C’est ce 26 juin 2015 que le gouvernement gabonais représenté par le Premier ministre Daniel Ona Ondo présentera officiellement le nouveau système de rémunération des 80 000 agents publics. Pour le Gouvernement, quoiqu’il en soit, l’augmentation sera effective dès le 25 juillet. Les syndicalistes, eux, en veulent un peu plus.

Tout commence à Mouila dans la Province de la Ngounié le 06 octobre 2011, lors du Conseil des ministres délocalisé. Lors de ce Conseil, Ali Bongo instruit le gouvernement de mettre en place un Nouveau système de rémunération (NSR) de l’agent public. Une équipe conduite par Jean-Marie Ogandaga, actuel ministre en charge de la Fonction publique, est mise sur pied à cet effet. 31 décembre 2014, récidive. Cette fois-ci, c’est au public gabonais que le président gabonais s’adresse. « Je demande au gouvernement, tout en prenant en compte nos contraintes budgétaires, de la situation de crise actuelle du pétrole, des équilibres macroéconomiques, de procéder à l’augmentation des salaires des agents publics, sans nuire à notre compétitivité », prescrit Ali Bongo dans son message de fin d’année aux populations gabonaises. Certes, il y a la joie, mais c’est aussi le début des polémiques entres syndicalistes et membres du gouvernement.

La décision présidentielle est prise après un audit du système de paiement des agents de l’Etat qui a recommandé au gouvernement d’élaborer et de présenter de nouvelles grilles sectorielles de prenant en compte la particularité de certains emplois et d’une grille rémunérant les agents des autres secteurs d’activités; de prendre en compte la mesure du décret N°12/PR/MTEPS du 23 avril 2010 fixant le revenu minimum mensuel en République gabonaise à 150 000 francs ou encore de mettre en place un système de rémunération basé sur les principes d’équité, d’attractivité et de compétitivité. Des recommandations faites après le constat de nombreuses anomalies dans le système de paiement comme l’utilisation inadaptée du SMIG dans la constitution du solde de base ou encore la double rémunération de certains agents.

Immédiatement donc après l’annonce du président, c’est la liesse auprès des fonctionnaires. Mais, de courte durée, ceux-ci attendant la concrétisation de cette promesse. Mais aussi et surtout, en prenant en compte leurs exigences. La dynamique unitaire réunissant des fonctionnaires et des syndicats du service public se forme pour exiger une meilleure répartition salariale. Notamment, l’augmentation du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 80 000 à 300 000 francs CFA et le relèvement de l’indice des salaires de 425 à 1500. A noter qu’au Gabon, c’est le décret n° 855/PR/MTE du 9 novembre 2006 qui fixe à 80 000 FCfa par mois le Smig. Il est calculé sur la base de 6 heures et 40 minutes par jour pour les activités soumises au régime général, et de huit heures de travail par jour pour les activités agricoles et assimilées. Les syndicalistes veulent donc une revalorisation de ce Smig à 300 000 francs Cfa.

410-in

Evolution du Smig au Gabon

25 juillet 2015

En effet, comme l’a recommandé l’audit, le gouvernement propose la revalorisation du Smig en République gabonaise à 150 000 F.Cfa et la mise en place de nouvelles grilles salariales par secteur. Le 21 juin dernier, Jean-Marie Ogandaga, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, présentant cette réforme aux ministres a indiqué que « la construction de ces grilles a pris en compte la mesure du Chef de l’Etat instaurant un revenu minimum mensuel à 150 000 F.Cfa. Cela signifie que, dès que la grille sera appliquée, le 25 juillet 2015, plus aucun agent de l’Etat Gabonais ne percevra moins de 150 000 FCfa». Plus encore, a-t-il déclaré, pour calmer les rumeurs : « Nous sommes présentement sur le lissage des écarts observés sur les grilles de bonification qui sont encore en mouvement jusqu’à ce que nous atteignions le point d’équilibre. C’est pourquoi, je tiens à faire savoir aux compatriotes qu’ils ne doivent pas se fier à des grilles actuellement en circulation et qui ne reposent sur rien, puisqu’à ce jour aucune grille n’est consolidée. Les équipes sont encore à pied d’œuvre, le travail est quasiment achevé et je rassure tout le monde, nous serons prêts, le 25 juillet prochain, à redonner le sourire aux agents de l’Etat comme le souhaitent le Président de la République et le Premier ministre, Chef du Gouvernement».

Parlant de ces grilles qui font polémique, Jean-Marie Ogandaga expliquait en avril dernier dans le magazine gouvernemental L’Action que l’Etat mettra un point d’honneur sur les critères de performance dans le nouveau système de rémunération. « Nous partons de ce fait de la grille unique des agents de l’État à des grilles sectorielles. Il y aura certes des grilles communes, mais à côté de celles-ci vous aurez des grilles par secteur et grands secteurs. Les grilles que nous concevons intègrent la notion de performance. A ce titre, nous avons mis en place un outil d’évaluation de la performance. Car la performance ne se décrète pas et ne se lit pas ex nihilo. La performance se mesure, c’est une évaluation et elle se vit. Mais, pour mettre en place les critères de performance, il faut disposer d’un outil et d’un cadre d’évaluation. Tous les critères doivent clairement être établis pour que l’évaluateur regarde en fonction de ce qui est prévu », précisait-il.

Explosion de la masse salariale

Les explications du gouvernement ne confortent cependant pas les syndicats qui ont récemment organisé des mouvements grèves (paralysant certains services, notamment les cours dans certains établissements scolaires) pour protester contre les propositions du gouvernement. « Les 18% d’augmentation des salaires bruts n’entrainent aucune hausse du pouvoir d’achat, mais plutôt une baisse (…) Ces 18% sont inférieurs au montant de la Prime d’incitation à la performance perçue par plusieurs catégories d’agents publics en 2014 », lance Louis-Patrick Mombo, l'un des représentants du collectif Dynamique unitaire, sur le site d’informations Gabon Review. Des déclarations qui interviennent pourtant au lendemain des assurances et explications du Premier ministre, Daniel Ona Ondo, face aux députés de la Nation en mai dernier. Pour le chef du gouvernement, accepter les revendications des syndicalistes serait insoutenable pour le pays, car cela entrainera un accroissement de la masse salariale de 253%. Soit à 2500 milliards de FCfa contre les 732 milliards de FCfa inscrits dans la loi de finances 2015. En somme, une augmentation de 242%. Ce qui devient compliqué pour l’Etat. « Les ressources fiscales du budget de l’Etat, estimées à un peu plus de 1800 milliards de F.Cfa, ne suffiraient pas pour couvrir une telle charge. L’Etat devrait alors s’endetter pour payer rien que les salaires des agents de la fonction publique, qui perçoivent déjà régulièrement un revenu, dans un contexte d’accroissement du chômage, notamment des jeunes », confesse le Premier ministre.

Arguments confirmés par le spécialiste en Sécurité financière Mays Mouissi qui explique également sur son blog qu’en l’état actuel de la situation des finances publiques au Gabon, le SMIG ne pourrait pas être augmenté à 300 000 FCfa comme le réclament les syndicalistes tout comme le niveau de 150 000 FCfa sera difficilement atteint par le gouvernement. « Quoi qu’en dise le gouvernement, le Gabon rencontre d’énormes tensions de trésorerie. En raison de la baisse de moitié des prix du pétrole, le Gabon va perdre sur la seule année 2015 plus 400 milliards de recettes budgétaires non-compensées », justifie-t-il. La faute, explique-t-il au gouvernement qui, à défaut de résultats économiques, a multiplié des promesses. « Sur la seule année 2015 et sous le poids des promesses gouvernementales, les charges salariales ont augmenté de 52 milliards en passant de 680 à 732 milliards FCFA. Dans le même temps, les recettes budgétaires baissaient de 400 milliards. Sur la base des projections gouvernementales, la mise en œuvre des revendications syndicales relatives à l’augmentation du SMIG ferait passer les charges salariales de 750 milliards inscrits dans la Loi des finances 2015 à 2500 milliards. Il apparait clairement que le Gabon n’aura ni suffisamment de rentrées budgétaires, ni suffisamment de réserves pour assurer des charges de fonctionnement de cette ampleur », conclût-il. 

Au vu des contraintes du gouvernement, tout porte à croire que l’Etat mettra en œuvre une des déclarations faite par le Premier ministre gabonais en février 2015 au terme d’une rencontre avec les syndicalistes : « Les propositions syndicales ne sont pas des décisions. C’est le gouvernement qui gouverne et le gouvernement continuera à gouverner ».

Beaugas-Orain Djoyum

Publié dans Gouvernance

Le Gabonais Lin Mombo, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), qui a récemment été désigné par l’UIT ambassadeur des bonnes pratiques de régulation dans le monde, présente les enjeux de la régulation des télécoms au Gabon, donne son avis sur les problématiques de l’heure comme la concurrence faite par Viber, Skype ou encore WhatsApp aux opérateurs mobiles et présente ses nouvelles missions d’ambassadeur de bonnes pratiques de régulation.

Le Nouveau Gabon : Le marché de la data fait partie des nouveaux services qui intéressent les opérateurs mobiles et occupent une place importante dans le monde tout comme au Gabon. Comment entendez-vous réguler au niveau du Gabon la concurrence que font les acteurs de l’économie numérique comme Skype, Facebook ou encore Viber aux opérateurs télécoms en grignotant leurs parts de marché avec les appels sur IP ?

Lin Mombo : Je vous remercie pour cette question pertinente qui fait l’objet des discussions au sein de l’UIT en ce moment. Je peux vous dire que récemment lors de la conférence des plénipotentiaires à Dubaï, cette question a été au centre des discussions entre les opérateurs et Viber, Google, Skype et les autres. Cette question a à nouveau été posée lors d’un panel au Gabon lors du Colloque mondial des régulateurs télécoms (GSR 2015) qui s’est tenu du 09 au 11 juin 2015 à Libreville. Vous avez des attitudes de certains pays qui font bloquer les appels voix sur IP de Skype et Viber. Au motif bien sûr que nous donnons les licences aux opérateurs pour transporter la voix. Ces licences sont payantes. Ils ne comprennent pas pourquoi ces opérateurs annexes passent les appels par la voix gratuitement. Quelle est l’attitude du Gabon en la matière ? Au regard des instructions du chef de l’Etat, je continue à faire en sorte que les discussions se poursuivent avec ces personnes-là pour voir la solution appropriée. Le président de la République Son Excellence Ali Bongo Ondimba n’est pas pour le blocage des appels Viber, Skype ou WhatsApp. Il appartient aux opérateurs de trouver un arrangement, un terrain d’entente avec Skype, Viber, WhatsApp et les autres. Ceci afin que tout le monde puisse bénéficier de l’acheminement et de la portabilité de la voix dans le monde entier.

LNG : A l’international, certains opérateurs mobiles demandent à ces géants de l’économie numérique qui se lancent dans les appels voix sur IP de leur verser des taxes de transmission parce que, disent-ils, Skype, Viber, WhatsApp et les autres utilisent plus ou moins leurs infrastructures. Comment les opérateurs mobiles peuvent-ils parvenir à faire en sorte que ces acteurs du numérique payent aux opérateurs cette taxe de transmission ?

LM : La question est extrêmement complexe. Et elle mérite beaucoup d’études approfondies avant de trouver une solution. Au stade d’aujourd’hui, je ne peux pas me permettre de tenter de trouver une orientation quelconque.

LNG : Lors du Colloque mondial des régulateurs de télécommunications (GSR 2015) qui s’est tenu du 09 au 11 juin 2015, l’ensemble des régulateurs du monde et l’UIT vous a désigné comme l’ambassadeur qui divulguera les bonnes pratiques de régulation dans le monde. Quelles sont les missions que confère ce titre ?

LM : Au cours de mon mandat qui va de l’année 2015 à l’année 2016, il s’agira, comme l’indiquent les lignes directrices qui sont le résultat des consultations lancées par le Bureau de développement des télécommunications de l’UIT, de mener des actions sur quatre thématiques. La première, stimuler la demande. Ce qui passe par une invitation des gouvernements à mettre en œuvre des initiatives visant à connecter des administrations et des institutions publiques telles que les établissements scolaires, les bibliothèques et les hôpitaux qui peuvent ouvrir d'importants débouchés commerciaux et stimuler l'offre aussi bien que la demande de services et d'applications sur mobile. La deuxième thématique consiste à œuvrer pour faciliter dans les Etats la mise à disposition et l'utilisation d'applications et de services sur mobile ainsi que l'accès à ces applications et services. La troisième sera de divulguer les bonnes pratiques pour la protection des utilisateurs et les fournisseurs et enfin la quatrième thématique est axée sur le rôle des parties prenantes du secteur des TIC. En effet, les régulateurs et les décideurs doivent collaborer avec les organismes publics, le secteur privé et les structures non gouvernementales, afin d'intégrer les TIC, ainsi que les services et applications sur mobile en particulier, dans leurs stratégies socio-économiques nationales.

LNG : Quand vous invitez les régulateurs à une réglementation plus souple, qu’est-ce que cela implique concrètement ?

LM : Cela signifie simplement qu’il faut comprendre qu’aujourd’hui les investisseurs vont dans les pays émergents pour développer les TIC. Il faudrait donc mettre en place une réglementation souple et adaptée qui protège ces investisseurs. Et comme vous le savez, les coûts des infrastructures des télécommunications sont très élevés. Vous comprenez donc que celui qui vient avec des millions de dollars investir dans votre pays souhaite que le retour sur investissement se fasse dans une sécurité politique et dans une sécurité économique liée à la règlementation. Pour ce qui est du Gabon, nous venons de bénéficier d’un fonds de la Banque mondiale pour revoir toute la réglementation en matière de TIC. Les études ont commencé et un cabinet a été choisi à cet effet après un appel d’offres.

LNG : Le directeur général d’Airtel Afrique a déclaré pendant le GSR que certains régulateurs ne sanctionnent pas toujours tous les opérateurs défaillants. Sanctionnant certains et d’autres pas. Ce qui est, d’après lui, un frein au développement du secteur. Est-ce le cas au Gabon en matière de sanction des opérateurs ?

LM : Non. Nous ne percevons pas les choses de cette manière. Dans le cadre du plan stratégique Gabon émergent cher au président de la République, Son Excellence, Ali Bongo Ondimba, et précisément dans le volet Pilier des services, il est clairement indiqué que le secteur des TIC et télécommunications devrait booster au maximum l’économie nationale en termes de croissance. L’Union nationale des télécommunications (UIT) a indiqué à tous les régulateurs une proportion en termes de ratio que 11% d’accroissement du chiffre d’affaires du secteur des télécommunications enrichit le PIB de près de 1,5 à 2%. Donc, c’est une richesse en termes de valeur ajoutée. Pour rester dans les critères de performance, il va donc de soi de faire en sorte que les opérateurs améliorent leur chiffre d’affaires. En ce qui concerne le régulateur du Gabon, lorsque nous sanctionnons les opérateurs, parce qu’ils n’ont pas rempli leur cahier de charges, il arrive, et il nous est arrivé que nous ne percevons pas le cash de ces sanctions. Nous signons une convention en disant cet argent devait servir à développer leurs infrastructures. Et nous suivons avec l’opérateur le développement de ces infrastructures dans les zones où le signal n’est pas continu. Je dirais que nous travaillons avec des arrangements.

LNG : Vous-êtes donc davantage pour une co-régulation avec les opérateurs…

LM : Absolument, c’est le terme approprié. Nous faisons de la co-régulation.

LNG : Comment entendez-vous mener vos missions d’ambassadeur des bonnes pratiques de régulation dans le monde ?

LM : Il faudrait rappeler que lorsqu’un forum aussi important que le GSR se tient, il est organisé conjointement avec le gouvernement du pays hôte. Le Gabon a conjointement organisé ce colloque avec l’UIT dans le cadre d’un protocole d’accord qui a été signé. La conséquence c’est que nous sommes appelés à appliquer et à faire appliquer les directives de l’UIT. Donc, je ne travaille pas forcément ex-nihilo. Il y a un cadre élaboré à travers les lignes directrices que j’ai énumérées. Donc, tout ce que je fais (et tout ce que je ferai) est orienté par l’UIT. Et l’une des lignes directrices importantes que les pays émergents appliquent aujourd’hui, c’est d’avoir une autorité de régulation indépendante, autonome et hors influence politique. Ce qui nous permet de travailler dans le cadre purement réglementaire sans intervention du politique.

LNG : Et c’est le cas au Gabon ?

LM : Absolument ! C’est le cas au Gabon. Et en plus de cette directive, il y a une loi. La loi numéro 20 qui précise que le président du conseil de l’Autorité de régulation ne dépend pas forcément d’un membre du gouvernement. C’est l’article 58 qui le stipule. Et ceci est rappelé dans le cadre de l’harmonisation des textes réglementaires de la Cémac.

LNG : La Présidence ou le ministère en charge des Télécoms ne vous donnent-ils pas de directives ?

LM : Je dirais plutôt que nous avons le pouvoir délégué en la matière. La Présidence et le ministère de l’Economie numérique regardent quand même ce que nous faisons. Dès lors que nous sommes dans la ligne droite des directives du gouvernement, je peux vous rassurer que chacun est dans son couloir et de manière étanche.

LNG : Le paiement mobile est un sujet qui intéresse également les régulateurs. Pour commencer, comment faire en sorte que les abonnés mobiles de l’Afrique francophone adoptent ce type de paiement ?

LM : C’est également un problème de mentalité et d’habitude. En Afrique francophone, nous ne sommes pas encore habitués au paiement électronique. Mais, je peux vous dire qu’il y a un développement accru dans la matière. Airtel Gabon et Gabon Telecom qui ont récemment obtenu leur licence 4G ont également mis en place le paiement mobile. Donc, cela commence à prendre effet à mon avis. (…) C’est une priorité pour les opérateurs mobiles, car comme vous le savez, le service voix commence à perdre en matière de volume. Les opérateurs aujourd’hui développent beaucoup de services et l’un des services phares aujourd’hui est le paiement mobile.

LNG : La faible adoption du paiement mobile résulte aussi peut-être du fait que les abonnés craignent que leur argent et leurs données personnelles ne se retrouvent dans les mains des tiers. Que fait le régulateur que vous êtes pour rassurer les abonnés gabonais ?

LM : Récemment encore dans notre campagne de communication lors de l’opération d’identification des abonnés mobiles, nous avons rappelé la loi matière de confidentialité des données. En République gabonaise, tout cela est décrit avec clarté. Lorsque nous avons rappelé cette loi, les consommateurs ont été rassurés.

Propos recueillis par Beaugas-Orain Djoyum, à Libreville.

Publié dans Télécom

Un taux de pénétration de la téléphonie mobile de 193,24%, une progression constante de l’appropriation de l’Internet par 76% de la population, première nation en zone Cémac  à proposer au large public la 4G, premier pays à initier un technopôle dans la sous-région, le Gabon implémente une politique avant-gardiste en matière des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Sur une population de 1,8 millions d’habitants, le Gabon compte au 31 décembre 2014 plus de 2,9 millions d’abonnements à la téléphonie mobile. Non, cela ne veut forcément pas dire que tous les habitants de ce pays, qui s’étend sur une superficie de 268 000 km2, détiennent chacun un abonnement à la téléphonie mobile. Certains abonnés possèdent effet deux cartes SIM. Parfois plus. L’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep) indique plus exactement que le parc mobile total déclaré par les quatre opérateurs du pays est de 2 932 731 abonnés. Soit un taux de pénétration du mobile de 193,24%. Il faut tout de même noter que ce taux de pénétration et les autres taux sont calculés par l’Arcep sur la base d’une population de 1 517 685, conformément à la une décision de la Cour Constitutionnelle prise le 17 février 2005 et relative à la requête du ministre de la Planification et de la Programmation du Développement au sujet des résultats provisoires du dernier recensement général de la population et de l’habitat.

Parmi les quatre opérateurs du pays, c’est Libertis, la branche mobile de Gabon Telecom (filiale de Maroc Telecom), qui vient en tête avec 40% des parts du marché. Soit avec 1 182 681 d’abonnés. Il est suivi de justesse par l’Indien Airtel avec 39% des parts du marché et 1 128 078 clients. Moov (qui fusionnera prochainement avec Gabon Telecom) et Azur viennent en dernière position avec respectivement 14% et 7% du marché (Voir tableau). Il faut relever que Gabon Télécom est une entreprise publique qui a été privatisée en février 2007. Elle disposait avant sa privatisation de Libertis, branche mobile de l’opérateur historique. L’entreprise est aujourd’hui détenue à 51% par Maroc Telecom (qui avait déboursé à l’époque 61 millions d'euros pour l’acquisition de ces parts au détriment d’Econet, de MTN, de Deutsche Telekom et de Comium qui étaient également en compétition) et à 49% par l’Etat gabonais.

Parts de marché de la téléphonie mobile au Gabon au 31 décembre 2014

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Concernant l’utilisation du mobile, les Gabonais ont envoyé 404 935 399 Sms en 2014 selon les chiffres déclarés et en ont reçu 233 664 937. Pour ce qui est du trafic voix sortant via le mobile, 276 151 647 minutes ont été enregistrées contre 186 594 916 pour les appels entrants. L’ensemble des quatre opérateurs a généré en 2014 un chiffre d’affaires global de 247,4 milliards de francs Cfa. Et c’est Airtel qui enregistre le chiffre d’affaires le plus important de l’année 2014 avec 124,2 milliards de francs Cfa. Il est suivi par Libertis avec 72,2 milliards de francs Cfa.

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Source : Arcep

La téléphonie fixe, les Gabonais l’adoptent de moins en moins préférant sans doute la mobilité. Au fil des mois, l’on note une régression du nombre d’abonnés à la téléphonie fixe. Au 31 décembre 2014, le parc total d’abonnés était de 18 498 pour un chiffre d’affaires global de 36,5 milliards de Francs Cfa. Pourtant, au trimestre précédent, ils étaient 18 702 et en début d’année 19 110 abonnés. Un an plus tôt, au 31 décembre 2013, l’opérateur historique Gabon Telecom disposait d’un parc fixe de 19 252 lignes. Il faut relever que  Gabon Télécom ne détient plus le monopole des services de base (téléphonie fixe national, télex et télégraphe), depuis le 31 décembre 2005, même s’il demeure encore le principal opérateur de téléphonie fixe du pays.

 

L’ère de la 3G et 4G

Les Gabonais ont la possibilité de se connecter aisément sur Internet via le mobile. En Afrique centrale, le Gabon fut d’ailleurs parmi les premiers pays à octroyer aux opérateurs de téléphonie mobile les licences 3G et 4G. Ce qui lui a valu une reconnaissance de l’Union internationale des télécommunications qui l’a classé en 2014 comme le pays de l’Afrique centrale le plus développé en matière de Technologies de l’information et de la communication (TIC). Au classement de l’indice des TIC (IDI) de l’UIT, sur le plan africain, le Gabon occupe la 10e place, l’île Maurice s’étant arrogé la palme d’or. Dans l’optique de la préparation de la Can 2012 conjointement organisée par le Gabon et la Guinée équatoriale, l’Etat gabonais a commencé à parler d’octroi de la 3G en 2011 afin de proposer aux Gabonais et participants à cette compétition un accès à Internet haut débit et des services innovants. Pour ce faire, l’Indien Airtel s’est positionné en tête de file. Selon le quotidien “L’union” qui avait relayé l’information à l’époque, un accord pour la fourniture de la technologie 3G avait été signé le 4 octobre 2011 par Lin Mombo, directeur de l’Agence de régulation des télécommunications (ARTEL), et Mamadou Kouladou, alors directeur Afrique d’Airtel. Mais, c’est trois ans plus tard, le 20 mars 2014, que l’Arcep attribuera officiellement à Airtel les licences 3G et 4G. Coût de l’acquisition de ces technologies pour une période d’exploitation de dix ans : 5,5 milliards de francs CFA.

Gabon Telecom ne se laissera pas faire pendant longtemps. Un mois plus tard, le 24 avril 2014, le régulateur attribuera officiellement les licences 3G et 4G à Gabon Telecom, conformément à l’accord du 07 mars 2014 signé par Maroc Telecom et le gouvernement gabonais. Le Roi Mohammed VI en personne visitait le Gabon ce jour-là et 23 autres accords et conventions de coopération étaient signés à la même occasion. Les coûts de ces licences ne seront pas dévoilés, mais l’opérateur marocain doit les exploiter pour une période de dix ans.

 

Si la licence 4G est officiellement attribuée à Gabon Telecom en avril 2014, pour des raisons de déploiement de son réseau, il faudra attendre le 10 octobre 2014 à Libreville pour expérimenter l’Internet mobile en mode 4G. Gabon Telecom devient ainsi le premier opérateur de l’Afrique centrale à proposer les services 4G. Il faut tout de même noter qu’en juillet 2014 au Tchad, l’opérateur de téléphonie mobile Tigo, filiale du groupe Millicom International Cellular, avait commencé la phase test de son réseau 4G devenant le premier dans la zone Cémac à tester cette technologie. Côté Cameroun, principal poumon économique de la zone, c’est tout récemment en mars 2015 que les licences 3G et 4G ont été attribuées et aucun opérateur pour le moment ne prévoit encore déployer le réseau 4G à court terme. Gabon Télécom propose donc la 4G, mais aussi l’accès Internet via son réseau filaire, via l’ADSL ou la fibre optique. L’Internet est également proposé aux Gabonais via le réseau CDMA de l’opérateur historique. L’entreprise revendique la disposition d’un accès au câble sous-marin SAT-3, lui permettant de fournir ses propres besoins de bande passante internationale et de commercialiser des services internationaux (internet, voix) auprès des autres opérateurs télécoms et des entreprises du pays.

 

76% de pénétration de l’Internet

De manière générale au Gabon, en 2014, l’Arcep évalue à 1 150 814 le nombre de personnes ayant un accès à l’Internet. Soit un taux de pénétration d’Internet dans le pays de 76%. Dans le détail, 1 106 552 Gabonais surfent sur le web via le mobile, la 3G principalement. 33 525 passent par les fournisseurs d’accès Internet et 10 737 Gabonais disposent d’une connexion internet fixe ADSL. Le marché gabonais de l’Internet est donc constitué de six fournisseurs d’accès Internet, d’un opérateur fixe et de quatre opérateurs mobiles. Ils proposent aux Gabonais un accès Internet via les technologies Wimax, VSAT, ASDL, CDMA, GPRS-EDGE ou encore via la 3G et la 4G. L’ensemble de ces opérateurs a généré un chiffre d’affaires global de 40 537 726 882 francs Cfa durant l’année 2014. Chiffre qui ne prend pas en compte les données de Solsi et de Digicom qui n’ont pas communiqué leurs chiffres à l’ARCEP. Parmi ces FAI, c’est Gabon Telecom Fixe qui vient en tête du classement avec 35% des parts de marché de l’Internet au Gabon. Il totalise un chiffre d’affaires annuel de 14,3 milliards de francs Cfa. Airtel le suit avec 30% des parts de marché et un chiffre d’affaires de 12 milliards de francs Cfa en 2014.

Parts de marché des fournisseurs d’accès Internet au Gabon (au 31 décembre 2014)

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Source : ARCEP

La progression de l’utilisation de l’Internet dans le pays découle de la politique de l’Etat gabonais en matière d’infrastructures de télécommunications, mais aussi de l’implication personnelle du chef de l’Etat. Lui-même accro des TIC, Ali Bongo, sur son compte Facebook régulièrement mis à jour, vante parfois les avantages des TIC et de l’Internet. « Le secteur de l'information et de la communication (TIC) est en pleine mutation au Gabon. Parce qu’il est un vecteur essentiel de développement économique, d’opportunités de partenariats et de création d’emplois, notamment pour les jeunes, notre pays souhaite relever ce défi technologique », écrit-il le 28 octobre 2013. Tout comme il participe au sommet Transform Africa à Kigali au Rwanda la même année. Sommet qui va élaborer et adopter le manifeste Smart Africa. Un engagement des Chefs d'Etat à soutenir la transformation socio-économique de l'Afrique à travers les technologies de l'information et de la communication.

Le Gabon numérique

La stratégie du gouvernement en la matière est contenue dans le Plan stratégique Gabon Emergent (PSGE). Le Plan sectoriel Gabon numérique du PSGE prévoit de faire du Gabon à l’horizon 2016 un pays disposant d’une infrastructure numérique sur l’ensemble de son territoire, permettant le développement d’une large gamme de services « favorisant un saut qualitatif majeur dans les services sociaux et l’éclosion des piliers du Gabon Émergent. Ainsi, la mise en œuvre du Programme Gabon numérique entrainera des progrès significatifs dans les domaines suivants : i) l’amélioration de l’accès par une plus forte couverture du territoire national, notamment en zones rurales, ii) l’amélioration de la qualité de service, iii) l’augmentation substantielle du débit d’Internet, (iv) la construction d’un Backbone national en fibre optique, v) les mesures incitatives à la baisse du prix des terminaux , vi) la mise en place d’un cadre juridique complet sur les TIC, vii) la baisse des coûts de communication…», peut-on lire dans le PSGE.

Sur le terrain, le pays a accès depuis 2002 au câble sous-marin à fibre optique SAT-3/WASC (limité par sa capacité totale de seulement 1,2 Gbit/s) et abrite depuis  2011 une station d’atterrissement du câble sous-marin de fibre optique Africa Coast to Europe (ACE). En plus, le Gabon envisage de mettre en place un point d’échange Internet. C’est ainsi que le 22 janvier 2014, à l’initiative de l’Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF), 14 acteurs majeurs des télécommunications se sont réunis au sein d’un groupement pour mettre en place ce point d’échange Internet qui permettra la réduction des coûts de l’Internet et évitera à ce que les internautes voient leur trafic Internet transiter vers d’autres pays. Ce qui ralentit d’ailleurs l’expérience utilisateur. S’adressant aux acteurs télécoms réunis ce jour-là, Blaise Louembe, alors ministre de la Communication, de la Poste et de l’Economie numérique, avait déclaré : « comme vous l’avez si bien souhaité, le futur point d’échange sera géré sous forme d’un Groupement d’intérêt économique (GIE). Je me permets pour cela d’inviter tous les acteurs appelés à gérer la future structure à jouer chacun sa partition afin que nous puissions exécuter de façon coordonnée, les mesures que nous avons convenues ensemble

Le pays développe également progressivement le projet du Backbone national gabonais (BNG). Une boucle optique qui part du point d’atterrissement du câble sous-marin ACE (connectivité Africa Coast to Europe) à Libreville et se déploie sur l’ensemble du territoire national. Le projet intègre à la fois la composante sous régionale CAB4  d’installation de 1075 km de fibre optique en suivant le tronçon ferroviaire et routier et la composante backbone national en fibre optique de 3400 km sur le reste du territoire national.

Par CAB4, il faut entendre le volet gabonais du projet Central African Backbone financé par la Banque mondiale et la BAD. « Ce projet, au Gabon comme dans tous les trois autres pays, vise la construction d’un réseau national en fibre optique destiné à connecter tous les chefs-lieux de province, de département et de district et à favoriser la mise en place des réseaux de télécommunications à haut débit qui sont, pour les entreprises, de véritables catalyseurs de croissance, grâce à leur soutien à la compétitivité et à l’innovation et, pour la population, des vecteurs irremplaçables de transmission des connaissances et des savoirs porteurs de transformation sociale », déclarait Pastor Ngoua N’Neme, le ministre de l’Economie numérique et de la Poste, le 15 octobre 2014 lors de la signature du contrat des travaux de construction de la dorsale fibre optique CAB4 entre l’Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF), représenté par Alex Bernard Bongo Ondimba, son directeur général et la China Communications Services International (CCSI) représenté par son président Ping Lailu. Le Gabon envisage d’ailleurs d’interconnecter le projet CAB du Congo et le sien.

La cybercity de l'Ile Mandji

A côté de ces projets, le Gabon ambitionne d’être l’îlot florissant de l’Afrique centrale en matière d’investissements dans les secteurs des TIC et télécommunications. C’est dans cette optique le président Ali Bongo a initié le projet de la cybercity de l'Ile Mandji, une composante du Gabon numérique. Un projet qui a pour vocation d’attirer au Gabon les principaux acteurs de l’économie numérique. En octobre 2011, Ali Bongo s’était rendu lui-même à Genève, en Suisse, à l’ITU World Telecom, pour faire la promotion de ce projet et inviter les géants du web et du numérique à venir s’installer au Gabon. Les avantages pour les investisseurs étrangers et nationaux à investir à la Cybercity de l’île Mandji sont nombreux : « L’exonération d’impôts pendant les 10 premières années, un taux d’impôt réduit sur les bénéfices plafonné à 10% à partir de la 11ème année, l’enregistrement rapide et facile des sociétés à partir d’un guichet unique, la liberté d’expatriation des fonds, etc. », promet Ali Bongo. Il y est prévu huit technopoles parmi lesquels le Gabon Internet City (GIC), le Gabon Hosting Zone (GHZ), le Gabon Outsourcing Zone (GOZ), le Gabon Media City (GMC), le Gabon Studio City (GSC) ou encore le Gabon Tech Zone (GTZ).

Bref, un peu comme l’indique le manifeste Smart Africa (pour une Afrique connectée) adopté par une dizaine de présidents africains à Kigali au Rwanda en 2013. Ce manifeste indique que les chefs d’Etat s’engagent à s’appuyer « sur les progrès accomplis par le continent en matière de connectivité, en particulier dans les zones mal desservies, afin de réaliser notre objectif d'accès de qualité et abordable pour tous. Pour y parvenir, nous allons collaborer avec le secteur privé et les autres pays africains à investir de façon continue dans les infrastructures nécessaires, y compris les réseaux transfrontaliers et régionaux. Nous allons soutenir ces investissements en favorisant et en harmonisant nos environnements politiques en vue d’assurer qu'elles facilitent plutôt qu’entraver l'accès universel ». Avec ce projet de technopôles, les autres projets et les acquis ci-dessus cités, le Gabon est visiblement sur la bonne voie côté TIC et télécommunications. L’organisation imminente par ce pays pour la première fois en Afrique du Forum mondial des régulateurs de télécommunications des pays membres de l’UIT qui se tiendra du 08 au 12 juin 2015 à Libreville, est probablement une autre reconnaissance internationale de ses efforts en la matière.

 

Beaugas-Orain Djoyum

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A 4 mois du double événement économique qui va fera de Libreville, fin aout 2015, le centre de toutes les attentions internationales, Richard Attias explique les relations prévues entre le 4eme New York Forum Africa et le 14eme Forum de l’AGOA. Il précise également les objectifs de cette édition 2015.

 

Le Nouveau Gabon : Estimez vous avoir joué un rôle dans le choix du Gabon pour accueillir le 14eme Forum de l’AGOA ?

Richard Attias : En aucun cas. C'est une décision basée sur des discussions entre pays souverains et un choix très opportun. Il témoigne, si besoin était, de la bonne image dont jouit le Gabon aux États Unis. Nous avions déjà fait ce constat au cours des différentes éditions du New York Forum Africa où nous avons invité chaque année un certain nombre de décideurs économiques américains. 

LNG : Doit-on déduire de cette concomitance que le 4eme NYFA sera particulièrement orienté sur les rapports Afrique-USA ?

Richard Attias : Surtout pas! Notre programme est plus que jamais panafricain avec la participation d'acteurs économiques européens, asiatiques notamment. Que des participants américains se joignent aux débats ne fera qu'enrichir la dimension internationale et globale du NYFA. Par ailleurs nous tenons la seconde édition du African Citizen's Summit‎. Cette dimension sociale va permettre d'aborder le thème du développement économique inclusif, encore et encore. 

LNG : Le Forum AGOA devrait réunir 1000 délégués. Sur le plan de l’accueil et de la logistique,  prévoyez vous une coordination avec le 4eme NYFA ?

Richard Attias : Il va de soi que tenir les deux manifestations l'une après l'autre nous oblige à nous coordonner, mais cette volonté du Chef de l'Etat gabonais de tenir les deux événements au mois d'août  permet surtout d'optimiser les coûts et de mobiliser les ressources sur une période concentrée. 

LNG : Est-il prévu des événements communs ou des interventions de l’un chez l’autre ?

Richard Attias : Nous envisageons en effet de bénéficier de la présence de dirigeants américains pour élargir et enrichir nos débats et de même nous apporterons un volet économique au forum AGOA qui se veut surtout politique.

LNG : Avec les énergies renouvelables, les grands investisseurs institutionnels semblent avoir enfin trouver une porte d’entrée en Afrique. A quelques mois de COP 21, est-ce l’une des motivations du choix du thème « Investir dans les énergies africaines », ou bien s’agit-il d’une heureuse coïncidence ?

Richard Attias : Vous nous connaissez bien, je pense, pour savoir qu'il n'y a jamais de coïncidence avec nous.... mais toujours la volonté d'être en amont des débats. Dès fin 2014, nous avions programmé le thème du changement climatique, des énergies renouvelables, ‎dans le prolongement d'ailleurs du thème principal du New York Forum à New York en septembre dernier auquel avait participé le président Ali Bongo aux côtés d'autres Chefs d'Etat. 

Le programme du NYFA 2015 intègre plusieurs sessions opérées dans le cadre d'une initiative originale, la Climate South ‎Initiative, mise en œuvre avec plusieurs partenaires internationaux dont le R20 et l'UNDP, notamment. L'idée est d'élaborer une feuille de route à 90 jours de la COP21. 

Mais surtout permettez-moi de préciser que le thème de cette édition est de faire référence à l'énergie du continent. Celle générée par sa jeunesse, ses femmes, sa créativité, ses entrepreneurs, sa résilience, et pas que celle de ses ressources naturelles auxquelles on s'intéresse en premier ! 

LNG : Quand on associe USA et énergies africaines, on pense naturellement au programme Power Africa lancé en 2013 par Barack Obama. Réservez-vous une place à cette initiative dans le programme du NYFA 2015 ?

Richard Attias : Ce programme a déjà été débattu. La question selon nous n'est plus d'en débattre mais de réaliser. Les investisseurs, les pouvoirs publics et les secteurs privés doivent ‎IMPLÉMENTER. Cette question est en filigrane de toutes les sessions qui traitent de l'industrialisation et du développement des infrastructures. Le nerf de ce combat lié à l'électrification du continent et à son autonomie énergétique, est le financement de cet impératif. Et puis enfin "Power Africa" du Président Obama doit intervenir en Afrique francophone. Espérons que la tenue du Forum AGOA au Gabon comblera ce manquement.

LNG : Le NYF Institute va primer 4 start-ups africaines. Quel sera le processus de sélection ?

Richard Attias : En effet, je tiens à cette initiative qui, au delà d'être un prix, est surtout ‎une modeste façon de contribuer à l'éclosion et au développement de jeunes entreprises africaines. Avec une contribution de 100 000 euros, nous répondons à la première préoccupation des jeunes: trouver du financement. La sélection se fera sur le modèle de cette fameuse émission "The Voice"… Un jury vote et puis la voix du public est aussi importante. Grâce à nos partenaires médias de la première heure, Le Point Afrique et France24 notamment, nous ferons la promotion des projets. Un média anglo-saxon se joindra à nous très prochainement. 

LNG : Au Gabon, l’opposition politique s’est beaucoup radicalisée ces derniers mois. Craignez-vous des actions qui pourraient nuire au bon déroulement 4eme NYFA ?

Richard Attias : Chacun doit comprendre que le NYFA est une plate-forme économique et non le lieu de débats partisans et politique. Nous avons toujours invité les acteurs de la vie gabonaise, quelque soit leurs opinions politiques, dès lors qu'ils sont force de propositions concrètes, constructives, et non les porteurs d'insultes et de diffamations. Le NYFA se tient toujours et avant tout parce qu'il est demandé et attendu pas une communauté auprès de laquelle j'ai personnellement un engagement réel : les jeunes! C'est grâce aux projets économiques petits ou grands, grâce aux rencontres pendant le forum, grâce au partage d'information, etc., que les jeunes pourront parfois trouver des opportunités et des emplois. C'est la mission du NYFA. Que l'on veuille récupérer cette plate-forme parce qu'elle a un fort écho médiatique, notamment, ne trompe personne.

LNG : Avec Youssou N’Dour, vous avez annoncé, en clôture du 3eme NYFA, la création d’un fonds d’investissement de 500 millions $, ciblé sur le secteur africain des médias. A quel stade de réalisation se trouve aujourd’hui ce projet ? 

Richard Attias : Nous avons pris du retard pour plusieurs raisons : un manque de ressources humaines à plein temps pour sillonner ‎la planète et lever des fonds, la chute du prix du pétrole qui a empêché un certain nombre de fonds souverains africains de contribuer au financement et, surtout, un agenda personnel 2014 et début 2015 très chargé avec la tenue en moins de 3 mois du Global Entrepreneurship Summit à Marrakech avec 8000 participants et l'organisation du Sommet Économique de Sharm El Sheikh, tous deux imprévus dans notre programme de ces derniers mois. Mais je ne renonce pas. La structure, les règles et le concept sont définis. Le temps est avec nous car les médias en Afrique sont une vaste industrie pour les 10 prochaines années. Et lever des fonds peut aller très vite, si l'on s'y met à plein temps.

 

Propos recueillis par Dominique Flaux

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Pour la deuxième fois en cinq ans, le Gabon organise la grande fête africaine du football. Ce qui implique un investissement financier conséquent. Mais aussi, le pays attend un retour sur investissement.

En novembre 2014 à  Doha, au Qatar, où il prenait part à la 3ème édition du Doha goals forum, le président de la République gabonaise, Ali Bongo, exprimait déjà sa volonté d’accueillir la Can 2017. Ceci après la co-organisation réussie avec la Guinée équatoriale de la Can 2012. Le 08 avril 2015, la Confédération africaine de football a exaucé les vœux du président gabonais en désignant son pays organisateur unique de la grande fête du football africain. Ceci au détriment de l’Algérie qui se voyait bien à la place du Gabon. Et c’est naturellement avec joie que le président gabonais, tout comme les populations de ce pays, ont accueilli cette annonce. « C’est un succès pour le Gabon, un grand bonheur pour la jeunesse africaine. (…) La CAN 2017 est une chance. Cet événement permettra d’intensifier la diversification de l’économie et de booster les secteurs du BTP et des services. Je remercie la Confédération africaine de football d’avoir offert ce succès au Gabon et ce grand bonheur à la jeunesse africaine », a réagi Ali Bongo. Une joie qui peut s'expliquer, car les retombées sur l'économie gabonaise et ses principaux acteurs d'une part et sur l'image du pays et celle de son président, d'autres part, seront intéressantes.

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Sur le plan économique par exemple, le Premier ministre, Daniel Ona Ondo, a vite fait d’indiquer « le choix salutaire » du Gabon pour l’organisation de la CAN : « C’est donc une bonne nouvelle pour le pays, parce que cela permettra de booster notre économie. Il y aura non seulement des stades à construire, mais aussi des hôtels à remettre aux normes. Cet évènement contribuera à créer des emplois. C’est donc un grand évènement sportif, mais aussi économique », se réjouit-il. Une manière de dire que les retombées seront palpables dans les domaines sportif, touristique et commercial.

Les retombées de la Can 2012

Pour comprendre au mieux quelles peuvent être les retombées économiques, il importe de comprendre les investissements et dépenses qui ont été réalisés en 2012 lors de la co-organisation avec la Guinée équatoriale de la Can 2012. Le pays s’en est tiré avec un certain nombre de réalisation. Le 8 avril 2013, dans une salle du stade de l’Amitié, Christian Kerangall, PDG de la Compagnie du Komo et Haut-commissaire du Comité d’organisation de la CAN 2012 (Cocan), a dressé le bilan du comité d’organisation. Au total pour le Cocan, un budget de dépenses évalué à 89 milliards de francs CFA, soit 5 milliards de plus par rapport au budget initial, «parce qu’il y a des éléments et des événements intermédiaires qui se sont ajoutés». 

D’un autre côté, indépendamment du Cocan, l’Agence nationale des grands travaux (ANGT) avait réalisé des chantiers pour accueillir la Can 2012. Quelques semaines avant Christian Kerangall, Louis Claude Moundziéoud Koumba, porte-parole du Comité d’organisation de cette coupe au Gabon, avait affirmé le 17 janvier 2012 que l’organisation de la fête panafricaine du football avait coûté au total  une «enveloppe estimée à 400 milliards de francs CFA». Il précisait alors que ce budget avait permis la construction de trois stades et d’autres infrastructures comme des routes qui «appartiennent au peuple gabonais, à l’Etat gabonais. C’est un héritage pour l’avenir».

Au chapitre des retombées économiques, elles sont difficilement quantifiables. Un rapport clair, n’ayant pas été établi. On parle toutefois de 50 000 emplois mobilisés pendant la préparation de ce grand rendez-vous sportif et des dizaines d’entreprises internationales qui ont investi dans le pays.

Toutefois, certains analystes, ont relevé que c’est au final moins de 400 milliards de francs Cfa qui ont été dépensés et que certaines réalisations budgétisées n’ont toujours pas été concrétisées jusqu’à ce jour. Mays Mouissi, spécialiste de Sécurité financière, affirme par exemple, après analyse des lois de finance du Gabon de 2005 à 2013, que seuls 346,9 milliards FCFA (530 millions €) ont été régulièrement inscrits au budget de l’Etat gabonais au titre de l’organisation de la Can 2012. Pour lui, un gap de 53 milliards FCFA est constaté entre les inscriptions budgétaires et les déclarations des officiels gabonais, mais aussi sur les projets annoncés et non réalisés comme la réfection du stade omnisports Omar Bongo, principal stade de Libreville inutilisé pendant la CAN, qui a absorbé au total 107 milliards FCFA (150 millions €), soit 31% de l’enveloppe globale et qui, trois ans après la fin de la compétition, n’est toujours pas achevée.

Infrastructures sportives

Concernant les retombées potentielles de la Can 2017, deux nouveaux stades seront construits. Il s’agit de celui de Port-Gentil et celui d’Oyem. « Nous avons déjà Libreville (45 000 places, ndlr) et Franceville (25 000 places, ndlr) et nous aurons également Port-Gentil (20 000 places, ndlr) et Oyem (20 000 places, ndlr)», assure Pierre-Alain Mounguengui, le président de la Fédération gabonaise de football. « Pour les stades à Oyem et Port-Gentil, le problème ne se posera pas. Nous avons pris des dispositions pour qu'au moment opportun, ces stades soient livrés à temps réel et nous jouerons effectivement sur ces stades-là », précise-t-il. Ce qui portera le nombre de stades construits au Gabon à quatre.

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Une aubaine pour le développement du football local et par ricochet pour plusieurs autres disciplines sportives qui disposeront de ce fait plus d’espaces d’entrainement. Le pays pourrait alors accueillir plusieurs autres compétitions sportives et rayonner sur le plan international.

Tourisme

Dans le domaine touristique, par exemple, le gouvernement prévoit qu’en 2015, l’activité du secteur de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et des loisirs connaîtra une amélioration, du fait de la livraison partielle des travaux de l’hôtel Okoumé Palace, des travaux de réhabilitation de Wali Rê-Ndama et du développement de la restauration collective. Après la Can 2017, le pays aura probablement renforcé son offre hôtelière, car il faudra accueillir, non plus seulement une partie des joueurs et supporters africains, comme en 2012, mais l’ensemble de ces joueurs et supporters.

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Si près de 4,7 milliards de FCfa ont été dépensés en hébergement et en restauration pour la Can 2012, l’on peut imaginer que le budget cette fois-ci sera le double. Ce qui apportera probablement une bouffée d’oxygène dans le secteur touristique. Dans une tribune publiée en juin 2014 dans les médias locaux, Floriano Diecko, du Pôle initiatives socioculturelles et environnementales, affirme que « si le Gabon dispose d’environ 400 structures hôtelières, il est nécessaire de préciser que près de la moitié de ces hôtels est concentrée sur la capitale, Libreville. Ce qui justifie une capacité d’accueil quasi nulle sur les sites touristiques et de son corollaire la restauration ». La rénovation et la construction des infrastructures hôtelières supplémentaires dans les quatre villes qui abriteront les matches de football permettront au pays de renforcer sa capacité d’accueil.

Routes

Les infrastructures routières et le système de transport demeure un handicap majeur pour le développement du tourisme gabonais, reconnait Floriano Diecko. Avec la Can 2017, le gouvernement devrait investir dans ces secteurs pour faciliter le transport et la migration des nationaux et touristes entre les villes. En effet, en 2012, en vue de fluidifier la circulation durant la CAN 2012, trois mini-échangeurs et des routes secondaires dans de nombreux quartiers avaient été construites, refaites ou recouvertes d’asphalte tandis que 22 km de routes avaient été bitumées pour un accès rapide aux stades de compétition et d’entraînement. Pour une meilleure circulation des populations et des touristes en 2017, des investissements similaires doivent être consentis.

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Santé

Sur le plan sanitaire, en 2012, le Centre hospitalier Amissa Bongo, à Franceville, et l’Hôpital général de Libreville avaient été rénovés afin de les rendre plus performants durant la compétition. Ils avaient bénéficié d’appareils d’imagerie médicale (scanner, mammographie, écographie 3D, électrocardiogramme, radiologie conventionnelle), de nouvelles unités de chirurgie, de nouveaux blocs opératoires, etc. Les hôpitaux d’Oyem et de Port Gentil bénéficieront probablement de ces mêmes dotations en 2017 tout comme ceux de Libreville et de Franceville pourront à nouveau être réfectionnés. Pour une meilleure circulation des populations et des touristes en 2017, des investissements similaires doivent être consentis.

Télécommunications

Au niveau des télécoms, les opérateurs Gabon Telecom, Airtel Gabon ou encore Azur Gabon, ainsi que les prestataires des services électroniques et les fournisseurs d’accès Internet, trouveront leur compte. En 2012, par exemple, Maroc Telecom a clairement indiqué que le chiffre d’affaires de Gabon Telecom, sa filiale au Gabon, s’est établi à 1291 millions de dirhams, en hausse de 23% (+25% à taux de change constant) par rapport à 2011. Cela tiré essentiellement par la forte croissance de l’activité mobile dont le revenu des services a progressé de 35% (+37% à taux de change constant) grâce à la forte croissance du parc Mobile. « Gabon Telecom a aussi bénéficié au début de l’année 2012 de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) au Gabon et en Guinée », indique le groupe marocain dans son rapport financier 2012. Avec la 4G qui a débarquée au pays depuis octobre 2014, les opérateurs télécoms se frottent déjà les mains et chacun prépare sans doute l’offensive de 2017 à sa manière. Plus ces opérateurs feront des bénéfices, plus ils payeront des taxes et impôts au gouvernement.

L'Image

Les retombées d’une Can sont également favorables pour l’image d’un pays qui peut, grâce à la publicité faite avant, pendant et après cette période attirer plus d’investisseurs étrangers qui participeront à l’essor de l’économie locale. La déclaration d’Ali Bongo selon laquelle «le sport est une des rares activités qui transcendent la politique et offrent à toutes les nations une chance de briller sur un pied d’égalité» laisse également transparaître cette volonté de briller sur le plan international. En réalité, les médias qui débarquent dans le pays organisateur d’une compétition sportive d’envergure internationale ne se limitent pas seulement aux reportages sur la compétition proprement dite, mais profitent pour faire savoir à leurs lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et internautes les aspects économiques, sociaux et culturels des pays organisateurs ainsi que les opportunités d'investissement qui s'y présentent. D’où l’importance de doter le pays de nouvelles infrastructures. « Quoi de plus mauvais que d’avoir des problèmes d’approvisionnement en eau ou en électricité ou le manque d’équipements et d’infrastructures sanitaires quand votre pays accueille le monde entier ! Il faut éviter cela car cela peut être fatal pour l’image du pays ! », prévient un économiste. Plusieurs analystes affirment d’ailleurs que c’est en termes d’image qu’un pays peut gagner en organisant une compétition sportive internationale. Car, le pays peut attirer des investisseurs étrangers et touristes qui apporteront un plus à la croissance économique. En effet, lorsqu'ils arrivent dans le pays, ils effectuent plusieurs achats et même les petits commerçants trouvent leur compte. Evidemment, le président du pays s'en tire également avec des honneurs et profite de ces moments de communion avec ses populations pour renforcer sa cote d'amour et de popularité auprès de ses populations et de ses pairs. C'est pourquoi bon nombre de présidents des pays d'accueil assistent personnellement aux différents matches de leur sélection nationale et invitent les présidents des pays amis ou encore les grandes vedettes du sport mondial lors des cérémonies d'ouverture ou de finale de la compétition. Ali Bongo n'échappera sans doute pas à la règle.

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Financement

Aujourd’hui, il reste l’équation du financement de cette Can 2017 et de toutes ces infrastructures. Si l'enveloppe globale en 2012 a coûté près de 400 milliards de F.Cfa, le montant des préparatifs pour l'édition de 2017 pourrait être similaire à celui de 2012, si non plus. Le choix du Gabon intervient dans un contexte où les revenus du pays issus du pétrole baissent du fait de la chute des prix du baril sur le marché mondial. A entendre les autorités publiques gabonaises, une solution est envisagée. En tout cas, Daniel Ona Ondo, le Premier ministre gabonais reste optimiste sur les ondes de RFI : « Le gouvernement que je dirige prendra toutes les dispositions pour que ce soit une CAN réussie (…) Nous avons déjà eu une expérience, nous l’avons déjà organisée. (…) Nous mettrons tout en œuvre pour être à la hauteur de la confiance qui a été mise du côté du Gabon. Naturellement, je dis que ça va permettre de " booster " un peu la croissance, parce que, d’abord, il y a un flux d’investisseurs qui va arriver dans notre pays. »

 

Beaugas-Orain Djoyum

 

Les dépenses de la CAN 2012
Dans le détail, rapporte Christian Kerangall, l'accueil et le protocole auront coûté 2,3 milliards de FCfa (0,4 milliard d'investissement et 1,9 milliard de fonctionnement) ; l'hébergement et la restauration 11,9 milliard de FCfa (4,7 milliards d'investissement et 7,1 milliards de fonctionnement), les transports et la logistique 25 milliards de FCfa (5,5 milliards d'investissement et 19,5 milliards de fonctionnement) ; la communication et marketing 4,25 milliards de FCfa (0,1 milliard d'investissement et 4,2 milliards de fonctionnement) ; la santé, 3 milliards de francs Cfa (1,6 milliard d'investissement et 1,3 milliard de fonctionnement) ; la sécurité, 1,25 milliard de FCfa (0,1 milliard d'investissement et 1,2 milliard de fonctionnement) ; la compétition 1,3 (0,8 milliard d'investissement et 0,5 milliard de fonctionnement) ; le management de l'équipe 3,8 milliards (0,1 milliard d'investissement et 3,7 milliard de fonctionnement) ; les aménagements du stade 14,5 milliards (2,3 milliards d'investissement et 12,2 milliards de fonctionnement) et enfin la gestion des équipes du Commissariat général et de l'ensemble de la communication auront coûté 15,6 milliards. Soit, un montant global de 83 milliards de FCfa. Le détail du reliquat n'est pas mentionné, mais Christian Kerangall indique que "tous ces chiffres sont actés et audités par un cabinet indépendant". KPMG en occurrence.

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Après avoir mené son expansion en Afrique centrale, le groupe BGFI déroule ses ambitions en Afrique de l’Ouest. Le leader bancaire du Gabon ouvre une filiale au Sénégal et s’empare du réseau d’assurance FEDAS. Henri-Claude Oyima, Président directeur général du groupe, dessine sa stratégie pour les cinq prochaines années.

Le Nouveau Gabon : Tous les grands groupes bancaires panafricains sont assis sur un large marché domestique, qu’il soit marocain, nigérian ou sud africain. Votre base gabonaise est-elle assez large pour supporter votre expansion, et jusqu’où ?

Henri-Claude Oyima : Il y a en effet une constante qui veut qu’un groupe financier peut difficilement se développer à l’international s’il n’est pas fort sur son propre marché. Les autres sont peut-être forts sur le marché au niveau du volume de leur population, mais nous, nous sommes très forts sur le volume des opérations traitées car nous disposons de 40% de parts de marché au Gabon. De plus, notre groupe a été construit sur un développement organique, c’est à dire que nous n’avons pas fait appel au marché pour nous développer. Ce sont nos activités au Gabon qui nous ont permis de nous développer. Donc, oui, le Gabon n’a pas une population importante, mais notre volume est suffisant pour nous permettre d’assurer notre développement.

LNG : Mis à part Sao Tomé, toutes vos implantations sont en zone dite francophone. Envisagez vous de sauter prochainement la barrière linguistique ?

HCO : Avant cela, nous devons maîtriser totalement notre développement sur la zone francophone. Nous nous développons par cercles concentriques. Nous avons commencé par le Gabon. Puis nous avons développé le second cercle qui est l’Afrique centrale où il reste quelques pays où nous devons encore consolider notre implantation. Le troisième cercle, c’est l’élargissement à l’Afrique de l’Ouest. Il est vrai que dans nos objectifs à 2020, nous n’avons pas prévu de développement hors de la zone francophone, mais nous ne faisons pas la course à la taille. Nous ne sommes en concurrence qu’avec nous-mêmes. Tant que nous n’avons pas totalement maitrisé une étape essentielle, nous n’entamons pas la suivante. Donc, à ce jour, il serait prématuré de franchir la barrière linguistique.

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LNG : Au vu de votre expérience dans le secteur pétrolier, pourquoi n’avez-vous pas plutôt ciblé des marchés comme l’Angola, le Nigeria ou même le Tchad ?

HCO : Nous ne courrons pas particulièrement après le pétrole. Nous courrons après l’efficacité et l’efficacité ne passe pas nécessairement par le pétrole. Tant que nous avons la capacité d’assurer notre croissance dans des pays où nous pouvons apporter un plus à l’économie, nous sommes satisfaits. Nous sommes des financiers, nous ne sommes pas des pétroliers.

LNG : Quelles conséquences la chute du prix du baril aura-t-elle sur les résultats de BGFI Group, notamment au Gabon, au Congo et en Guinée Equatoriale, trois pays qui font une grande part de votre bilan ?

HCO : Il est vrai que ce sont des économies tournées vers le secteur pétrolier, un secteur qui représente une part importante de leur PIB. Mais il faut savoir que très peu de banques locales financent les pétroliers. Aujourd’hui les pétroliers se financent en grande partie à l’extérieur. Donc le seul impact que le cours du baril peut avoir sur nos affaires, résulte d’une baisse des recettes pour les pays concernés. Mais les autorités savent ajuster leurs plans d’investissements et leurs politiques pour faire face à ce type de situation.

LNG : Pour développer vos affaires avec les pétroliers, envisagez vous d’implanter une antenne de trade pétrolier à Genève, où se négocie une grande part du pétrole mondial ?

HCO : Non, chacun son métier. Nous sommes des financiers, pas des pétroliers. Le trading, la production et la commercialisation du pétrole, c’est un autre métier.

LNG : Vous diversifiez tout de même vos métiers, notamment dans le secteur des assurances. Comment comptez vous intégrer la FEDAS dans votre groupe ?

HCO : C’est une diversification, mais pour nous, qui nous définissons comme un groupe financier, il y a une vraie complémentarité entre l’activité bancaire et l’assurance. Nous avons aujourd’hui 4 lignes de métiers : la banque commerciale, la banque d’investissement, les services financiers spécialisés et l’assurance. Ces quatre métiers cohabitent et interagissent pour créer de la valeur. Pour nous développer dans l’assurance, nous procédons comme pour la banque. Nous maîtrisons d’abord notre marché national, avec deux compagnies, puis nous nous développons à l’international. C’est dans cette dynamique que nous avons racheté la FEDAS, qui s’est transformée en Ogar Assurance Togo, Bénin et Côte d’Ivoire. Cette logique d’intégration se fait par la ligne assurance, et non par la banque. Les quatre lignes sont autonomes et chacune est pilotée par un manager avec son dispositif de gouvernance et de contrôle. Naturellement, c’est la structure holding qui coordonne le tout en terme de stratégie.

LNG : Pour quelle raison, dans votre organigramme, le Cameroun n’est pas intégré à l’Afrique centrale mais à la CEDEAO ?

HCO : Il y a deux raisons. La première, c’est que nous avons constaté un flux croissant entre le Cameroun et les pays de la zone UEMOA. Et par ailleurs, il se trouve que le directeur général de BGFI Cameroun connaît très bien la zone Afrique de l’Ouest. De manière pragmatique, il est intéressant de capitaliser sur les ressources humaines et sur le potentiel que nous avons les uns et les autres pour développer nos affaires.

LNG : Pour Ben Robinson, de Temenos, dans 10 ans, la majorité des agences bancaires auront disparu au profit de la banque en ligne. Partagez-vous ce point de vue ?

HCO : Non, cette réflexion correspond peut-être à la réalité européenne, mais pas africaine. Il y a en Europe un niveau de développement, de maitrise de l’outil informatique, qui n’est pas le nôtre en Afrique.

LNG : L’Afrique est pourtant très développée sur le mobile…

HCO : Oui, mais nous avons un taux de bancarisation encore très faible, entre 10 et 15% pour les meilleurs taux, alors qu’en Europe, c’est plus de 90%. Aujourd’hui, le seul moyen que nous avons pour bancariser les populations, c’est de développer les agences bancaires. Il faut d’abord bancariser les gens et ensuite vient l’IT. Je pense que la banque de détail a encore un bel avenir devant elle au niveau africain.

LNG : L’Afrique de l’Ouest avance à grand pas vers l’intégration des marchés financiers de l’UEMOA, du Ghana et du Nigeria. Quel conseil donneriez-vous aux décideurs concernés pour débloquer la situation en Afrique centrale ?

HCO : Le problème que nous avons en Afrique centrale, c’est que nous avons voulu faire l’intégration par la politique. Cette approche ne donne jamais de bons résultats. La meilleure intégration, c’est celle qui passe par les entreprises. Nous avons d’ailleurs nous-mêmes entrepris cette intégration. Notre groupe est déjà implanté, en plus du Gabon, au Congo, en RDC, à Sao Tomé, en Guinée Equatoriale, au Cameroun. Il y a également Afriland First Bank qui a fait le même mouvement. Dès lors que les groupes financiers ouvrent la voie, l’intégration économique se met en marche.

En ce qui concerne le marché financier, il se trouve que deux chefs d’Etat ont souhaité mettre en place leur bourse de valeurs. Les entreprises se sont adaptées à cette réalité. L’initiative est venue des hommes politiques qui, eux, ont leurs impératifs et leurs agendas, différents de ceux des hommes d’affaires. Mais tôt ou tard, ces deux bourses vont devoir s’unir, ne serait-ce que pour assurer leur rentabilité.

LNG : En 2020, au terme de votre carrière chez BGFI, que diriez vous d’embrasser une carrière politique ?

HCO : Vous savez, quand on oppose le politique et l’économique, c’est qu’on est persuadé que les deux en font un… Quand on a fait une carrière économique ou financière, on n’est pas nécessairement obligé de faire de la politique.

LNG : Vous ne pensez pas qu’il serait utile que des gens issus de l’économie ou du management d’entreprise apportent leur expérience ou leur regard à la politique ?

HCO : Je pense que nos pays ont plus besoin de gens qui s’engagent dans le secteur privé que dans la politique. Des hommes politiques, il y en a suffisamment. En revanche, nos pays manquent encore d’entrepreneurs, de managers, car dans le secteur privé, on ne peut se distinguer que par l’exemple et les résultats.

En ce qui me concerne, je crois que lorsqu’on a achevé sa carrière, on peut rester actif, mais avec d’autres préoccupations. On peut donner des conférences, dispenser des conseils. Dans notre groupe nous avons ouvert une business school. Devenir un bon conférencier dans cette école me conviendrait parfaitement. Transmettre mon expérience dans un cadre éducatif, aider des jeunes entrepreneurs, ce serait, de mon point de vue, faire œuvre utile.

 

Propos recueillis par Dominique FLAUX, à Genève.

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