le transport. Ça, il faut des études assez fines. Parce que, avant d’avoir accès au financement climat, la première condition c’est de pouvoir expliquer ou quantifier l’impact du changement climatique sur le secteur que vous voulez adresser. Deuxièmement, c’est un métier que de savoir formuler des projets et des programmes bancables. Ça s’apprend. Il y a des gens dont le seul travail c’est d’écrire des projets et des programmes bancables. Ça, en Afrique, on n'en a pas beaucoup. On n’a pas énormément de collègues au sein des administrations publiques ou même privées, qui ont la capacité de faire ce travail. La dernière capacité, c’est de pouvoir suivre et évaluer les progrès. Donc d’avoir des cadres, des méthodologies encore et des procédures de suivi-évaluation de l’impact de ce que nous faisons.
Quel pourrait être l’impact des changements climatiques sur les économies africaines ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que la grande majorité des pays africains a des économies qui reposent sur la gestion des ressources naturelles. Et les changements climatiques induisent une raréfaction de ces ressources. Pour une grande majorité de l’agriculture africaine qui est une agriculture basée sur la pluie, quand il y a une déstabilisation du régime pluviométrique, ça rend la production agricole victime de ces changements-là. A cela s’ajoutent les inondations et les périodes de sécheresse qui provoquent une grande incertitude sur les économies, une grande précarité pour les populations également. Nous sommes à Libreville, donc sur la côte Atlantique, l’un des impacts les plus importants va être l’érosion côtière. Dans le Sahel et le Sahara, le plus grand impact va être l’avancée du désert. Il y a aujourd’hui un lien très fort entre dérèglement du climat et intensification du processus de désertification. Il y a aussi un lien très fort sur le système pluviométrique. Avec les changements climatiques, on a de plus en plus de mal à prévoir la saison des pluies. C’est-à-dire qu’il y a une interférence entre les deux systèmes tant en matière de fréquence de pluie, de quantité et de distribution par rapport à la saison. Tout ça induit énormément d’incertitudes et de risques par rapport à des économies qui sont basées sur la gestion des ressources naturelles et l’agriculture. Le dernier point, c’est la variabilité entre des événements climatiques extrêmes. Donc une alternance entre les inondations et les périodes de sécheresse qui s’intensifie.
Que faites-vous en tant que Groupe de négociateurs africains ?
Nous essayons, en tant que groupe de négociateurs africains, de mettre en place des programmes pour renforcer les capacités parce que les deux choses se tiennent. D’un côté, il y a des fonds, mais ces fonds-là répondent à des critères, à des procédures très spécifiques et, plus vous voulez des fonds, plus aussi on vous demande de respecter un certain nombre de critères, de procédures, de standards. Donc pas de prêts à taux zéro. Il y a des ingénieurs de gestion de projets pour pouvoir faire tout le cycle. Parce qu’il faut que vous fassiez un document pour mobiliser. Avec ce document il faut que vous expliquiez le lien entre le climat et ce que vous voulez faire. Ensuite, il faut mettre en place des mécanismes, des indicateurs de suivi-évaluation qui vont vous permettre de faire le suivi de la mise en œuvre de ce que vous faites. C’est un métier et nous sommes en train de travailler sur tous ces aspects.
SeM avec Matin Equatorial
Pour concilier son développement économique futur et préserver son couvert forestier qui est estimé à 23 millions d’hectares (ha), soit environ 88% de son territoire, le Gabon s’est fortement engagé dans la lutte contre la déforestation et partant, le dérèglement climatique.
Ainsi, dans le sillage de l’Accord de Paris (COP 21) en 2015, le Gabon a réaffirmé ses positions, en s’engageant à réduire l’exploitation de ses forêts à 11 millions d’ha en 2025, contre 16 aujourd’hui, à la Conférence de Marrakech (COP 22) en 2016.
Au niveau régional, le Gabon s’est engagé, en début d’année, en faveur de la création d’un Fonds bleu pour le bassin du Congo, signé à Brazzaville le 9 mars 2017 et dont l’objectif est d’accompagner le développement de projets dans des secteurs clés pour le renforcement de l’économie de la région en offrant une alternative viable à la déforestation.
D’importantes mesures de préservation de l’espace naturel
L’engagement du Gabon à préserver l’environnement s’est en effet, manifesté très tôt avec la création, dès 1960 d’un Fonds forestier, et en 1972, d’un ministère de la protection de l’environnement.
En matière d’exploitation forestière, le code forestier de 2001, faisait déjà obligation aux exploitants de mettre en place, des plans d’aménagement des forêts de production et pousse les forestiers à étendre leurs rotations de 15 ans à 25 ans, avec des taux de dégâts inférieurs, au lieu de 10 ans.
Dans cette dynamique de préservation de son espace naturel, au début des années 2000, le pays a créé 13 parcs nationaux sanctuarisant ainsi trois millions d’hectares de forêt, soit 11% du territoire. Au sortir de la Conférence de Copenhague en 2010, un Plan national climat (PNC), volet climat du Plan stratégique Gabon émergent a également vu le jour.
Entré en vigueur en novembre 2013, il décline les stratégies de développement à court et moyen termes des secteurs d’activités ayant un fort impact sur les changements climatiques et les stratégies sectorielles de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre (GES). Il indique aussi la stratégie d’adaptation du territoire aux effets des changements climatiques, dont l’élévation du niveau des mers.
Appui de la communauté internationale
En 2014, trois lois ont par ailleurs entériné l’« agenda vert gabonais ». La première, porte sur l’orientation du développement durable. Elle prévoit la création d’un Fonds de développement durable pour financer la réalisation de programmes et projets conformes aux principes du développement durable ; la deuxième concerne la protection de l’environnement, tandis qu’un décret portant création d’une Direction centrale de l’environnement dans chaque ministère a été signé.
Plus récemment, le chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba, a annoncé début juin, à la faveur Conférence des Nations Unies sur l'océan, au siège des Nations Unies, la création d’un réseau de 20 aires marines protégées au Gabon, soit 9 parcs marins et 11 réserves aquatiques, couvrant 26% de l’espace marin gabonais.
Pour la réalisation du Plan national climat, l’Agence française de développement (AFD) a mis à la disposition de l’Etat gabonais, une subvention de 0,5 million d’euro. Et depuis 2013, une assistance technique est mise à la disposition du pays, par les Etats-Unis, auprès du Conseil national climat (CNC), pour l’élaboration de la méthodologie et la réalisation du Plan national d’affectation des terres (PNAT).
Stéphane Billé
Masse salariale, départs volontaires à la retraite, programme de réinsertion des retraités, main-d’œuvre non permanente, gestion du fichier solde et avancement des fonctionnaires et agents publics, le ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative, père du nouveau système de rémunération, fait le bilan des réformes et des chantiers engagés dans son département ministériel.
Depuis que vous êtes arrivé à la tête de ce département, vous avez initié un certain nombre de réformes qui ont porté sur des aspects liés au bien-être des fonctionnaires, à la masse salariale et autres. Quel bilan peut-on en faire aujourd’hui?
Après avoir identifié de nombreux problèmes au sein de l’administration publique, notamment en ce qui concerne les rémunérations ou la gestion des agents, nous avons constaté qu’avant les agents étaient rémunérés sur la base du matricule. Conséquence : découragement des meilleurs agents, manque de perspective pour d’autres, pire encore une démotivation totale et une administration qui ne produit plus. Or, aujourd’hui, nous avons identifié clairement où était le problème.
Où se situait-il ?
Nous sommes allés dans les fondements de la gestion de l’agent public. C’est pour cette raison que nous avons mis en place des gestions de proximité. Nous avons changé les directions centrales du personnel (DCP) en direction centrale des ressources humaines (DCRH), nous avons supprimé les DCP et nous avons mis la gestion des ressources humaines parce qu’avant, on parlait de situation des personnels, or il se trouve que l’Etat n’a pas de personnels, mais il dispose de ressources humaines. C’est cela qui constitue la première ressource de l’Etat. Donc, nous devons être gérés comme une vraie ressource de la même manière qu’on gère les carrières ou la famille. Toutes ces choses n’ont pas été prises et vues de cette façon et c’est cela le but des réformes les plus fortes que nous avons menées jusqu’ici et qui concernent la gestion de l’agent public.
En quoi consiste-t-elle ?
Nous sommes passés d’une gestion de la personne à une gestion participative. Ça veut dire qu’il n’est plus question que les gens se déplacent du ministère du Budget pour venir à la Fonction publique connaître leur situation ; ils l’ont déjà in situ. Un exemple : si vous voulez connaître votre situation administrative, votre chef de service appelle le DCRH. A la fin de chaque fin du mois, pour nous, il n’est plus question que les gens aillent à la solde chercher un bulletin de salaire ; les DCRH reçoivent les fichiers de tous les agents de leur ministère, ils impriment les bulletins sur place, et les distribuent. C’est déjà une réalité aujourd’hui.
En matière de gestion de l’agent, qu’est-ce qui a changé ?
Nous sommes allés beaucoup plus loin. Nous avons fait quelque chose qui est inédit dans l’administration. Nous avons fait en sorte que tous les problèmes de recrutement et de gestion soient connus par les ministères et non plus par la Fonction publique. Ça veut dire que si un agent doit aller en stage, il ne saisit plus le ministre de la Fonction publique mais le directeur des ressources humaines et lui explique les raisons qui le poussent à vouloir aller en stage. Vous lui dites, par exemple, que dans mon emploi de journaliste, pour que je progresse, je dois aller apprendre à faire des piges, et je souhaite le faire en 6 mois, 8 mois ou un an. Et là encore, pour les formations de 6 mois, on accordait deux ans aux gens. Conséquence, l’Etat payait les deux années inutilement. Et lorsque les gens revenaient de formation, ils n’étaient pas dans un emploi supérieur, ils revenaient faire le même emploi.
Pourquoi ?
Parce que nous n’avions pas mis en place un cadre organique, nous n’avons pas mis en place des fiches de poste. Désormais, il y a des cadres organiques que nous avons mis en place.
A quoi renvoient ces cadres organiques ?
Ce ne sont pas des organigrammes ; le cadre organique c’est un module qui permet de connaître la taille réelle de l’administration en fonction des missions qui sont assignées par le gouvernement. Cela veut dire que pour moi par exemple, le cadre organique de mon cabinet renvoie à ma mission de formation, d’écriture de texte, etc. Et je regarde et j’évalue ce qu’il me faut en matière de ressources humaines pour réaliser cette mission et les qualifications. Parce qu'avant, lorsqu’on avait besoin d’un journaliste par exemple, on faisait venir quelqu’un du quartier et on le présentait comme tel ; quand ça ne marche pas, on ne voit pas qu’il y a une mauvaise ressource. On dira «pourtant il y a plusieurs personnes là-bas !» Oui mais des personnes qui ne savent pas faire le boulot.
La masse salariale de l’Etat reste décriée en ce sens que, comme le souligne la Banque mondiale, elle est devenue insoutenable?
La réforme nous a permis de réduire la masse salariale qu’on le veuille ou non. Nous avons annoncé 532 milliards en 2014, je vous invite à aller regarder la loi des finances de 2015 et de 2016, vous allez être surpris qu’elle ait diminué parce que tout le monde a chanté que la masse salariale était insoutenable. Insoutenable pour deux raisons : premièrement, on ne savait pas qui on payait, deuxièmement on ne savait pas pourquoi on payait. Parce que si vous avez des effectifs et que vous savez exactement pourquoi vous payez, vous ne pouvez pas dire que la masse salariale est insoutenable. Et si vous savez quel est l’effectif dont vous avez besoin par les cadres organiques, vous pouvez dire attention ! je paie 10 personnes alors qu’en réalité il m’en faut 20, il faut que je fasse des prolongations pour voir comment je peux arriver à ces 20 personnes-là. Mais si vous avez 40 personnes et que vous vous dites : « mais au fait, pourquoi je paie ces 40 personnes ? » c’est que vous êtes un parfait idiot. C’était donc ça notre situation. Et la situation la plus grave c’est qu’on a créé dans l’administration gabonaise des corps qui n’existaient pas.
Vous faites allusion à quels corps ?
La main-d’œuvre non permanente par exemple. Ce n’est pas une main-d’œuvre de l’Etat et nous l’avons créée au point de coûter plus de 35 milliards de Fcfa par an. Cette main-d’œuvre est ce qu’on appelait des auxiliaires d’appui à l’administration. Puisque la permanence se déroule au niveau de pôles de la Fonction publique. Ce sont les fonctionnaires, les militaires, les magistrats. Or, dans l’administration, on a une tranche de la population qui vient nous aider et qui devient permanente et qui coûte encore plus cher que le fonctionnaire. Ça aussi il fallait que l’on sache qui est dedans. Et on s’est rendu compte que cette main-d’œuvre n’était pas celle qui avait été annoncée. Conséquence, on est allé prendre les gens dans les villages et on en a rempli l’administration. Et aujourd’hui nous n’avons pas le choix : il faut nettoyer.
Si nous voulons une administration performante, il faut que nous spécialisions nos emplois et que nous le fassions correctement. C’est pourquoi nous avons mis en place des DCRH, les cadres organiques, avec les fiches de poste, la mise à jour des carrières et l’automatisation de tous les actes. Jusqu’alors, les actes se faisaient à la main ; mais aujourd’hui, tout est informatisé de telle sorte que s’il y a 10 personnes qui doivent avancer, on rentre les matricules dans la machine, le logiciel lit la dernière situation administrative, et l’agent a son avancement.
Nous avons créé la première carte biométrique professionnelle. Elle dispose de toutes les informations concernant l’agent. Il suffit de l’introduire dans un lecteur à codes-barres, et on a toutes les informations qui concernent le fonctionnaire. Nous l’avons mise en place ici à la Fonction publique. C’est une carte biométrique qui existe déjà et que nous avons vulgarisée. Aujourd’hui, on a de faux agents de la douane, de la sécurité, etc. qui ont été démantelés parce que nous n’avons pas sécurisé nos emplois, nos identités. Donc la carte biométrique est l’une des solutions, car elle est infalsifiable. Elle sera vulgarisée sur l’ensemble de l’administration gabonaise.
Où en êtes-vous avec la réforme sur les départs volontaires à la retraite?
Une des réformes les plus importantes que nous sommes en train de réglementer et que vous aurez dans les jours qui suivent concerne les départs volontaires à la retraite. Jusqu’à présent, il n’y avait qu’une seule porte. Les agents rentraient à la fonction publique et l’on ne pouvait pas démissionner parce que si vous démissionniez, alors vous perdriez tous vos droits. Aujourd’hui, la loi est faite de telle sorte que nous puissions non seulement démissionner, mais faire de notre carrière ce qu’on veut. Donc nous avons un programme de départs volontaires à la retraite qui a été mis en place depuis 2012 au Budget, mais dont nous n’avons pas partagé les fondements.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Quand vous faites des départs volontaires à la retraite, on ne crée pas des chômeurs parce que tel que les choses étaient faites, nous avons créé un chômage. Or, beaucoup de personnes peuvent se dire que c’est alléchant de partir parce que je reçois mes sous. Mais après, quand cet argent est épuisé, que devient la personne si elle ne s’insère pas quelque part ? C’est pourquoi nous avons mis en place ce nouveau programme de départs volontaires et de réinsertion, de telle sorte que si quelqu’un quitte la fonction publique, il a la possibilité de se réinsérer. Il s’insère dans le programme Graine par exemple, parce que nous avons constaté que beaucoup de Gabonais sont des ingénieurs agricoles. Et s’ils quittent la fonction publique, il serait bon qu’on leur ouvre la porte question de les insérer dans le programme Graine et qu’ils deviennent aussi des entrepreneurs qui puissent apporter quelque chose à Olam, dans la mesure où Olam et Sotrader nous accompagnent pour le planting et la récolte des produits.
Donc il vaut mieux que ces personnes qui partent soient sous le couvert d’un major qui va les aider à s’installer, à s’organiser avant qu’ils ne produisent. Or si on les laisse à eux-mêmes, sans accompagnement, une fois qu’ils auront consommé tout ce qu’ils ont eu comme argent, ils deviendront des chômeurs, et en devenant des chômeurs, nous créons un autre problème. C’est pourquoi nous avons mis ce nouveau programme des départs volontaires en place pour accompagner ces personnes qui veulent partir.
SeM
Un message posté sur les réseaux sociaux par des responsables de l’opposition camerounaise, a ravivé les débats autour d’une dévaluation du FCFA de la CEMAC. De manière synthétique, l’information fait savoir qu’un rapport du trésor public français transmis au président Emmanuel Macron, recommande une unification des comptes des opérations des zones CEMAC et UEMOA, afin d’éviter une dévaluation de la monnaie utilisée en Afrique Centrale, à une parité qui serait désormais fixée 1300 FCFA pour un Euro. Le sujet s’est invité lundi 19 juin au parlement camerounais, où le ministre Alamine Ousmane Mey en charge des finances est revenu sur la question pour expliquer que ces affirmations n’étaient pas fondées. Mais les assurances du ministre ne semblent pas convaincre tout le monde, surtout au regard des tensions que connait le trésor public camerounais et les difficultés subséquentes à régulariser tous ses engagements mensuels. La grande question est donc de savoir si la CEMAC est proche d’une dévaluation de sa monnaie.
Une situation financière effectivement critique
La situation est effectivement assez critique et les inquiétudes sont ravivées en raison d’un manque de communication officielle sur ces différentes questions. La réunion d’urgence de décembre 2016, très peu habituelle en zone CEMAC, avait clairement signalé la nécessité d’agir rapidement, pour inverser la courbe d’une situation présentée comme critique. Dès son premier Comité de Politique Monétaire de 2017, la Banque Centrale de la sous-région (BEAC) a fait savoir que le taux de couverture de la monnaie n’avait été en 2016 que de 54,6% et que ce taux ne dépasserait pas les 65% en 2017. Dans le même temps, elle a sonné la fin des politiques monétaires accommodantes en relevant son principal taux directeur de 50 points de base (0,5%), dans le but de réduire les sorties de liquidités sur le marché monétaire. Quelques semaines après, elle a publié ses comptes de l’exercice 2016, desquels il ressortait une autre série d’informations alarmantes.
La première est la baisse drastique des réserves de changes à 2632 milliards de FCFA (4,4 milliards $) à la fin de l’année 2016, contre 10,1 milliards $ à la fin de l’exercice 2015. Une baisse en deçà des prévisions de plusieurs analystes dont ceux du FMI, qui, en septembre 2016, tablaient sur des réserves de changes équivalentes à 7,1 milliards $. Par ailleurs, on apprend que la sous-région a eu du mal à respecter l’engagement à avoir 50% de ses réserves de change dans le compte des opérations du trésor public de France, instrument de garantie de la convertibilité extérieure du FCFA Afrique centrale, tout comme celui de l’Afrique de l’Ouest et des Comores. La BEAC a dû céder pour 1000 milliards de FCFA de titres d’investissements, pour maintenir les équilibres.
Mais le scénario d’une dévaluation paraît exagéré
A ces différents éléments de conjonctures globales, on peut aussi relever un fort endettement de certains pays de la région. C’est le cas notamment du Gabon, dont la dette publique déclarée en 2016, a atteint l’équivalent de 62% du PIB. Les estimations pour le Tchad sont à 51,2% de dette par rapport au PIB et la république du Congo bat le record à près de 83%. Dans ce cas, le recours au marché des capitaux pour ces pays devient difficile. Le Gabon en a eu un aperçu sur le marché de la BEAC, avec un faible taux de souscription, pour un taux d’intérêt élevé sur une de ces récentes opérations.
Toutes ces situations, aussi alarmantes soient-elle, ne justifient cependant pas l’hypothèse d’une dévaluation imminente du FCFA de la zone CEMAC. Selon les accords monétaires qui lient cette sous-région à l’Euro, via la France, la dévaluation intervient de manière certaine, si le taux de couverture de la monnaie par les réserves de change franchit à la baisse la barre des 20%. Tel n’est pas encore le cas aujourd’hui. Même si la BEAC est loin de ses objectifs minimum de réserves permettant de couvrir 3 mois d’importation et 100% de la dette extérieure, on est loin de l’année 2001, lorsque les réserves de changes étaient de seulement 1,1 milliard $.
Par ailleurs, même si les réformes se mettent en place difficilement, les importations de biens et services par les pays de la sous-région ont reculé en 2016. Ce recul est de 10,5% pour le Tchad. Au Gabon, la baisse est de 16%, au Cameroun de 17,5% et en République du Congo de 20%. La Guinée Equatoriale a fait exception, avec des importations estimées en hausse de 38,5% à la fin 2016. Sur les quatre prochaines années jusqu’en 2020, cette baisse devrait se confirmer pour la République du Congo (-20%) et se tasser au Gabon (-7%). Elle affichera un rythme encore plus modérée au Cameroun (-3%) car ce pays connaîtra une année 2018 mouvementée, avec plusieurs élections prévues et l’organisation d’une coupe d’Afrique des Nations l’année d’après.
Au Gabon et au Congo, des situations analogues ont contribué à creuser la consommation de devises. Il est aussi à noter les mesures prises par la BEAC pour limiter l’accès de certains pays aux liquidités, pour raison de faible contrepartie en devises. Enfin, l’option de la dette existe. Même si le Cameroun doit abriter un événement sportif dans deux ans, tout en poursuivant son plan de développement, il peut encore s’appuyer sur un faible niveau d’endettement (30% du PIB) au 31 mai 2017, avec des montants disponibles en devises et non encore décaissés, équivalent à 3701 milliards de FCFA. Enfin trois importants pays de la zone auront des programmes triennaux avec le FMI, et logiquement une dévaluation ne peut intervenir avant le terme de ces initiatives.
Rester tout de même vigilant
Un gros risque demeure toutefois, c’est celui de l’incertitude sur les prix du pétrole. La ressource constitue 27% du PIB régional et 90% des revenus de la sous-région. Récemment, les prix ont de nouveau touché un plancher. Les mesures prises par l’OPEP pour réduire la production et faire remonter les prix, n’ont pas porté des fruits espérés. Le cartel a permis au Nigéria et à la Libye, deux de ses membres, de continuer de produire, pour faire face aux vents contraires qui ont frappé leurs économies. Conséquence, les stocks affichent un excédent de production de 292 millions de barils, au-dessus de la moyenne des cinq dernières années. Dans le même temps, il est estimé que les pays non membres de l’OPEP continueront d’augmenter leurs productions, largement au-dessus de la demande. Dans ce contexte, les analystes estiment que les prix qui ont déjà chuté de 20,18% depuis le début de l’année, resteront pour un certain temps, dans la fourchette des 35$ et 30$. Pour la Zone CEMAC, il est plus que jamais temps de faire de bons arbitrages, et des choix économiques efficients. Les conclusions avec le Gabon l’ont démontré : l’appui du FMI risque d’être relativement faible, avec des contraintes importantes.
Idriss Linge